Lorsque l'on vient d'enchainer 2 albums du niveau de "Beggar's Banquet" et du monumental "
Let It Bleed", il faut en 'avoir dans le pantalon' pour envisager de rester installé sur les sommets du Rock sans risquer la dégringolade. Est-ce leur consommation de produits illicites, ou bien une estime de soi débordante ? Toujours est-il que les Stones annoncent la couleur avec la pochette de ce "
Sticky Fingers", signée par Andy Warhol et désormais entrée dans la légende. Présentée à l'époque du vinyle sous la forme d'une pochette équipée d'une braguette s'ouvrant sur un slip, cette illustration traduit à elle seule la culture artistique et le sens de la provocation de ceux que la séparation des Beatles a laissé comme les seuls leaders du Rock mondial. "
Sticky Fingers" marque également l'intégration complète de Mick Taylor, ce dernier participant à la composition, même si le duo infernal Jagger / Richards ne prend pas la peine de le créditer.
Ce sont d'ailleurs les influences bluesy du nouvel arrivant qui apportent les principales évolutions depuis "
Let It Bleed", que cela soit au travers de ses interventions à la slide, de ses soli qui se développent plus longtemps qu'à l'accoutumée chez les Stones, et d'un toucher tout en délicatesse qui se marie parfaitement avec les attaques énergiques de Keith. Les meilleurs exemples en sont probablement la magnifique ballade "
Wild Horses" ou un "
Can't You Hear Me Knocking" s'engageant sur un de ces riffs titanesques dont Richards a le secret, puis débouchant sur une surprenante jam durant laquelle l'orgue de Billy Preston et le sax de Bobby Keys inventent une ambiance jazzy que fini par rejoindre Taylor avec finesse, soutenu par un groove unique fourni par
Charlie Watts. Comme ce morceau, et au même titre que le précédent album, nous naviguons à nouveau dans le domaine du monumental du début à la fin de ce "
Sticky Fingers".
Les Stones nous offrent un nouveau voyage au travers des différents visages du Rock, le tout étoffé par un petit catalogue des paradis artificiels, que cela soit le speed ("
Can't You Hear Me Knocking"), de l'histoire d'un type allant se faire un petit fix dans la cave pour échapper à sa copine ("Dead
Flowers"), "
Sister Morphine" ayant le mérite d'annoncer clairement les choses. Mais pour en rester dans le domaine le plus légal de cet opus, et en dehors de la traditionnelle reprise d'un bon vieux blues du delta ("You Gotta Move"), "
Sticky Fingers" est une nouvelle démonstration des talents de compositeurs des Glimmer Twins. Une fois de plus, ces derniers touchent au génie, quelle que soit la face par laquelle ils présentent leur Rock racé. D'un "
Brown Sugar" imparable et hyper accrocheur, s'appuyant sur un de ces riffs dont
Keith Richards est normalement le spécialiste mais émanant cette fois de
Mick Jagger, à un "Moonlight Mile" symphonique et aérien, renforcé par quelques lignes de cordes, chaque étape est incontournable. "
Sway" est à la fois puissant et majestueux, "Bitch" est nerveux et cinglant, "I Got The Blues" s'enfonce confortablement dans une ballade blues langoureuse à l'esprit soul dégoulinant par toutes les notes d'un orgue Hammond et par la voix d'un Jagger plein de feeling. "
Sister Morphine", composé avec et pour
Marianne Faithfull, et enregistré en 1969, est étrange et fascinant, la slide de
Ry Cooder venant briller au milieu des fumées colorées. Quant à "Dead
Flowers", il prend l'allure d'un Country-Rock entrainant au refrain que l'on reprend en chœurs dès la première écoute.
Les carburants auxquels tournent les Britanniques ne sont pas recommandables, mais il faut bien reconnaître qu'ils nous entrainent en leur compagnie vers des sommets artistiques où le plaisir le dispute à l'émerveillement. La rage y côtoie la sérénité, l'énergie alterne avec l'élévation, l'art s'acoquine avec le sexe, et tout cela débouche sur un nouvel album incontournable qui marquera l'histoire du Rock à jamais !
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