Le fameux album du compte à rebours… "Ten to One" comme disent les fans ou encore "The Countdown", les dénominations sont multiples. Cet album est fondamental à plus d’un titre. En effet, il va permettre, d’une part, aux australiens d’accéder à une première reconnaissance mondiale car jusqu’à présent ils étaient essentiellement connus en Australie. D’autre part, l’album est quelque peu en rupture sur le plan musicale avec les précédents efforts, le groupe nous ayant jusqu’à maintenant, proposé un rock furieux, hautement énergique et plutôt électrique. Cependant, on avait toutefois aperçu, ça et là, d’autres facettes et des velléités certaines de la part de nos cinq musiciens de faire évoluer leur musique.
Sur cet album, le groupe diversifie complètement son propos musical tant au niveau des ambiances, des sonorités que de l’instrumentation des morceaux. Guitares électriques et acoustiques, piano, cordes, claviers, et cuivres se mélangent allégrement avec une grande inventivité. De plus, les structures sont plus audacieuses et se complexifient clairement sur certains morceaux pour aller au delà du traditionnel couplet - refrain.
Bien évidemment, inutile de vous dire que les cinq musiciens sont au sommet de leur forme. Jim Moginie jongle avec aisance entre guitares et claviers. Martin Rotsey triture ses guitares pour leur faire « cracher » toutes sortes de sonorités, entre arpèges cristallins et fulgurances électriques. Rob Hirst nous offre une prestation de très haute volée et des parties de batterie inventives. Peter Gifford nous livre des lignes de basse de grande qualité, tantôt feutrées ou complètement alambiquées mais souvent originales. Quant à Peter Garrett, il en impose toujours autant au chant avec cette voix grave si caractéristique.
Au niveau des paroles, les propos ont tendances à se radicaliser et sont assez corrosifs, chacun en prend pour son grade, ce qui vaudra d’ailleurs au groupe des difficultés pour se produire, notamment au Etats-Unis. Ces derniers sont, d’ailleurs, directement visés dans « U.S Forces ». Les autres thèmes évoqués traitent de l’injustice de la société, des exactions présentes et passées des grandes puissances et bien évidemment de l’écologie et du nucléaire.
La construction de l’album est subtile et nous réserve sont lot de surprises, le groupe n’est finalement jamais là où on l’attend.
En matière de rupture, le combo ne pouvait pas mieux ouvrir les hostilités avec un « Outside World » synthétique au possible, aux sonorités glaciales et à l’ambiance de fin du monde. On est ramené en territoire connu grâce à « Only the Strong » mais également avec « Read About It », des titres énergiques, électriques et aux puissantes guitares. Ca et là sont insérés des morceaux plus posés mais aux ambiances marquées se caractérisant par une subtile instrumentation avec notamment un « Short Memory » à l’atmosphère lugubre imposant à l’auditeur comme une espèce de recueillement, un « Maralinga » nonchalant nous laissant un sentiment de détachement notamment au niveaux des voix et des guitares ou encore « Tin Legs and Tin Minds » au refrain appuyé par des cordes insufflant comme une sensation d’espérance. Un peu en marge, « U.S Forces », dont le titre est clairement évocateur, est traité sur un mode essentiellement acoustique et entrainant aux relents plutôt folk. Mais le groupe ne s’arrête pas là et nous offre des morceaux de bravoure en laissant sa créativité s’exprimer encore plus. Avec «
Scream in Blue » le groupe nous livre une intro d’une rare intensité dégageant un climat oppressant (il faut juste imaginer des guitares noisy se mêlant à des guitares acoustiques avec une lourde ligne de basse soutenue par une batterie omniprésente) coupée nette par un piano et une voix lointaine quasi désespérée appuyés par une rythmique discrète, le tout se concluant par un entremêlement de guitares déchirantes. « The
Power and the Passion » - le titre est un programme à lui tout seul - nous gratifie d’une rythmique sèche et incisive, d’un étonnant solo de batterie (le seul et l’unique) et d’un final de cuivres hurlants. Enfin, « Sombedy’s Trying », accrocheur en diable et qui conclut l’album de fort belle manière, nous propose une construction déroutante, des breaks multiples, des variations rythmiques et notamment un duo basse - batterie des plus atypiques.
Encore une fois,
Midnight Oil poursuit sa démarche singulière et continue de tracer son chemin en nous livrant ici un album abouti, magistral et complètement original. Le groupe ne fait ici aucune fausse note en nous démontrant la possibilité de concilier paroles intelligentes, intransigeance musicale et succès commerciale. En somme, une réussite en tous points.
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