Est-ce après quelques rencards fixés sur Meetic à des sosies d'Angelina Jolie qui se soldèrent finalement par des soirées interminables au Macumba, collés à des Cougars hideuses et débridées, que les gens se sont mis à avoir si peur d'acheter un disque foireux ?
Oui, de nos jours, peut-être pour éviter de gâcher quelques malheureux euros, mais surtout par habitude, le mélomane se prive bêtement des plus belles choses que la Musique et la Vie en général peuvent lui offrir : les surprises.
Aimeriez-vous que l'on vous dévoile la fin du film que vous êtes sur le point de regarder ? Savoir précisément quels dessous votre chérie a enfilé pour vous avant qu'elle ne se déshabille ? Pourquoi alors, avant d'acheter un disque, toujours se jeter sur ces morceaux online, encodés dans une qualité généralement affligeante pour en plus l'écouter sur un Ipad ou autre portable dont les haut-parleurs auraient uniquement fait pâlir d'envie le transistor d'une GS ou d'une Simca -et encore- ; sachant pertinemment que seule une véritable chaîne haute fidélité couplée à des enceintes dignes de ce nom n'a jusqu'ici su vous faire apprécier un morceau à sa juste valeur?
Utilisant moi aussi stupidement le jukebox planétaire pour me faire des opinions qui s'avèrent trop souvent faussées, il m'arrive néanmoins couramment d'acheter des disques sans en avoir préalablement écouté une seule note sur Deezer ou YouTube, guidé uniquement par mes coups de tête, les promos de Gibert ou -ce fut le cas de ce "
Riskin' It All"- par les conseils avisés de mes netfriends sommiens.
Et le plaisir est différent, bien plus jouissif... Après avoir solennellement glissé la nouvelle acquisition dans sa platine CD, l'on se délecte des premières notes du disque, calé dans son fauteuil, booklet à la main, l'oreille aux aguets, à la recherche d'un premier atome crochu avec les musiciens ou au contraire d'un mauvais présage enclin à nous faire froncer les sourcils et à redoubler de vigilance.
Les premières impressions digérées, on se fait une vague idée de la destination vers laquelle on souhaite nous transporter, et les images peuvent commencer à défiler... Le livret et ses lyrics, le look des zicos, le style de Musique pratiqué ainsi que la ville d'origine du combo aident habituellement le cerveau à se forger des images mentales adéquates mais certes caricaturales : bateaux pirates, braquages de banque, sacrifice de vierges dans les flammes de l'Enfer, figures acrobatiques de Skate, guérillas urbaines, filles faciles entrelacées, refuge campagnard, orgies d'alcool, exécutions capitales, cocktails servis à l'ombre de palmiers tropicaux, bombardiers allemands, landes menaçantes perdues sous la neige, sauts en parachute, villes futuristes... J'ai l'imagination généreuse. Quelle vision ce quatrième album des danois me réservait-il ? La Sirène de Copenhague ?... Mickey ?... Vous verrez que je n'ai pas été déçu !
Flashback... 1982. Stig Pedersen, bassiste dont la trademark, à l'instar de Max Cavalera avec sa guitare, est de jouer sur une basse à deux cordes, se fait virer de son propre combo punk répondant au patronyme d'ADS. Furieux, il recrute sur le champ des musiciens dans l'unique but de concurrencer dans les bars de Copenhague ces connards d'ADS qui ont osé l'éjecter du groupe qu'il avait créé. Ainsi naît son nouveau projet,
Disneyland After Dark, l'idée étant qu'à la nuit tombée, tout peut arriver chez Mickey, même les choses les plus étranges... Jesper Binzer (chant et guitare), et le batteur Peter Lundholm Jensen font partie de l'aventure dès le début du groupe. C'est la nana de Stig, une certaine Lene Glumer qui complète ce premier line-up en tant que soliste. Durant quelques mois, Jesper et Peter n'osent protester, mais en décembre, ils finissent par craquer et Lene est éjectée. Le groupe continue sous la forme d'un trio jusqu'au 3 mars 1984, date à laquelle Jacob, le petit frère de Jesper, les rejoint sur scène pour une jam. Un feeling passe, et le frangin rejoint finalement le groupe qui retrouve donc une deuxième guitare. Deux albums sortent en 1984 et 1987, qui font leur petit effet.
Stig reçoit tout d'abord LE coup de fil qui fait fantasmer tous les groupes amateurs. Warner Bros Records voit en eux, c'est très drôle aujourd'hui, les stars des 1990s. On propose à
Disneyland After Dark un mirobolant contrat d'un million de $ pour venir percer chez l'Oncle Sam.
