Cela fait à peine 1 an que le premier album de Hubert-Félix THIEFAINE (HFT) est sorti que le deuxième pointe déjà le bout du nez.
Vous vous demandez peut-être comment les choses peuvent évoluer musicalement en quelques mois et vous avez raison de vous poser la question car en effet, on retrouve le même HFT inspiré, grinçant, ironique à souhait, mariant toujours aussi merveilleusement la poésie et la critique si bien démontrées dans le premier album.. Il faudra vous y faire de toute façon car ses prouesses verbales ne le quitteront jamais...
De plus, on retrouve la même équipe avec les membres du groupe Machin ainsi que les arrangements et la réalisation de Monsieur CARBONARE. Toujours des enregistrements rapides vu les moyens maigrichons mais la vitalité et le plaisir sont là et ça se ressent dans l'interprétation des morceaux.
Mais penser que cet album n'est qu'une continuité du premier serait une belle erreur !! En effet, ce n'est pas le cas. Alors forcément, HFT A son style ; on ne risque pas de le retrouver dans les registres de RENAUD ou de BASHUNG mais il a su évoluer tout de même dans sa musique, peut-être grâce à l'arrivée de Claude MAIRET, qui souhaite collaborer avec son ami. Une belle complicité qui va donner naissance à de très jolies choses.
Nous avons donc le plaisir d'écouter des morceaux plus rock, tout en gardant un humour et un décalage bien particulier. Il suffit d'écouter les paroles de «
La Vierge au Dodge 51 » pour se demander ce que HFT a pris comme substances illicites pour avoir une telle imagination. A la première écoute, vous allez surement vous dire que ce n'est pas rock mais attendez un peu et vous allez entendre ce que vous allez entendre, parce que ça bouge là-dedans !! Tout comme le morceau que j'adore et que j'écoute sans cesse, « Rock Autopsie », titre à ne pas manquer : un air entrainant aux paroles cinglantes. Tout le monde y prend pour son grade et je dois dire que j'aime ça : incorrection, pied de nez, indélicatesse, humour décalé, tout y est !
Adieu le folk et bienvenue au rock tout court, au rock psychédélique et au blues/rock. Claude MAIRET accompagne HFT à la guitare sur certains morceaux et le blues lui va bien également. J'aime le côté mélancolique que le blues apporte aux chansons sans jamais les plomber par une humeur de chien.
Néanmoins, les influences ne s'arrêtent pas là et nous découvrons un morceau (« Variation Autour du Complexe d'Icare ») que je trouve pour ma part quelque peu malsain dans son interprétation, où la souffrance mais aussi l'angoisse de HFT enfant y sont décrites. On ressent bien le mal-être que devait éprouver Hubert à cette époque .. Malgré tout, il le fait toujours avec cynisme et auto-dérision, sans employer un ton larmoyant qui ne lui ressemble guère. C'est une grande qualité de ce Monsieur : il est un être qui souffre, qui éprouve le besoin d'écrire cette souffrance sans jamais en faire un déballage. Il ne pénètre jamais dans le registre de la tragédie et garde une certaine pudeur ainsi qu'une distance vis à vis de ses émotions, qui nous rapproche encore davantage de l'homme.
Nous disons donc bonjour au rock mais nous pouvons également saluer le disco dans ce deuxième album. Oui, vous ne rêvez pas, vous venez bien de lire disco.. alors pas le disco à la Patrick JUVET non plus (!!) mais un air bien sympathique et entrainant sur la chanson « Enfermé Dans les Cabinets (avec la fille mineure des 80 chasseurs )» : tout un programme que je vous laisse découvrir seul.. :-P
Par contre, la chose surprenante à la fin de cet album est le titre « Aligators 427 ». Ce morceau le suivra toute sa carrière car il est génialissime, que dis-je, MONUMENTAL ! HFT s'adresse directement à la Mort, fin prêt à la retrouver et à y faire face. C'est un texte d'une beauté déchirante, une musique puissante, qui ne cesse de prendre de l'ampleur au fil des minutes, redondante, et le fameux « je vous attends !» clamé à répétition, limite le poing rageur dirigé vers le ciel. Ce morceau est à ne pas rater, musicalement et textuellement, car c'est du grand art. (cf : vidéo ci-jointe)
Un très bon album donc. Il y a de vrais trésors mais, parce que oui il y a un mais, en ce qui me concerne je trouve que cet album manque d'ensemble. Beaucoup le préfèrent au précédent pour ses sonorités « rock ». Je trouve que le premier avait le mérite d'être cohérent dans son ensemble et les morceaux se suivaient bien. Ici, nous passons de musiques complètement décalées voir légères à des chansons touchantes, marquantes et nous terminons notre écoute sur un véritable chef d'œuvre. Les changements de registres et de styles m'ont quelque peu perturbés et j'ai parfois eu du mal à m'imprégner totalement des morceaux. Enfin, je dois bien reconnaître que le fait de voir un chef d'œuvre et de très bonnes chansons flirter avec des airs moins percutants me gêne un peu pour classer cet album parmi les merveilles de ce monde. C'est mon petit bémol à ce trésor.
Cependant, ces premières écoutes remontant à mon adolescence, mon ressenti émane peut-être d'une erreur de jeunesse ancrée dans ma mémoire...
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