Après le succès retentissant de leur premier album éponyme en 1972, les
Eagles reviennent l'année suivante avec un opus nommé
Desperado. Si l'esprit country est toujours bien évidemment archi-présent, cet album-ci à la particularité d'apporter quelques changements concernant la musique du groupe. D'abord la pochette. Si vous ne l'aviez pas compris de par son titre, la photo reconstituée de l'arrestation des Dalton démontre que nous allons avoir affaire à des tracks à l'ambiance Far-West des outlaws et des saloons. Mais pas seulement, le fait que les musicos soient « cosplayés » en Dalton fait pointer à l'horizon des textes portant sur la comparaison de la vie des bandits avec celle des rockstars et on s'attend donc à des lyrics de haut niveau, j'y reviendrais.
Parlons d'abord compositions. Comme à leur habitude les différents membres se sont partagés la tâche mais cet opus commence à marquer une supériorité de Frey et Henley, impliqués sur 8 des 11 chansons de l'album (que ce soient à eux deux ou en collaboration). Autrement Leadon se charge dans son coin de 2 pistes (Twenty-One et Bitter Creek) et David Blue, singer-songwriter proche de
Bob Dylan, écrit pour le groupe la chanson restante,
Outlaw Man.
Là où cet album commence à devenir intéressant, c'est qu'il possède plus ou moins deux niveaux de lecture : Soit d'un point de vue musical et dans ce cas on apprécie piste par piste,la valeur de chacun des morceaux proposés (il n'y a pas vraiment de maillon faible), soit comme un tout (et on se rapproche un peu d'un album conceptuel) au niveau des paroles puisqu'on suit toujours cette même bande et que l'on a des références entre les chansons.
Commençons par la musique qui bien que diversifiée garde toujours le fil conducteur des
Eagles : le Country/Bluegrass. Tout d'abord, on nous plonge directement dans le grand ouest avec l'harmonica ouvrant Doolin-Dalton, ambiance conforté par le banjo et la mandoline de Leadon revenant plusieurs fois dan l'album (Twenty-One,
Tequila Sunrise, Saturday Night...). Mais les
Eagles savent varier leur art et on aura droit dans cet album à Out of
Control, un Hard-Rock sauvage et absolument jouissif ou Frey s'énerve en beauté ou encore
Desperado, ballade absolument sublime porté par le tandem Frey (au piano) – Henley (au chant), qui soit dit au passage est clairement au-dessus de ses acolytes avec sa voix au timbre si doux et appréciable. Les compos sont toutes d'excellente qualité et nous embarque sans difficulté dans l'univers qu'elles instaurent.
Mais le véritable point fort de cet album sont les paroles. Si la musique est d'excellente facture, les lyrics quant à eux approchent le divin. Par exemple dès le départ Doolin-Dalton place la dualité entre l'admiration de ces
Desperados, de par leur côté « classe » et libres mais en même temps on les plaint de devoir courir éternellement pour échapper à la mort (If you're fast, and if you're lucky You will never see that hangin' tree). Mais le meilleur exemple à mon avis sur cet album est la chanson-titre
Desperado et je vais m'attarder dessus car je tiens à montrer à quel point ces paroles sont fouillées.
La chanson dans son ensemble est un appel au retour à la raison adressé à un des bandits en particulier. Le narrateur (un personnage extérieur où le côté de la personnalité encore sensée du bandit, on ne sait pas) commence par le mettre en face de la vérité : Son sentiment de liberté qui lui tient à cœur peut être à double tranchant (These things that are pleasin' you
Can hurt you somehow).
Deuxièmement, l'accent est mis sur le côté illusoire de son bonheur (But you only want the ones that you can't get), puis de sa liberté (Your pain and your hunger, they're drivin' you home And freedom, oh freedom well, that's just some people talkin' Your prison is walking through this world all alone), et ce à juste titre puisqu'il est « prisonnier » de l'angoisse d'être pris et exécuté à tout instant.
Alors que tout ce que le
Desperado possède sont des rêves qu'il n'atteint quasiment jamais, le narrateur met en face de lui de véritables preuves de sa non-vie. On l'incite donc à vivre une vraie vie certes difficile mais pleine d'espoir (but there's a rainbow above you) et la chanson se termine par le ver « You'd better let somebody love you, before it's too late », alors que dans la chanson précédente,
Tequila Sunrise, notre héros raconte sa déception amoureuse avec une fille qu'il croyait être celle de sa vie.
Il ne me reste qu'à ajouter que les parralèles avec la vie de rockstar et la gloire éphémère dont ils jouissent (entre autres) sont légion et que le reste de l'album est du même niveau.
Malgré un succès moindre que le premier du nom, ce
Desperado est un deuxième tir en plein dans le mille, une nouvelle pierre angulaire pour la musique country. C'est une œuvre regorgeant de qualités qui vous procurera des moments délectables à maintes reprises.
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