Il aura fallu 3 ans à
Foreigner pour digérer le succès monumental de "4" et la renommée planétaire que cet album et ses hits ont pu lui apporter. Alors que le temps est venu de donner une suite à ce joyau, Mick Jones et sa bande semblent hésiter quant à la voie à suivre pour garder un succès commercial important sans pour autant perdre sa fan-base en s’éloignant trop des critères Hard-Rock de leurs débuts, d’autant que "4" avait musclé le jeu par rapport à ses prédécesseurs. Un premier indice peut laisser pointer quelques inquiétudes : le remplacement de John "Mutt" Lange à la production, par Alex Sadkin, ce dernier n’étant pas particulièrement réputé pour la place laissée aux guitares dans ses interventions (Grace Jones,
Thompson Twins,
Duran Duran…).
Si "Tooth And Nail" démarre sur des bases accrocheuses avec son refrain cinglant, la suite a tendance à confirmer ces craintes. En effet, malgré la qualité des compositions, les claviers ont clairement pris le pouvoir, s’emparant des mélodies et des ambiances sur les trois cinquièmes des titres. Le format vinyle est d’ailleurs marqué par la présence des titres les plus musclés en début et fin de chaque face, comme si le quatuor avait honte de ses nouveaux penchants et tentait de les dissimuler aux amateurs découvrant cette nouvelle production comme cela se faisait à l’époque, à savoir en écoutant un extrait des morceaux occupant ces emplacements.
Pourtant, si l’évolution est pour le moins marquante, la qualité est tout de même au rendez-vous, élevée par un Lou Gramm au sommet de son art. Mick Jones a clairement compris la valeur incomparable de son vocaliste et il lui laisse les rênes sur la plupart des interprétations. Les soli de guitare se font rares mais lumineux ("Two Different World") et la puissance est au rendez-vous à chaque fois que la bête se cabre à l’occasion de quelques brûlots tels que l’incandescent "
Reaction to Action", le heavy "Stranger In My Own House" ou la tornade "She’s Too Tough". Entre ces saillies, l’ambiance est donc plus sucrée et aérienne mais quelques titres s’imposent comme des hits en puissance, en particulier les mid-tempi Aor "
That Was Yesterday" et "A
Love In Vain", une fois de plus portés par les claviers et le chant de Gramm. Mais le morceau qui dépassera toutes les attentes, celui qui sera la pierre incontournable de cet "
Agent Provocateur", c’est bien la ballade "
I Want to Know What Love Is". Aérienne, mélancolique, voyant un Lou Gramm habité renforcé par les chœurs gospel du New Jersey Mass Choir, elle incrustera son refrain entre toutes les oreilles normalement constituées et remportera un succès planétaire que
Foreigner ne retrouvera probablement plus jamais.
Si "
Agent Provocateur" se verra souvent résumé à l’image réductrice 'd’album d’un titre', il serait injuste de ne pas en reconnaitre les multiples qualités. Cependant, la double identité qui l’habite en désorientera plus d’un parmi les fans les plus fidèles, certains le considérant comme une 'haute trahison'. Le succès commercial sera encore une fois très important, mais il mettra
Foreigner en porte à faux pour la suite de sa carrière, Mick Jones et ses compagnons ayant à trouver un juste équilibre entre cette renommée mondiale et une certaine intégrité artistique. En attendant, "
Agent Provocateur" peut être considéré comme un album incontournable, mais pas forcément indispensable pour tous.
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