Guitariste éminent de la scène rock en général et ultime survivant du radeau
Pink Floyd avec le batteur d'origine
Nick Mason, Gilmour comptabilise aujourd'hui pas moins de vingt-neuf années d'ancienneté dans le groupe, même si celles-ci se sont soldées par une séparation finale en 2014. Le souvenir qui nous vient à l'esprit lorsqu'on évoque le début de sa carrière solo remonte en fait en 1978, quelques mois avant l'enregistrement du mythique et indétrônable «
The Wall » considéré comme LE classique. A ceci près que la bête avait déjà essuyé treize ans d'activité et sorti dix albums quand notre maestro de trente-deux ans, lui, tâchait de nous dévoiler son talent avec l'éponyme et prometteur «
David Gilmour ». Malgré une faible discographie en solo qui peut se comprendre par la rapidité avec laquelle se sont enchaînés la série de skeuds du Pink dans les années 60/70 et la fatigue d'après qui a pu en découler, deux périodes musicales se distinguent : une première comprenant deux œuvres studios enregistrées en France et une seconde née au milieu des années 2000' à l'occasion de la publication du troisième bébé «
On an Island ». Avec un succès jusqu'alors très modéré, neuf ans plus tard, l'artiste lâche les corbeaux et débute son envolée post-Floyd en nous présentant sa nouvelle fierté intitulée «
Rattle that Lock ».
Premièrement, même s'il est un peu fort d'affirmer qu'avec ce quatrième album et le précédent, on a une opposition entre le blues et le jazz, ce changement se tient à quelques notes timides mais importantes. Là où «
On an Island » ne changeait que peu la donne en nous livrant un ensemble de guitares et d'ambiances dans un esprit très blues, ici, on nage en plein dans un jazz-rock épuré au maximum emprunt d'une virtuosité et d'une facilité d’exécution dans les solos dont seul Gilmour a le secret. Pour cela, l'Anglais de soixante-neuf ans s'est entouré d'artistes en lien direct avec cet univers et d'autres personnalités beaucoup plus proches du cercle Floyd parmi lesquels figurent Jon Carin, l'ex-claviériste de session qui a participé aux trois derniers passages en studio du groupe ou encore le bassiste Guy Pratt. Tandis que la co-production de l'album se retrouve une fois de plus entre les mains de Phil Manzanera, on notera la présence d'une oeuvre chaude et familiale. Pour cause, Polly Samson, la femme de Gilmour, qui avait déjà collaboré avec son mari sur le dernier PF « The Endless River » et en particulier sur le titre final « Louder than Words » a écrit cinq des six morceaux avec du chant et son fils, Gabriel Gilmour, intervient au piano sur toute la longueur d'« In Any Tongue ». En fin de compte, on peut penser que si notre homme s'était essayé, avec brio, cinq ans plus tôt, à une techno expérimentale et complètement barrée en compagnie d'un des fondateurs de
Killing Joke au sein du groupe OVNI The Orb (cf. « Metallic Spheres »), ce «
Rattle that Lock » ne sera qu'une simple formalité pour lui. Pour autant, est-ce vraiment le cas ?
Pour rentrer dans le vif du sujet, deux morceaux tirent véritablement l'album vers le haut, ce qui ne suffira pas à en faire une oeuvre exceptionnelle, loin de là, mais on sent les prémices d'un concept plutôt attirant - celui de nous faire danser, gesticuler dans tous les sens par le biais d'une voix rauque, vivante et écorchée. On parle bien sûr de l'éponyme ainsi que du neuvième titre « Today » qui, par ailleurs, sont les seuls singles promotionnels issus de cette quatrième galette. Ainsi, après être passé par l'écoute d'un court instrumental de blues aérien très classique dans le fond, la piste suivante, elle, nous ramène à des temps beaucoup plus éloignés où une simple note suffisait à passer l'épreuve des vingt-ans et à en tirer un véritable tube intemporel. Justement, c'est ce qu'il se produit avec l'étonnante «
Rattle that Lock » qu'on a l'impression de connaître depuis de longues années et où l'on parviendrait même à s'auto-convaincre que ce n'est pas le compositeur Français Michaël Boumendil qui a créé le jingle de la SNCF mais bien
David Gilmour qui a inspiré le musicien à inventer la petite mélodie de la célèbre société de chemins de fer. On a là quatre notes (à la base abominables...) qui emmènent le titre vers une progression folle et jazzy où flirte un gros solo de rock 70's bien à l'ancienne et un soutien vocal de choix porté par le Liberty Choir. Autant dire qu'avec un morceau de cette trempe, il est plus que difficile d'accorder autant d'attention et d'importance aux autres compositions comme par exemple la (trop) délicate et donc soporifique « The Girl in the Yellow Dress », idéale pour une publicité de parfum haut de gamme et dans le contexte d'un album-reprise des standards du jazz, beaucoup moins pour un album étiqueté rock.
Sur le podium des réussites, on peut brièvement reparler du cas de « Today », plutôt jouissive si l'on occulte l'introduction un peu lourdingue formée autour d'une ligne de chœurs d'une telle blancheur qu'on se croirait presque transporté au cœur de la chrétienté Anglaise. Cependant, on ressent de bonnes vibrations, le rythme parle à tout le monde et l'équilibre des sonorités est vraiment nickel. Côté riffs, c'est encore un bon point pour lui, en particulier pour l'ouverture de dix secondes façon ruée vers l'or que l'on a pu entendre sur « Dancing Right in Front of Me » mais qui hormis ce détail sympathique, ne propose rien d'autre qu'une redite manquant cruellement de relief et d'inventivité. Après, il est certain que les performances vocales sont justes, concluantes, pourtant, l'auditeur rebroussera très vite chemin compte tenu de la production plate, lisse et trop orchestrale à laquelle on a affaire. Pour illustrer cet argument, on peut se brancher sur le cas de la quatrième onde « A Boat Lies Waiting » à fond sur le côté sentimental et nostalgique qui, de par ce vieux sample narré du défunt Richard Wright parti en 2008, lui rend une sorte d'hommage unissant, en supplément, le duo
David Crosby /
Graham Nash avec, encore une fois, la sensation d'être confronté à un chant de Noel gentillet garni aux somnifères. Véritablement, c'est en voulant bien faire que Gilmour a loupé son coup et c'est donc ce que l'instrumental peu concluant « And Then... » nous montre bien. Il y plane un mystère irrésolu, on se pose encore des questions sur la pertinence réelle de cet opus, très professionnel et carré dans son ensemble, mais creux et assommant.
En guise de conclusion, «
Rattle that Lock » est un album rattle, ou tout simplement raté, qui a voulu s'innover dans un white-jazz d'Eglise ambient et progressif. On laissera Gilmour traîner sur les halls de la gare car à côté, Pope Francis n'aura aucun mal à être plus rock que lui. Si vous aussi, vous avez la sensation que le succès potentiel de cette oeuvre ne tient que sur la mélodie principale du titre éponyme, ce n'est pas une coïncidence. Passez votre chemin.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire