Il y a des groupes qui se permettent de ne ressembler à rien de connu. De s'ouvrir à des concepts musicaux casse-gueule. Et de s'en tirer avec une certaine classe.
Tat fait partie de ceux-ci.
Le Sperme de Tous les Métaux est une suite logique au
Quinta Essentia paru l'année précédente, dont il reprend la majorité des éléments. La musique du faux one man band (beaucoup d'intervenants cités comme guests) est très difficilement descriptible : la structure se veut néofolk, jouant avec des guitares acoustiques pour poser le squelette des morceaux. Des éléments industriels relativement nombreux viennent se greffer en divers endroits, et on peut même noter une légère touche électro. La totalité de l'œuvre montre une volonté de composition assez inspirée par le néoclassique. Résumé: ça n'est pas franchement descriptible de manière globale, tant le disque est varié.
Un titre par titre s'impose donc. On ouvre sur une introduction, un chant rauque et résonnant déclamant du Baudelaire. Ce morceau est très contestable, la distorsion sur la voix étant assez maladroite et se révélant presque désagréable, enlevant en tout cas la portée poétique du morceau en question. Entrée en matière naze, donc.
Suit Unicornis, un morceau inspiré de Schubert, alliant une guitare néofolk avec des percussions sombres et sourdes, très telluriques. La voix masculine reste dans le même registre que le premier morceau, choix que je me vois obligé de contester là encore même si c'est moins flagrant. Rapidement cependant, c'est la voix d'Esclarmonde (qui chante sur à peu près la moitié des titres de
Tat) qui prend le relais. Etrangement là encore, on se trouve face à une prestation un peu bancale, non pas par le chant lui-même, mais plutôt par le texte chanté, dont le rythme s'associe plutôt mal avec celui de la musique sur lequel il est collé. Le morceau reste intéressant, même si très loin d'être parfait. On notera d'ailleurs l'effet assez plaisant que donne la guitare folk lâchant des petites pluies de notes visiblement composées pour un clavecin.
Solution et Dissolution enchaîne, un grondement industriel emplit l'espace et laisse peu à peu surgir des sonorités d'orgue fantomatiques, puis le fond sonore disparaît au profit de quelques grognements possédés. C'est là que la sauce commence vraiment à prendre : le morceau est un digne petit rejeton du dark ambiant à tendances industrielles.
La guitare folk reprend du poil de la bête avec Putréfaction, accompagnée cette fois d'une pulsation électrique, d'un chant beau et nostalgique, et de quelques bidouillages sonores. Ce morceau est mon préféré du disque : à la fois nostalgique et flottant, il se permet un petit écart malsain ou une petite "improvisation" très libre, ce qui en fait un titre posé et jouant avec sa simplicité apparente pour cacher quelques richesses passionnantes en son sein.
O TAT repart dans le délire des voix rauques et résonnantes, mais cela passe un peu mieux que dans l'introduction, certainement parce qu'on est enfin pris dans l'ambiance du groupe. Quant aux apparitions vocales très noires et résonnantes de la seconde partie, elles amènent un côté sombre qui alourdit le morceau avec justesse. Il ne s'agit cependant pas du meilleur morceau du disque, loin de là.
Purification continue dans sa veine néofolk très posée, et la voix se fait narrative, parfois un peu grandiloquente, doublée de nouveaux vocaux rauques (parfaits ceux-ci).
L'interlude laisse place quant à lui à un petit délire noise discordant, qui secoue bien l'auditeur au cas ou il aurait pensé à s'endormir (ce qui aurait tout de même été dommage).
Vient ensuite Subtiliation, qui se permet quelques incursions d'un rythme plus entraînant sur son habituelle structure néofolk à la guitare acoustique nostalgique, quelques sonorités de cuivres et une insertion électro très plaisante sur la fin du morceau.
Tat conclut son disque par deux reprises de
Thalidomide, un morceau de son premier disque. La première est excellente (si on excepte l'introduction à la voix rauque, ici encore un peu contestable, les vocaux au cœur du morceau étant plus justes à mon humble avis) et achève bien l'écoute du disque. La seconde, un remix façon darkwave, laisse un peu plus perplexe, sans être désagréable pour autant.
Tat nous livre donc un petit disque de néofolk chargé d'influences néoclassiques et d'expérimentations indus/noise/électro (rien que ça), sombre, nostalgique. Le tout est assez disparate mais passe plutôt bien, et une sorte de cohérence (pour laquelle la guitare acoustique fait beaucoup d'ailleurs, liant les morceaux entre eux) émerge assez rapidement du chaos apparent.
Le Sperme de Tous les Métaux est meilleur que
Quinta Essentia. Il est cependant loin d'être parfait : un peu court, gardant en son cœur quelques éléments un peu moyens (principalement dans les vocaux rauques, vous l'aurez compris) qui ont tendance à rendre un peu plus dure la rentrée dans l'œuvre qu'elle ne devrait l'être.
On ne peut cependant que saluer cette volonté de jouer une musique très personnelle et de se dire qu'un tel disque est très prometteur. L'évolution positive entre les deux premiers opus est assez nette (même si elle comporte quelques aspérités, l'ambiance est prenante au final), et il est fort probable que le lyonnais nous sorte un chef-d'œuvre dans les années à venir. A suivre.
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