Il y a deux façons d’aborder un nouvel opus de Ritchie Blackmore sous la bannière qu’il forme depuis
1997 avec sa compagne, la radieuse Candice Night : la mauvaise et la bonne. La première se réduit bien souvent en un compte d’apothicaire qui cherche à énumérer le nombre de chansons durant lesquelles le maître ressort sa Stratocaster (il y en cinq cette fois-ci, mais nous y reviendrons). La seconde tient de la démonstration : Blackmore’s Night est bel et bien ce qu’il a fait de mieux depuis le sabordage de
Rainbow en 1984.
L’homme en noir publie alors tout de même sa septième offrande avec son projet médiéval et renaissance, si l’on tient compte de la paranthèse
Winter Carols. Le ménestrel est donc plus prolifique que jamais. Et plus inspiré surtout. Si on sentait bien que
Ghost of a Rose (2003) avait fixé durablement le style du groupe, entre rock et folklore des temps anciens,
Secret Voyage n’en est pas pour autant une resucée.
Proche de
The Village Lanterne de part son côté électrique de plus en plus affirmé, cette collection de douze chansons possède cette science de l’équilibre parfait entre titres rock lesquels, sont bien entendu transpercés par les interventions magiques de Ritchie, plages folkoriques rafraichissantes et ballades doucereuses.
Secret Voyage commence très fort (trop peut-être) avec l’intro "God Save The Keg", qui voit pour la première fois Blackmore débuté un de ses disques par un instrumental, invitation au voyage tout d’abord orchestrale et grandiloquente (kitch diront les mauvaises langues) avant de se colorer de teintes plus sombres avec chœurs grandioses et orgues lithurgiques sur fond de guitares électriques et qui s’enchaîne par un admirable fondu au monumental "Locked Within The Crystal Ball", plus de 8 minutes de bonheur et certainement l’apogée de l’album. Dotée d’une rythmique puissante, cette chanson, traversée de multiples ambiances, mélange avec une réussite éclatante tout ce qui fait le charme du groupe : lignes vocales superbes et critallines de Candice, influences médiévales discrètes et surtout jeu racé et efficace de Blackmore (il faut voir comme sa guitare surgit toujours dont on ne sait où).
Après un tel déluge, les morceaux suivants ont forcément moins de saveur et beaucoup souhaiteraient certainement que Ritchie se limite à ce genre de composition électrique dans lequel il excelle. Mais Blackmore’s Night, ce n’est pas que cela, c’est aussi des pauses diaphanes telles que “ Gildred Cage ” ou des envolées accrocheuses à l’image de “ Toast Of Tomorrow ” et ses touches slaves.
Moins éblouissants dans un premier temps, tous les autres titres sont pourtant de vrais petits bijoux : "
Prince Waldeks
Galliard", un instrumental comme seul Blackmore à le secret, "
Rainbow Eyes", reprise, en plus rapide toutefois d’un extrait de Long Live Rock’n’Roll de
Rainbow justement, "The Circle", l’autre Everest de
Secret Voyage, coupé par des mélodies orientales, porté par une basse volubile et qui s’achève sur une intervention flamboyante de Ritchie, "
Can’t Help Falling In
Love", standard d’Elvis qui permet au maître de livrer quelques accords étourdissants avec sa fidèle Strat’ couleur blanche et le magnifique "Peasants Promise", délicieusement folkorique. Plus classiques, "
Sister Gypsy", "Far Far Away" et "Empty Words" sont de douces mélopées rafraichissantes et sympathiques.
Un mot enfin sur les troubadours qui accompagnent le duo et qui sont loin d’être interchangeables. Au contraire ils déterminent aussi les sonorités des chansons. Ainsi, le départ des deux choristes, Lady Madeline et Lady Nancy nous rend orphelins de ses chœurs féminins qui avaient tant illuminés
Ghost of a Rose et
The Village Lanterne, tandis que l’arrivée de Gypsy Rose marque le retour du violon dans les compositions. On notera aussi l’intronisation de Pat Regan, producteur et ami de Ritchie depuis The Battle Rages On de
Deep Purple, en lieu et place du fidèle Sir Robert Of Normandie.
Encore un très grand disque donc, qui devrait ravir tous les amoureux (de plus en plus nombreux) du groupe. En dépit des apparences, Blackmore, plutôt que de rejouer ad vitam aeternam les mêmes oldies issus de In Rock ou Machine Head, continue, lui, et contrairement à Gillan and C°, à aller de l’avant, quand bien même il puise désormais son inspiration dans les siècles passés...
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