Biografie : Soan
Le cahier des charges de Soan est désormais simple : ne rien s’interdire, aller là où le coeur le mène. « L’intention était de faire de la musique comme si j’avais quatorze ans, sans me poser de questions sur le style et les arrangements. Le troisième album Sens interdits était mauvais. Je me suis fait malmener par mon entourage du moment qui voulait quelque chose de pop. Comme je l’avais déjà fait galérer sur le précédent et que je n’étais pas agréable à vivre, je me suis laissé convaincre ». Boosté par des élans d’écriture, Soan accumule de la matière. Il s’en va chercher ailleurs l’espace vital qu’une industrie du disque avait tendance à lui refuser. Vingt-sept titres sur la ligne du départ, seize finalement à l’arrivée. Retourné vivre est à la fois urgent, révolté, tendre, mordant et vivant. C’est un disque décomplexé, libéré de toute contrainte et qui délimite le vaste territoire de chasse de ce fauve indompté. Soan ne chante pas pour passer le temps mais pour comprendre, ressentir, ouvrir les yeux, sauver sa peau. Écriture viscérale et physique. Convictions brandies et tranches de vies écorchées. Dans la foulée d’un prologue détonant et lorgnant du côté de Pulp Fiction (Quand je serai), l’album s’ouvre sur Coco (en duo avec Djazia Satour, l’ex-chanteuse du groupe MIG) – chanson qui défie le temps et célèbre ses retrouvailles avec la dessinatrice de Charles Hebdo dix-sept après une amitié adolescente – et se termine par un morceau caché Je suis Charlie. Forcément coup de poing, forcément culotté. Ne pas s’attendre à ce que l’incandescent opte pour une approche bisounours ou caressant dans le sens du poil. Cela fera sans doute causer et divisera. C’est le lot réservé aux chansons insoumises. « Alors veulent-ils qu’on s’affole ?/ Que veulent-ils de moi ? », s’interroge-t-il à mi-parcours dans A la fin. Entendre par là : est-ce ainsi que les hommes vivent ? Désolation pour une société repliée sur elle-même et qui ne sort de sa torpeur que lorsqu’elle est fauchée en plein vol. « Tu l’as-vu, l’entends-tu, l’attentat qu’est venu/Pour te faire voir le monde/C’est admettant et plus/Qu’en admettant perdu/ C’est l’histoire à la ronde ». Soan ne se regarde pas le nombril, ouvre son propos sur le chaos ambiant. Humanité en perte d’idéaux (Bouche bée), colère saine et brûlante sur fond de guitares en pétard (La chute). Parlons-en d’ailleurs de ces guitares qui se taillent ici la part du lion. Elles sont au garde-à-vous, dictent les humeurs, changent subitement de braquet (Petit cadeau), galopent à perdre à haleine (Colocation), embrassent une nonchalance chaloupée (A côté), .
Au sein de cette auberge espagnole diablement accueillante, difficile de ne pas succomber à ces assauts grunge (Fakir), à ces incantations chamaniques encerclant une rythmique blindée et un texte à l’os (Eyah Eyeh), à cette percée pénétrante à la Asaf Avidan (Seven Glories), à cet ovni hip-hop bourré de panache (Adonaï). La voix de brasier vénéneuse se fait tour à tour uppercut et caresse, slalome effrontément entre les genres. Et puis il y a ces instants de grâce dont Soan a le secret, ces mots qui heurtent nos habitudes, ces fulgurances poétiques, cette tendresse diffuse pour ses compagnons de route (Un verre sur deux) ou une amie confrontée au deuil (Anaïs). Dans un abandon jusqu’au-boutiste surgit une chanson au romantisme déchiré et déchirant. Elle s’appelle Pustule. Elle est dans la veine miraculeuse de Conquistador. Et elle ordonne, comme sa grande soeur, de poser un genou à terre.
Source : https://verygroup.fr/veryshow/artists/soan/