Un peu triste, un peu dissonant au démarrage, que nous réserve « Leaving New York » ? Au final, un rock au tempo moyen, assez engageant, avec des passages plus ou moins rythmés, une mélodie vocale enrichie par des chœurs pleins de personnalité, et
REM n’a rien perdu de la sérénité des précédents albums. Cette thématique du départ difficile indique-t-elle que le groUpe est conscient d’avoir engagé son propre départ, et que leur ultime album n’est plus très loin ? Possible.
En attendant, à la fois rock et électronique, « Electron Blue » passe comme un décollage sans encombre, et le chant s’envole au sein des nuées synthétiques. La richesse mélodique et la complexité des instrumentations, basées sur un son assez lourd et légèrement bruyant, montrent qu’un pas sUpplémentaire a été franchi vers
Radiohead.
On a déjà eu l’occasion de s’interroger sur les éventuelles relations que
REM aurait pu nouer, dans un tout autre registre, avec la scène R&B de son époque, et « The Outsiders » en offre un exemple assez explicite, non seulement du fait de la participation du rappeur Q-Tip, mais aussi en raison de la rythmique hip-hop et des sonorités minimalistes, où le groUpe amène toujours ses accents à la fois rock, folk et mélancoliques. Dans la deuxième partie du morceau, Q-Tip a l’occasion de s’exprimer plus que KRS-One ne l’avait fait en tant qu’invité sur «
Radio Song ».
Puis la douce tristesse du début reprend la main, « Make It All Okay » ne manquant pas, pour autant, de passages intenses, ponctués par des accords de piano à la fois proches de la voix, de la guitare et de la section rythmique.
Retour au folk et à la voix grave avec « Final Straw », qui regarde davantage, cette fois-ci, vers
Johnny Cash, tout en accueillant là aussi quelques sons électroniques qui s’y adaptent très bien, dans une harmonie étonnante entre tradition et modernité. L’aplomb et le mystère de cette chanson en font, sans conteste, l’un des moments forts de l’opus, et même de la discographie de
REM, prouvant que ces derniers n’ont pas encore dit leur dernier mot.
De la country, « I Wanted To Be Wrong » retient plutôt le vague-à-l’âme, avec des intensités marquées aussi bien par les instruments eux-mêmes que par la voix, autre moment fort mais d’une façon différente.
Musicalement, si « Wanderlust » semble se souvenir de « The Passenger » d’
Iggy Pop, aussi vif que taciturne, « Boy in the Well » traduit une errance entre les atmosphères subtiles suggérées par les divers timbres instrumentaux que l’on a pu rencontrer chez
REM au fil des années, sans se défaire d’une assurance certaine, qui surgit dans le mordant du refrain.
« Aftermath », sombre, sérieux, équilibré, correspond définitivement à l’âge adulte de
REM, fait que ne contredisent ni les bidouillages grondants de « High Speed
Train », ni le désabusement éthéré de « The Worst Joke Ever ».
« The Ascent of
Man » permet d’entrevoir le blues profond depuis une surface tantôt claire, tantôt trouble, où le pathos maîtrisé du chant se divise en deux, grave / aigu, sans jamais se perdre, laissant «
Around the Sun » briller, jusqu’au couchant, de toute sa flamme.
Ainsi se termine ce treizième album de
REM, lequel parvient encore à nous interpeller en questionnant notre perception de la musique et des émotions qui lui répondent avec plus ou moins de chaleur ou d’introversion : autour du soleil, oui, mais à quelle distance ?
D. H. T.
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