Lavilliers : Le Stéphanois

Rock / France
(1976 - Motors)
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1. LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES D'UN BILLET DE BANQUE


J'ai débuté ma carrière
Dans un hold-up audacieux
Y avait d' la cervelle par terre
Les flics étaient très nerveux
Continué dans un boxon
Dans le slip d'une souris
Puis passé dans le ceinturon
D'un marchand de paradis
Qui s' fit dézinguer plus tard
Mais ça, c'est une autre histoire

C'était un tueur à gages
Qu'arrondissait ses fins de mois
C'est pas qu' dans ce boulot-là
On soit souvent au chômage
Surtout que par les temps qui courent
La liberté et l'amour
Travaillent pour la République
Comité d'action civique

Je me suis multiplié
Chez un type assez bizarre
Qui travaillait tard le soir
À la plume et au pochoir
Voyagé dans des mallettes
Dans des fourgons, des tablettes
Dans des jeans ou de la soie
En Jaguar et en Matra


J' suis même passé dans vos poches
Grippé par vos doigts crochus, hein, crochus
J'étais même au PSU
Au Parti et à Minute
Avant de faire la culbute
Dans les poches de Lavilliers
Ouais, mais ça n'a pas duré

J'ai dormi chez des prélats
Entre deux doigts d'arnica
Trois bons mots, une caresse
Au vicaire et sur les fesses
Je suis le pouvoir d'achat
Je suis celui qui décomplexe
Je suis le dernier réflexe
Qu'on n'est pas près d'oublier

Essayez d' me supprimer
Dans un coin sur la planète
Y en a qui f'raient une drôle de tête
Y en a même qui en sont morts
Allende dans le décor

Je suis passé sous les tables
J'ai glissé sur des tapis
Dans des poches confortables
J'ai pris un peu de répit
Dans les mains d'un mercenaire
Puis dans la révolution
J'ai participé, mon frère
A des tas d' combinaisons


Si tu savais ce que je sais
Dans quelles mains je suis passé
Tu t'en ferais pas beaucoup
Pour ta p'tite éternité
J'ai voulu me racheter
Mais voilà, j'étais trop cher
Depuis que les financiers
Mettent mes vertus aux enchères

Depuis que les poètes maudits
Comptent leurs économies
Je suis une pute aux nerfs d'acier
Je sais tout mais j' dirai rien
C'est peut-être préférable
Pour l'idéal républicain

J'aimerais crever, tu sais
J'aimerais qu'on m' foute la paix




2. LE BUFFET DE LA GARE DE METZ


Aquarium sans musique dirigeable échoué
M'ouvrant la porte de son unique bras de fumée
Séparant deux engeances d'une barrière muette
D'un côté le couteau de l'autre la fourchette

Au milieu de ma nuit torride inévitable
Il avance sournoisement ses tables
Ses garçons ses caissières sa bière son pinard
Sa crasse ses mégots son rire son regard

La poésie est là Verlaine ressuscité
Trône en lettres d'or sur la salle à manger
Verlaine au ventre creux au regard caustique
Ton nom va tournoyant vers le néon gothique

La fête des fêtards s'englue dans un sourire
Un coup de main raté sur la croupe du désir
Les cigares s'allument entre deux seins géants
Où l'on plonge les bras comme dans le néant

Solitude solaire pour rêveurs de banquise
Militaires châtrés dormant sur des marquises
Plaines d'échafaudages et de ravalements
Entourées de café au lait et de croissants

Et je restais cloué à ces tables sans charme
J'attendais le matin et la femme inouïe
Un vieux baron déchu tombait dans le vacarme
Que la caissière rétablit




3. C.I.A


Je fus viré du FBI pour affaire de mœurs
Je suis rentré au CIA c'est un dur labeur
Je ne peux pas vous dire ce que je fais c'est Confidentiel
Mais je peux vous dire que les effets sont providentiels

L'indispensable complément d'Henry Kissinger
Quand je ne trouve pas le renseignement je le fabrique Sur l'heure!
Mon nom ne vous dirait rien du tout je suis anonyme
Mais je navigue dans tous les coups où il y a des victimes

