Roman de la contre culture vraiment sympa à lire. Il raconte l'histoire de Sissy qui a les deux plus longs pouces du monde et qui va devenir la plus grande auto stoppeuse des États-Unis ( années 60 / 70). Elle fera de sacrés rencontres dont les cow-girls du ranch de la Rose de Caoutchouc qui veulent être sur un pied d'égalité avec les hommes. C'est drôle (mais pas que), le style est peu commun donc peut en rebuter certains mais ça reste original et je m'évade vraiment beaucoup avec cette lecture.
Extraits :
Lorsque Sissy lut l'affiche annonçant BAL DES BONNES ŒUVRES, elle commença à penser qu'elles n'auraient sans doute pas dû arriver du tout.
Une fois entrée, elle n'en douta plus. Le parquet de danse luisait de bave tandis qu'y boitaient, chancelaient, glissaient et ballottaient les orteils de crabe et les talons de poulet de plus d'une vingtaine d'organismes désaxés, déglingués et bancals, et que dans le rougeoiement des lanternes chinoises faites à la main, palais fendus, becs-de-lièvres, mâchoires décrochées, tics, convulsions, bouches écumantes, yeux égarés, narines dégoulinantes et crânes pointus se trémoussaient sur divers tempos, inspirés par un disque de Guy Lombardo et les modèles cinétiques de ceux qui étaient sur la piste.
Lorsque Sissy se figea d'étonnement, Miss Leonard la sermonna :
- Écoute, poussin, je sais bien comment c'est pour les gens comme vous. [...] Les polios ne peuvent pas sentir les paralytiques, les paralytiques snobent les tarés de naissance et les trois réunis détestent les attardés mentaux. Je le sais bien, mais vous devez passer par-dessus ça ; les handicapés doivent faire bloc.
[...] la jeune fille, pour la première fois de sa vie, entendit sa propre voix. Sissy hurlait.
- JE NE SUIS PAS HANDICAPÉE, NOM DE DIEU !
[..]
Ils la fixèrent du regard. Quelques ricanements et gloussements se firent entendre. Et puis, l'un après l'autre, ils se mirent à l'applaudir (certains n'applaudissant que d'une main, illustrant de manière spasmodique et involontaire le plus célèbre proverbe du bouddhisme zen).
Mais dans l’ensemble, Sissy avait rejoint les rangs des Malheureux Qui Attendent et des Tueurs de Temps. Mon Dieu, il y en a tellement dans notre pays !Etudiantsqui ne sont pas heureux tant qu’ils n’ont pas eu leur diplôme ; soldats qui ne sont pas heureux tant qu’ils n’ont pas fini leur service ; célibataires qui ne sont pas heureux tant qu’ils ne sont pas mariés ; travailleurs qui ne sont pas heureux tant qu’ils ne sont pas à la retraite ; adolescents qui ne sont pas heureux tant qu’ils ne sont pas grands ; malade qui ne sont pas heureux tant qu’ils ne sont pas guéris ; ratés qui ne sont pas heureux tant qu’ils ne réussissent pas ; agités qui ne sont pas heureux tant qu’ils n’ont pas quitté la ville ; et, dans le plus grand nombre de cas, vice versa, individus qui attendent, attendent que le monde commence.
"Ici on parle pas de sa misère et encore moins de son courage" - Soldat Louis