Débarqué de presque nulle part, signé chez Wagram, qu’on remercie au passage d’avoir pris ce petit risque et produit par Patrice Courtois (Passi,
AaRON),
Demago nous présente en 2007 un premier album qui a mûri depuis plusieurs années dans les têtes de Maun et Bleach, les deux leaders. Et avec un nom et une pochette pareille, le propos devra être à la hauteur de ce qu’il promet.
Noir Désir est un nom qui revient incroyablement souvent sur le net quand il s’agit de parler de
Demago. En grande partie à juste titre, puisque
Demago représente un peu une résistance de ce rock français travaillé, engagé et qui ne mâche pas ses mots. En dehors de cette appartenance, rassurez-vous ce groupe ne manque pas de personnalité pour se démarquer complètement de ses modèles.
En parlant d’influences, celles que revendiquent les 2 garçons sont autant musicales que littéraires, et d’une très grande variété (Les Béruriers Noirs, NTM, Zola, Camus etc.). Conséquence logique, le chant est très mis en avant, pour rappeler sans cesse que leur musique a avant tout quelque chose à dire.
Comme on peut aisément le pressentir, les textes ne transpirent pas le bonheur et la reconnaissance envers la société actuelle. Vous me direz, les groupes qui se veulent concernés et cinglants ne manquent pas, encore faut-il savoir le faire. Et à ce petit jeu,
Demago s’en tire avec les honneurs.
Tout au long des onze chansons, Maun passe d’un personnage ou d’un sujet à l’autre, pour opposer l’absurdité capitaliste au quotidien de gens fragiles mentalement, dépassés et tristes. Ainsi,
Hey Doc raconte la semaine d’un maniacodépressif dont l’humeur va et vient au fil des évènements sans jamais pouvoir se relever complètement, L’Oeil donne la parole à un trentenaire trop commun et plein de questions existentielles, et Joe est carrément une supplique d’un interné à son ami imaginaire. De l’autre côté, Respirez présente d’une manière légère et pleine de mélodies le monde fabuleux de la bourse, monde dans lequel Le Mégalo, un financier opportuniste se sent comme un poisson dans l’eau. Au milieu de tout ça, Forme Humaine s’inquiète tendrement de l’impuissance qu’on peut ressentir à protéger un être aimé, et 100 000 Mots, simple chanson d’amour avec les seuls passages en anglais, est là pour adoucir le propos, bien que le bonheur n’inspire apparemment pas autant Maun que la détresse, malheureusement. La chanson titre,
Hôpital, vient conclure et synthétiser l’album, justifiant ainsi pleinement ce choix de nom.
L’écriture est globalement très bonne, variant les styles et les registres, tout en usant d’un français correct mais cru et direct, dans le but évident d’être marquant. Seule Des Fantasmes peut paraître trop conventionnelle, du niveau d’un
AqME un peu trop adolescent dépressif.
Le chant en lui-même est à l’image de ce que nous verrons avec la musique, c’est-à-dire qu’il se veut varié et d’une qualité très honorable. Le timbre de Maun, chaud et grave, est assez marquant déjà sur des chansons sans surprise comme Des Fantasmes ou
Hey Doc. Mais c’est lorsqu’il s’éloigne de ce registre rock ordinaire, pour flirter avec le slam (L’Oeil), se faire plus mélodique (Forme Humaine, Joe, 100 000 Mots), ou plus froid et vindicatif (Porn, Mes Mains,
Hôpital) qu’il démontre le mieux sa capacité à transmettre des émotions.
La musique, bien que souvent au second plan, bénéficie tout de même d’un travail important. La base reste un son rock français relativement correct, mais auquel viennent s’ajouter de multiples éléments. Le clavier tout d’abord, ajoute des notes de piano ou de violon pour soutenir l’aspect émotionnel de L’Oeil ou de Joe, des passages de ses chansons lui laissant même être la vedette. Des samples et des scratches sont disséminés un peu partout, ce qui apporte un aspect second degré humoristique sur
Hey Doc ou Le Mégalo, et vient renforcer le côté indus de Porn.
En résumé,
Hôpital, pour un premier album, est remarquablement bien travaillé et affiche une personnalité affirmée. Les chansons variées et le ton parfois décalé et second degré viennent aider à ingurgiter un tout qui reste oppressant et acide.
Certains trouverons peut être que la trop grande variété de genre nuit à la cohérence de l’ensemble, et d’autre n’adhéreront tout simplement pas aux textes. Bien que cela ne soit pas mon avis, ces objections me semblent tout de même complètement recevables.
Hôpital fut une bonne surprise de 2007, je surveille
Demago pour la suite.
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