Moins on est de fous, plus on rit. Ce pourrait être la devise de pas mal de formations rock ces dernières années, qui jouent en comité ultra restreint (à trois on est déjà un groupe, deux plus un), en sacrifiant un élément vital, qui la basse, qui la guitare, qui la batterie pour mieux survivre et s'adapter en milieu urbain. Dans les années 90, les bordelais de
Belly Button, par exemple, avaient eu l'audace du duo basse/batterie, et transformé l'incrédulité des auditoires en jouissive surprise. Aujourd'hui, les duos guitare/batterie ou basse/batterie sont assez répandus pour qu'on en découvre régulièrement d'une oreille distraite. Cependant, SCRTCH (pas comme ça se prononce, mais SCRATCH) arrive à se faire remarquer avec des chansons simples et percutantes comme leur patronyme.
SCRTCH est né en 2015 à Maubeuge, lorsque Rouag Haïf (batterie) et Luc Boyer (basse, chant), qui jouaient déjà dans un groupe dont le bassiste partit faire ses études, décidèrent de continuer à deux, pour se faire plaisir. De fil en aiguille, ils eurent des occasions de jouer en public, et se prirent au jeu. Entre 2017 et 2018, le duo a pu composer et enregistrer un premier EP "INTRO", sorti en 2019 chez Alapage Records, avec six titres de noise directe, saupoudrée de parasites bruitistes , avec un chant à la rage punk désabusée et communicative. On les a vus sur scène à l'Aéronef, Crossroads Festival où en première partie de Lofofora, et m'est avis qu'on les verra encore plus quand… on aura le droit.
Depuis, un peu échaudés par le temps perdu lors de la conception de leur premier disque, mais sachant bien mieux dans quelle direction ils voulaient aller, les deux compères ont mis en boîte "MÖTHER/SÜMMER", un EP dont les deux titres sont à l'image de la dualité qui est présente dans tous les aspects de SCRTCH.
Avec son artwork paupièreless rappelant le film "Eternal Sunshine of a Spotless Mind", et ses textes qui parlent de la souffrance et des émotions qui peuvent arriver à certaines périodes de crise, on pourrait penser que cet EP sera plus sombre encore que le premier. Mais c'est plutôt la pulsion de vie qui anime l'énergie dégagée par "MÖTHER/SÜMMER". Les deux titres sont mus par une verve adolescente, qui semble ne pas vouloir baisser de régime. La batterie de Rouag joue avec le mid tempo, lui infligeant cassures, martelages de crashes, cavalcades tribales ("Sümmer"). C'est l'élément qui structure la musique et raconte son histoire et ses péripéties. La basse de Luc dialogue avec les fûts, et a un énorme son où on peut presque toucher du doigt les deux couches sonores qui la composent : un son très direct de corde, et de l'autre une saturation fuzzée qui agît comme une superposition de guitare.
Le chant de Luc Boyer est rageur, mais joueur, imprévisible. Il peut baisser le ton jusqu'à quasiment parler, comme screamer et flirter avec le break de la voix comme pouvait le faire Kurt Cobain. D'ailleurs, en dehors de l'influence de
Death From Above, grosse inspiration revendiquée par le tandem, la musique de SCRTCH m'a aussi rappelé
Nirvana, dans ce qu'il a de fougueux, filant sans répit en ligne droite.
Par rapport au premier EP "INTRO", la musique ce celui-ci est plus ressérrée, compacte comme du béton. On pourrait dire que c'est un disque de transition, ou le groupe rassemble ses énergies, avant de peut-être se lancer à l'assaut de son premier album. L'avenir nous le dira…
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