Après avoir été new wave puis folk rock, les Immaculate Fools reviennent, via « Stand Down », à un son brut : voix punk, grimaçante et criarde, portée par une section rythmique, guitare comprise, voisine du heavy metal. L’approche soliste de la guitare n’est cependant pas absente, et même le violon parvient à s’y faire une place. Le résultat est frais, surprenant, détonant. On a envie que le reste de l’album aille dans ce sens.
Mais non en fait, les autres chansons, comme on le verra, s’éloignent ostensiblement de ce premier signal. Cela ne constitue pas en soi une déception, car il existe des patchworks réussis. Reste à savoir si c’est effectivement le cas de «
The Toy Shop », dont l’intention hétéroclite aurait alors une vocation ludique.
La réponse se révèle plus nuancée. On retrouve un esprit de synthèse tel que chez
REM, de l’autre côté de l’Atlantique. Il ne s’agit pas de tout ramener à
REM, ni de forcer la comparaison entre les deux groupes, mais il est vrai que la maîtrise de plusieurs leviers dans un même projet allant du folk au rock fait tout de suite figure de socle commun aux expressions artistiques comme à leurs analyses.
Le blues blafard de « How the West Was Won », à l’autre extrémité de l’opus, indique un horizon laborieux, réaliste : les Immaculate Fools ont un grand talent dramatique, celui de rendre présents, avec concrétude, les thèmes figuratifs et historiques qu’ils abordent. On a vraiment l’impression que cette chanson aurait pu être écrite et interprétée par des pionniers fatigués, en bout de course.
D’un pas prudent mais assuré, le mélodieux « Heaven Down Here » ne s’éloigne pas trop du rock impulsif de « Stand Down », tout en retrouvant une voix plus grave, à la manière d’ « Another
Man’s World », glissement encore plus sensible avec « Political Wish », dont l’harmonie instrumentale entre le violon et la guitare électrique fonctionne toujours, entre deux passages plus rythmiques, plus dépouillés, dédiés au chant parfois à la limite de la parole.
Les accents folkloriques de « Cotillas », qui présentent des similitudes avec ceux que l’on rencontre sporadiquement chez
Kate Bush (et, forcément, parmi de nombreuses autres références, dont le groupe semble meilleur client), traduisent une avancée dans un schéma graduel : plus folk, plus profond, ce dont la douce tristesse de « Leaving Song » ne peut que témoigner, d’un souffle aussi rare, aussi éprouvé, que celui d’ « How the West Was Won », qui ne paraît déjà plus si éloigné.
Le disque redémarre avec la dynamique country de « Wonder of Things » (décidément, ce violon est une merveille), auquel la voix magistralement usée s’accroche de toute son âme. Là, surprise, c’est la guitare agressive du début qui revient dès la troisième minute, discrètement, à l’arrière-plan, mais sûrement. On n’oublie jamais personne au « Toy Shop ».
L’électricité de « Good Times » nous fait comprendre ce que veut dire, ici, le mot synthèse. Ni patchwork, donc, ni dégradé : plutôt une alternance qui se fait attendre avec bonheur. D’accord, la plénitude de l’album précédent restera un moment de grâce. Mais celui-ci possède l’attrait d’une cicatrice, après une lente brûlure.
Alors que les sept minutes de « Through These Eyes » figurent l’abîme du blues où l’on aime se perdre (même combat, en France, quand Gérard Manset sortit « Attends Que le Temps Te Vide »), « Bed of Tears », punk et folk d’un seul trait de tord-boyaux, creuse le dernier écart. On connaît la fin.
D. H. T.
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