Voici un disque très très important pour moi. Je n'exagère pas. Vous connaissez tous le principe de l'île déserte, cette question à la con, à laquelle peu de personnes peuvent réellement et sincèrement répondre : quel disque embarqueriez-vous avec vous sur une île déserte ?, à supposer qu'il y ait évidemment l'électricité sur cette île... Hé bien, sachez que
Band on the Run, troisième album de
Paul McCartney & The
Wings, s'il ne serait pas LE disque que j'embarquerais, serait en tout cas LE disque de
Paul McCartney que j'embarquerais. J'aurais à hésiter avec Ram (1971) et Chaos And Creation In The Backyard (2005), qui sont les deux meilleurs albums solo de l'ex-Beatles, mais au final,
Band on the Run gagnerait sans aucun doute. Vous dire si je l'adore et si je le trouve fantastique, ce disque !
Band on the Run est un disque tout simplement parfait de chez parfait. 41 minutes (plus aux USA, car il y à un titre supplémentaire) éblouissantes. C'est bien simple, McCartney, ici, est à son sommet, son zénith absolu, non pas que ses précédents albums (McCartney en 1970, Ram, et les deux premiers des
Wings :
Wild Life et
Red Rose Speedway) ne soient pas bons, oh que non, mais... mais, là, c'est tout simplement du grand art. Du Grand Art, même, en majuscules. Et sous une pochette assez mythique, ce qui ne gâche rien.
Aaah, cette pochette... Prenez un mur de briques classique. Foutez-le dans le noir, avec un gros projecteur pour l'éclairer au centre, et foutez, ensuite, neuf personnages en tenue de taulards, pris en flagrant délit d'évasion (le titre signifie 'groupe en cavale'). On distingue, sur cette pochette, non seulement les
Wings (à l'époque au nombre de trois : Macca, sa femme Linda et Denny Laine, les deux autres, McCullough et Seiwell, ayant quitté le groupe pour divergences financières), mais aussi des célébrités britanniques (ou américaines) de l'époque : Christopher
Lee,
James Coburn, Clement Freud (le barbu, de la famille du fameux psychanalyste, et critique gastronomique et futur politicien), un boxeur, un autre acteur... Au dos, on a trois photos des membres, avec divers obJets, sur une table : passeports, notes, tasse de thé, cigare, tampon, stylos, feuilles de papier, cendrier rempli, cuillère, sous-main, règle... A l'intérieur, sur la sous-pochette, on a d'un côté les paroles des chansons, et de l'autre, une photo des trois
Wings, avec une ribambelle de petits enfants noirs, en noir & blanc. Photo prise sur les lieux de l'enregistrement de l'album.
Band on the Run a ceci de particulier, justement, d'avoir été enregistré non pas au Royaume-Uni, non pas aux USA, ou en Europe, mais...au Nigeria, à Lagos ! Le titre de l'album est un double sens entre la photo de pochette et le fait que le groupe s'envole loin pour accoucher les 10 titres (9 sur la version britannique) de l'album. A noter que le fait que le groupe enregistre au Nigeria ne sera pas sans conséquences : politiques et sociales. Sociales : le groupe se fera agresser au couteau à leur arrivée, ils se feront voler des carnets de notes ; et Macca, aussi, sera victime d'un malaise consécutif à une trop grosse consommation de clopes et au changement climatique radical entre la perfide
Albion et Lagos, frôlant l'apoplexie, à la grande terreur de Linda et de leurs proches, il a apparemment failli calancher ! Politiques : on accusera le groupe de vouloir profiter de la situation au Nigeria (pas glorieuse) et de 'voler' la musique locale, la réutiliser pour leur album. Fela Kuti, fameux ambassadeur de la musique africaine, s'en prendra vertement à Macca, qui lui fera écouter les bandes afin de lui prouver que, non, les
Wings ne faisaient pas un disque de world music opportuniste (rien, en effet, sur l'album, n'est africain, musicalement parlant ; ce disque pourrait aussi bien avoir été enregistré à Abbey Road ! En fait, une petite partie a été faite à Londres, mais très peu au final).