Je travail dans l'or noir là-bas depuis quelque mois
La remontée de notre dollar je vous jure que c'est moi
Je suis un drôle de citoyen je suis éphémère
Je change de nom, de continent j'ai du savoir-faire

Je chasse le mauvais citoyen dans le monde entier
Tout ça par amour du prochain et de la liberté
Si je vous surveille discrètement faut pas m'en vouloir
C'est pour votre sécurité je suis pas bavard

Je suis le défenseur US de la démocratie
Si je n'étais pas là vraiment ça serait l'anarchie
Quand le pétrole sera fini j'irai au Japon!
Pour activer les extrémistes la révolution

Pétrole coulant l'économie du Japon fleuri
Un changement du gouvernement qui coule my daddy
Un gros marché avec la Chine made in CIA
Pour le Chili je ne sais rien je suis désolé





4. LA VERITE


On la malaxe ou on la broie, on la manie, on la surcharge
On l'interprète on l'a décharge, on l'a vécue on l'a Connue
On a la sienne, on a la nôtre, ils ont la leur mais elle Est fausse

Elle est toute faite toute fabriquée, elle est divine, Mystifiée
Elle sort du puits ou du trottoir, elle est unique elle Est à voir
Elle se déforme ou elle s'imprime, elle prend des coups Ou bien des primes
Elle était là elle est ailleurs, elle était noire elle Devient blanche

C'était en 1940, après je ne me souviens plus
La vérité est dans la rue, au parti ou dans les églises
Les épiciers l'ont dans le buffet et les filous dans Leurs miroirs

Ne dites que la vérité, n'essaye pas de me rouler
Mets-toi à table sinon méfie, la véritable démocratie
Le vrai sauveur de la patrie, la vrai bataille d'Alger
Les faux témoins les faux papiers, les vrais cons les Faux diplômés
Les vérités de la police, tout ce qui se passe dans la Coulisse

Elle est toute nue ou crucifiée, elle est en bronze ou en Acier
Elle est en plâtre ou en papier, elle était noire elle Devient blanche

Y'a un aveugle qui a vu, après, Il ne se souvient plus
La vérité, chacun la sienne, on la cherche même si on la sème

On l'a perdue depuis longtemps, signe particulier, néant
La vérité dans les églises, dans les églises
Elle devient blanche elle était noire, je me souviens plus, elle est en bronze
Ou en papier ou camouflée, elle était noire, y'a un aveugle qui a vu
Chacun la sienne..




5. BALTHAZAR


.Il a sorti du manteau des cartes rouges et noires
"Et alors" me dit l'oiseau, "Qu'a-t-il fait de son manteau?"
Il a transformé le manteau en chapeau en chapeau rouge et
Noir
"Et alors" me dit l'oiseau, "Qu'a-t-il posé sur son dos?"

Il a sorti du chapeau un banjo, un banjo rouge et noir
"Et alors" me dit l'oiseau, "A-t-il joué sur le do?"
Une femme a dit bravo, elle était rouge et noire
Elle avait bu du bordeaux, il n'lui a pas dit bonsoir

"Et alors" me dit l'oiseau, "S'appelait-il Balthazar?"
Il est tombé dans son chapeau, il en est sorti tout noir
Alors, il a joué du piano, est parti sans dire bonsoir




6. LA GRANDE MAREE


Un colosse aux pieds d'argile surveille la frontière
Des gosses aux mains fragiles jouent avec la poussière
Des veuves aux longs doigts fébriles distillent le thé
Un vieillard au regard tranquille sort de la fumée

C'est la grande marée, la grande marée, la grande marée
La grande marée, la grande marée, la grande marée

Un roi perclus de solitude sur son trône dérisoire
Un café, une pendule, un bout de trottoir
Un réveil sinistre et drôle sur l'épaule d'un ouvrier
Qui s'en va au bout du môle, vers l'éternité

C'est la grande marée, la grande marée, la grande marée
La grande marée, la grande marée, la grande marée