Quasiment au moment où Stig se pince pour s'assurer qu'il ne rêve pas éveillé, leur manager John Rosing ouvre un courrier recommandé d'un avocat américain. La Walt Disney Company menace d'attaquer les quatre petits banlieusards copenhagois s'ils n'abandonnent pas sur le champ leur patronyme qui porte atteinte à l'image de marque de la firme. Toute résistance envers une souris multimilliardaire étant vaine,
Disneyland After Dark devient donc D.A.D.; l'acronyme prendra plus tard les formes D:A:D puis D-A-D pour symboliser de nouvelles périodes dans l'histoire du groupe.
Le froid glacial de l'Europe du Nord, la chaleur et la folie d'Orlando, un contraste intéressant... A quoi ressemble donc ce "
Riskin' It All", lâché dans tous les records-stores américains le 10 octobre 1991, deuxième (et dernière) tentative du groupe pour conquérir le cœur des Yankees ?
Premier constat, le disque est facile à appréhender. On rentre instantanément dans le délire des danois, situé à mi-chemin entre un Sleaze Rock US débridé et festif et un AC/DC époque Bon Scott. Les rythmes binaires frappés avec un enthousiasme communicatif sur un kit mis en valeur par la production soignée d'un certain Nikolaj Foss servent de tremplin à des compositions enjouées et efficaces, mémorisables dès la première écoute comme l'illustre l'enchaînement imparable "
Bad Craziness" / "Disneyland Law", dans lequel on remarque la place primordiale occupée par les chœurs dans la structure des compositions, rappelant en ce sens le grand
Def Leppard époque "Mutt" Lange.
Outre ces petites bombes dont le morceau éponyme est encore un bon exemple, on trouve également sur ce full-length des morceaux Rock'N'Roll moins marquants bien que ne manquant pas d'énergie ("Rock N' Rock Radar", "Smart Boys
Can't Tell Ya"), une ballade envoutante ("Laugh and a Half") et un Blues électrique ("
I Won't Cut My Hair") au dessus duquel plane le fantôme de Bon Scott, rendant un bel hommage, volontairement ou pas, au fameux "The Jack" des mythiques australiens. Mais le meilleur reste à venir.
Tel un diable sorti d'un cartoon, Il était apparu fugitivement dans mon esprit lors des intros de "Day of Wrong Moves" et "Down That Dusty Third World Road", puis s'était éclipsé. Je n'avais pas eu le temps de le visualiser, trop fugace, éphémère. Puis à l'attaque de la pépite "Grow and Pay", il me susurra à l'oreille "Masser les pieds et bouffer la chatte d'une gonzesse ça fait deux."
Stupeur. Que foutait Samuel L. Jackson dans ma tête ? Enfin plus exactement Jules Winnfield, qui insistait en plus : "Je t'assure que toucher les pieds d'une fille et lui glisser la langue dans le sanctuaire des sanctuaires c'est vraiment pas du même ordre ! Et pour soutenir que c'est pareil, faut vraiment être borné".
Puis, en fond,
Chris Isaak s'est mis à chanter "Blue Hotel", et enfin, j'ai fait le rapprochement avec les danois. Je jure que j'étais sobre.
Ce son clair si troublant, cette réverbération, ce petit vibrato à la fin de l'arpège, bref ce feeling m'évoquant les 60's et la surf-music, mais oui, mais c'est bien sûr : les B.O. toujours admirables des premiers films, à juste titre cultes, de Quentin Tarantino. Sans que j'y puisse quelque chose, mon cerveau avait rapproché le délicieux "Girl You'll Be a Woman Soon" (interprété dans "
Pulp Fiction" par Urge Overkill) de ce "
Grow or Pay" particulièrement génial, mêlant donc ces guitares 60's à un rythme Rock, porté par une basse puissante. Le must de l'album. Un frisson sans égal.
A ce jour, 123 000 copies de ce disque se sont écoulées au Danemark. Une dizaine ont dû être envoyées outre-Atlantique. À moins que Tarantino ne retrouve l'inspiration perdue depuis
1997 et ne sollicite D-A-D pour mettre en musique son nouveau projet, il est fort à parier que les frères Warner ne rentabiliseront pas leur mise. Mais peu importe, car même si le Jérôme Kerviel du service Découvreur de Talents chez Warner a certainement dû se reconvertir suite à ce fiasco (commercial), le groupe continue à sortir des disques, à tourner en Europe, et a de quoi voir venir.
Quant à moi, j'ai remplacé la drogue par l'achat de nouveaux disques en mode Colin-Maillard. C'est moins cher et ça me fait le même effet, vous l'aurez remarqué.
Grosse lacune pour ma part concernant D.A.D ne possédant que le No Fuel Left... depuis sa sortie, ayant emprunté divers et tortueux chemins ces années là, la suite de leur disco m'a totalement échappé.
Encore un vide a combler.
Merci.
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