Venant de constater l'absence de chronique d'album de psychobilly, je vais me mouiller pour la première! Ce genre n'étant toutefois pas forcément connu du grand public, je vais proposer une rapide présentation, car il mérite d'être sorti de l'underground dans lequel il reste, à mon désarroi, bien trop ancré. Pour ceux que l'historique ennuierait ou qui le connaitrait déjà, je les invite à se rendre directement au troisième paragraphe ;)
Pour les autres, on se situe au tout début des années 80, à Londre plus précisément, alors que
The Meteors vient de se former (certain accordent au Cramps l'origine du genre, je ne leur donne pas tort mais
The Meteors est bien plus représentatif). Leur premier album vient déstabiliser la scène rockabilly britannique en mélangeant ce genre à des éléments punks (rythme et voix notamment) et en traitant de sujets bien différents tels la science fiction et les films d'horreur. Le psychobilly est lancé et il va se confiner pendant longtemps essentiellement en Europe, particulièrement en Grande Bretagne. Les formations reposent alors principalement sur des power trios : guitare, contrebasse et batterie. Dans la deuxième moitié des années 80, avec le premier album de
Demented Are Go, la deuxième vague de psychobilly apparait en se démarquant plus de ses racines rockabilly avec un son plus agressif et des voix éraillées beaucoup plus punk.
Nekromantix apparait au cours de cette deuxième vague. Le groupe se forme en 1989 de l'initiative de Kim Nekroman, aujourd'hui figure emblématique psychobilly à la contrebasse caractéristique en forme de cercueil d'enfant (glauque, bonjour!). Première année et premier album, sans passer par la case démo, un tout jeune label - Tombstone Records - les ayant remarqués suite à leurs performances scéniques.
Je disais donc premier album... et première claque! Pour un premier jet c'est plus que concluant et ça vient complètement chambarder le genre. Si
Demented Are Go avait déjà engendré des changements conséquents, avec
Hellbound c'est une véritable petite révolution qui est en marche. On sent que le jeune trio en veut et il le montre ! C'est rapide, survolté, plein de punch, le groupe apporte cette violence que les formations existantes semblent ne pas vouloir exploiter (excepté peut-être Klingonz). La guitare se sature à de nombreuses reprises, le chant est rauque et criard tout droit sorti de la tombe, la batterie et la contrebasse semblent ne jamais vouloir s'arrêter, aucun temps mort n'est permis durant ces 45 minutes de psycho nageant dans le punk de Black Flags et des
Misfits.
L'album s'ouvre sur le quasi instrumental "
Nekromantix", effectuant les présentations ("we are
Nekromantix/Watch out!") et annonçant déjà toute la pêche à venir avec ce tempo effréné et cette contrebasse endiablée, pendant que Peter Sandorff et sa gratte nous préviennent qu'ils ne sont pas là pour la figuration. Ses riffs d'inspiration western sont des plus efficaces et ne lassent pas une seconde. Quelques sombres notes de guitare puis arrivent les slaps de Kim et "
Hellbound" est lancée. Pour trop peu de temps malheureusement - elle reste la chanson la plus courte de l'album - mais ce "it was a Hellraiser" plein de menaces scandé à l'unisson n'est pas près de sortir de la tête!
Peu importe, après l'accalmie trompeuse d'une intro au clavier de "Nightmare", c'est reparti pour un lavage de cerveau made in
Nekromantix, avec une chanson originale puisque sans refrain, si ce n'est musical avec un "Psycho!!!" torturé hurlé au milieu d'un roulement de caisse et d'un riff malsain. Et ils ne s'arrêteront pas en si bon chemin. Car question violence et noirceur, en veux-tu en voilà, que ce soit avec "
Graveyard in Your Memory" aux lyrics vengeurs ponctués de hurlements meurtriers; ou "Electric Chair", chanson joyeuse dévoilant les pensées d'un condamné à la chaise électrique sur un rythme et une mélodie sans fioriture.
En effet, comme indiqué plus haut, le psychobilly de
Nekromantix c'est plus du punk - de l'horror punk même - sur fond de rockabilly que l'inverse. En témoignent "Blood Tide" et son intro prometteuse, son refrain sanguinolent et sa vitesse enragée. Ou encore "Ride Danny Ride" au tempo toujours soutenu dont le refrain, véritable chaos d'injonctions envers ce joyeux bougre de Danny, donne envie de se joindre à lui dans ses pérégrinations dépravées. Et que dire de "Down in the Swamp", pour ma part une des bombes de cet album. Une intro et un couplet où la batterie reste relativement calme puis un refrain déchainé d'une efficacité redoutable dont on ne peut s'empêcher d'imaginer l'impact en concert "I'm goin' down down down down in the swamp!"
Mais si l'album est fortement orienté punk, les origines d'abord rockabilly de Kim Nekroman se font sentir, notamment sur les doux mais entrainants "Brain Error" - relativement passable cela dit - et "
Nekromantix Baby", où la guitare se donne à coeur joie dans un enchainement de solos, tantôt clairs, tantôt distordus mais surtout diaboliquement entêtants ! Le rock'n'roll a aussi son mot à dire avec "Spiders Attacking Manhattan" et son puissant riff de départ que le morceau n'abandonnera pas durant presque 6 minutes soutenues tambour battant par un Peek et un Kim insatiables.
Les morceaux s'enchainent sans jamais faiblir, toujours d'un dynamisme à toute épreuve, restant cohérents entre eux sans pour autant se ressembler. Effectivement, sans faire preuve d'une technicité extrême, on remarque qu'un soin particulier est apporté à chaque chanson, toutes bénéficiant d'une intro originale, chacune ayant sa propre subtilité, sa mélodie caractéristique. Car oui,
Nekromantix est une machine à mélodies, parfaitement rendues par la combinaison harmonieuse de la guitare et la contrebasse qui ne se décide pas à servir uniquement de rythmique. "Hellstreet" le démontre tout particulièrement, étant pour moi une des meilleures compos du groupe à ce jour. Après une intro très Panthère Rose, Kim annonce la couleur avec un riff de contrebasse ravageur que les deux autres s'empressent de rejoindre pour une mise en situation menaçante avant d'envoyer la mélodie imparable du refrain, couverte - peut-être un peu trop - par la basse et les "don't wanna die!" de désespoir.
Finalement, après maintes écoutes - peut-être suis-je aveuglé de subjectivité! - je peine à trouver des points négatifs à ce disque. Ce n'est pourtant pas faute d'essayer! Même la production, si elle n'est pas parfaite, demeure tout à fait acceptable et reste fidèle à chaque instrument. Par contre peut-être qu'il peut déstabiliser les fans de psychobilly de la première heure par sa violence et sa rage. Et pour ma part "Brain Error" est dispensable et "Busse Brodre" totalement inutile (quelque secondes où Kim hurle "Busse Brodre!").
Rarement une formation aura frappé aussi fort avec un premier album. Même eux, s'ils réussiront à se renouveler à chaque sortie, n'atteindront pas cette cohérence et cette singularité dans chaque morceaux. Si c'est plus avec
Curse of the Coffin que le trio s'est réellement fait connaitre,
Hellbound fait preuve d'une impressionnante efficacité avec ce mélange d'énergie, d'horreur et de mélodies tout à fait réussi. Cet incroyable dynamisme est peut-être le fruit d'une certaine naïveté, toutefois,
Hellbound pose des bases solides pour un groupe qui s'imposera comme un incontournable du mouvement psychobilly.
Et je viens d'écouter Restless que je ne connaissais pas, c'est génial, merci!
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