Les enfants qui jouent à l'ombre des matraques
Le temps qu'il fait, six mois de prison à Maniac
Une étoile est tombée dans ma guitare
Si j'étais croyant, ce serait un don du ciel

C'est la grande marée, la grande marée, la grande marée
La grande marée, la grande marée, la grande marée

Les rues n'ont plus de recoins, plus d'angles morts
Ça facilite les rapports de force
Il n'y a plus d'amoureux, plus de bancs publics


Nous sommes éternellement bronzés
Notre vocabulaire est réduit à 50 mots
Nous branchons nos sexes dans le secteur
Et nos spermatozoïdes sont calibrés et placés dans des Banques
Ils servent de monnaie d'échange aux eunuques qui nous Gouvernent

Notre société d'abondance fait merveille, il n'y a plus qu'un classe
Quoiqu'en y réfléchissant bien il y en a une autre
Mais il est déconseillé de réfléchir

Nous ne faisons plus jamais l'amour, sauf de temps en Temps
Avec les gardiens qui nous surveillent
Le mien est frigide

C'est la grande marée, la grande marée, la grande marée
La grande marée, la grande marée, la grande marée




7. SAN SALVADOR


Voguant autour des îles de la mer Caraïbe
Les tamtams vaudous firent se lever les vents
Decouvrant des récifs où des corvetes anglaises
Gisaient depuis longtemps dans leurs manteaux de glaise

J'ai oublié le nom de cette île perdue
Où le courant rapide poussa mon bateau noir
J'ai longtemps recherché une terre inconnue
Planquée au fond des eaux de la mer Caraïbe

Si tu vas à San Salvador
Va voir la femme
Qui sait lire dans les yeux du sort
Aussi dans les flammes
Elle te dira des mots très forts
Comme les tambours
Qui dansent sur la terre des morts
Juste avant le jour

Aux lisières des forêts, du côté de Belém
Vivait un déserteur légionnaire français
Il tenait un comptoir, il vendait des F.M
Des vivres, des camions, des femmes, du napalm
Il vivait là tout seul, bouffé de fièvre par l'Équateur
La confiance n'était pas son fort, tout se payait D'avance

Sa conscience était dans un port, chez une femme, en France
Il vivait comme un tigre traqué, tendu et rélax
Ne parlait jamais du passé, même complètement schlass


Si tu vas à San Salvador
Va voir la femme
Qui sait lire dans les yeux du sort
Aussi dans les flammes
Elle te dira des mots très forts
Comme les tambours
Qui dansent sur la terre des morts
Juste avant le jour

Enveloppé de chlorophylle et de soleil
Le sable blanc des grandes îles berce le sommeil
Les secrets planqués dans des cases ont des goûts truqués
La nuit tombe comme un couteau sur un condamné
Je ne dis rien des précédents pour toi qui m'écoutes
Mon aventure est dans le vent et dans les écoutes
Le temps n'éponge pas le sang et la terre noire
Porte le deuil des innocents et pour leur mémoire

Si tu vas à San Salvador
Va voir la femme
Qui sait lire dans les yeux du sort
Aussi dans les flammes
Elle te dira des mots très forts
Comme les tambours
Qui dansent sur la terre des morts
Juste avant le jour




8. LES ANTIMEMOIRES


J'ai chanté pour des dames aux vertus périodiques
J'ai chanté pour des tables, j'ai chanté pour des briques
Chanté pour des poètes, chanté pour des marchands
Chanté pour des prophètes, chanté pour des truands

J'ai chanté dans des fêtes, j'ai chanté dans des champs
Chanté des idées bêtes pour des adolescents
J'ai chanté des sornettes à des vieux militants
Chanté pour des bourgeois aux remords languissants

Mais j'ai enfin compris qu' tout ça, c'était du vent
Que pour gagner sa vie, faut pas être exigeant
Elargir son public, ne plus tourner en rond
Faire du panoramique à la télévision

C'est bien plus sympathique de chanter pour les cons
Faut bien les consoler de leurs vies symétriques
De leur manque d'idées, de leur trouille chronique
J'aurai dans peu de temps ma gloire de Prisunic

J'écris des phrases creuses pour combler les grands vides
Je souffre des valseuses et je grossis du bide
On m'adule, on me fête, on me chante, on me siffle
J'ai des amis partout et surtout chez les flics

La connerie s'étend au-delà des frontières
C'est amusant pour cela que les hommes sont frères
Les cons se reproduisent, contaminent et pullulent
Sur d'autres galaxies, y a déjà des émules


On n'est plus jamais seul, quand on est vraiment con
On se sent très très fort, on est une Nation
Je suis le roi des cons, je règne et j'en profite
Que les intelligents se terrent dans leurs mythes




9. SAINT-ETIENNE


On n’est pas d’un pays mais on est d’une ville
Où la rue artérielle limite le décor
Les cheminées d’usines hululent à la mort
La lampe du gardien rigole de mon style

La misère écrasant son mégot sur mon cœur
A laissé dans mon sang la trace indélébile
Qui a le même son et la même couleur
Que la suie des crassiers, du charbon inutile

Les forges de mes tempes ont pilonné les mots
J’ai limé de mes mains le creux des évidences
Les mots calaminés crachent des hauts-fourneaux
Mes yeux d’acier trempé inventent le silence

Je me saoule à New York et me barre à Paris
Je balance à Rio et ris à Montréal
Mais c’est quand même ici que poussa tout petit
Cette fleur de grisou à tige de métal

On n’est pas d’un pays mais on est d’une ville
Où la rue artérielle limite le décor
Les cheminées d’usines hululent à la mort
La lampe du gardien rigole de mon style




10. LA SAMBA


La musique a roulé des tempos exotiques
La dame du premier a pigé la rythmique
Et s'est mise à danser, La la la la
Sous des airs de tropiques
Et tout le grand standing a dansé la samba

L'immeuble d'à côté qui a le sens critique
Étant standardisé pour le cadre moyen
Bientôt contaminé par le rythme excentrique
A coupé la télé et dansé la samba

Les prolos qui logeaient dans la cité d'urgence
Dont l'insonorité met vite dans l'ambiance
Étaient habitués à suivre les cadences
Et toute la cité a dansé la samba

Une musique morte impuissante et statique
Suintait par le plafond très aristocratique
Mais la joie authentique remontait des bas-fonds
Monsieur le Directeur prit ses dispositions

Alors les CRS de la répression rythmique
Qui ne balance pas autrement qu'à la trique
Les oreilles bouchées par d'énormes hublots
Trouvèrent un responsable et firent leur boulot


Z'ont tué le guitariste - lui ont brisé les doigts
Interdit sa musique - surveillé quelques mois
Mais au fond des mémoires - sur des marteaux-pilons
Les compagnons d'usine ont gravé la chanson




11. L'ESPAGNE


Un azur constellé
Pour y finir ses rôles
Des plages un peu privées
Pour de vieux polissons
La misère pittoresque
La misère si drôle
Qu'on écoute chez soi
Sur son microsillon

Des étudiants vivants
Qui sentent la potence
La vérité qui ne tiens jamais qu'à un fil
Et puis la peur du feu et de la délivrance
36 ans de cachot vous font les yeux fragiles
Je parlais un peu de l'Espagne

Y'a un ruisseau de sang
Derrière ton parasol
Un rebelle anonyme
Glisse sous les arcades
Palomita mia del mi corazon
Sur tes cartes postales
Claquent des fusillades

Des condamnés à morts
Qui roulent dans tes vagues
Des poètes affamés
Qui saignent leurs chansons
Des touristes fleuris
Comme des promenades
Bronzent, bleus et poilus
Comptent leurs additions


Et le français moyen
Se sentant enfin riche
Achève son décor
Rustique et ses galops
Sur la desserte horrible
Il clous entre ses biches
Un vilain Christ noir
A tête de taureau

Les âmes exilées
Qui crèvent en exil
Les prêtres défroqués
Qui finissent au cachot
Ne dérangeront pas
Ces sinistres débiles
Aux cerveaux ramollis
Coulants sous les chapeaux




























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