Sinon, ben, voilà : disque majeur. Désormais à trois membres, les Ailes livrent leur magnum opus. Paul est au chant, à la basse, guitare et batterie (claviers aussi), Linda aux claviers et choeurs, et Denny Laine à la guitare.
Band on the Run accumule les classiques comme un délinquant accumule les conneries : "
Band on the Run", "
Jet", "Bluebird", "Mrs. Vandebilt", "Mamounia", "Picasso's Last Words (Drink To Me)", "Nineteen Hundred and Eighty-Five", il faudrait tout citer et c'est quasiment ce que j'ai fait ! Oui, ce disque est géant, tellement géant que j'en ai du mal à en parler. Comment ne pas citer la magistrale chanson-titre, avec ses changements de rythmes, son refrain grandiose et pourtant simpliste (Baaaaaand on the ruuuuun, baaaaand on the ruuuuuun), sa section de synthés ? Tout, sur ce disque, arrive à la cheville du meilleur de Macca au sein des Bitteuls. Tout. La beauté de "Bluebird" (allusion à "Blackbird" ? En live, les deux morceaux seront d'ailleurs joués à la suite) et de "Mamounia", le très rock (et pastiche lennonien probable, vu la manière de chanter et le style de la chanson) "Let Me Roll It" et son riff mortel..."
Jet", classique absolu, au même titre que le sautillant "Mrs. Vandebilt", avec son refrain con et bon (Ho !
Hey Ho !!), chanson qui est souvent critiquée pour son ambiance 'les Sept Nains en route vers la mine de diamants' (faut dire qu'au premier abord, c'est limite !), alors qu'elle est un triomphe pop, ni plus ni moins. Et que dire de "Picasso's Last Words (Drink to Me)", qui réutilise un petit peu de "
Jet" et "Mrs. Vandebilt" à un moment donné, ainsi qu'un peu de français (un sample de je ne sais quoi) dans son bridge ? "No Words", le morceau le moins époustouflant ce qui ne l'empêche pas d'être sublime, est une autre réussite. Et, enfin, comment ne pas citer "Nineteen Hundred and Eighty Five" ("1985" pour les ceusses qui ne veulent pas se faire chier la b*te à l'écrire en lettres), chanson grandiose, le sommet de l'album, oui, juuuuuste devant "
Band on the Run" et "Mrs. Vandebilt", mais sommet de l'album. Un piano entêtant tout du long. Divin...Divin...Divin... Divin...Divin...Divin, quoi. Divin.
Pendant longtemps, ce disque fut difficile à trouver en CD : il a été réédité, avec les autres
Wings et Macca solo, dans la The
Paul McCartney Collection, en CD (pochettes blanches reprenant le visuel des albums en bas à droite, très moche, mais la pochette originale recto/verso est à chaque fois sur la double page suivante du livret, on peut donc virer la première couverture si on le souhaite), au début des années 90, mais par la suite, n'a pas été facilement réédité. Enfin, depuis quelques mois, il a été réédité en remastérisé, au même titre que les albums solo de Paul (McCartney, Ram, McCartney II...), mais c'est, je crois, le seul des
Wings correctement réédité en CD à l'heure actuelle ! D'autres albums des
Wings ne sont pas disponibles, je pense notamment à
Red Rose Speedway et au triple live
Wings Over America, impossibles à trouver en CD, soit en général, soit à prix correct. J'espère sincèrement qu'ils seront réédités en CD au même titre que
Band on the Run vient de l'être (apparemment,
Venus and Mars,
Wings At the Speed of Sound et
Wings Over America le seront) !
Et pour en finir avec
Band on the Run, c'est, donc, un chef-d'oeuvre absolu, total, de la pop/rock enthousiasmante au possible, une série de chansons mémorables, dont certaines sont de vrais classiques (
Jet, la chanson-titre). J'ai limite envie de dire que s'il ne vous fallait qu'un seul disque post-Beatles de McCartney, c'est celui-là. Mais ça serait vite oublier Ram, Chaos And Creation In The Backyard, McCartney et, chez les
Wings,
Red Rose Speedway et (bien qu'il soit un peu moins fort)
Venus and Mars. Mais si tous ces disques sont fabuleux, clairement, mon préféré reste
Band on the Run, et il est à mes yeux le meilleur, à égalité avec Ram (Macca solo) !
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire