Soyons justes : nous ne pouvons blâmer ces auditeurs chanceux qui foulèrent parmi les premiers les terres tout juste dépucelées du heavy metal. Non, nous ne pouvons leur en vouloir car, en toute honnêteté, dans cette époque (mal)heureuse où le manque de technologie obligeait ces braves gens à s’aventurer dans un magasin pour se faire une idée d’un album, si j’avais été présent je n’aurais probablement jamais porté aucun intérêt à cet album : cette pochette hideuse – fabriquée alors que je trottais encore dans le ventre de ma pauvre mère, Dieu merci – rappelle que tous les artistes n’excellent pas forcément dans tous les arts ; et
Budgie n’excellait apparemment pas dans le dessin (ni dans les noms de groupe d’ailleurs). Ils ne semblaient pas non plus posséder un grand talent dans l’art des jeux de mots si on en croit Napoleon Bona Part 1 et Part 2.
Soyons heureux toutefois : ce merveilleux outil qu’est internet m’as permis de comprendre cette pochette et je vais vous en révéler le secret :
Budgie signifie perruche en anglais (merci G***le traduction) et la pochette représente Napoléon Bonaparte ou des soldats se battant sous son influence (merci mon brillant esprit de déduction). Quoi de plus normal alors, que de remplacer la tête de ce diable de Napoléon par celle d’une perruche ? Quant aux couleurs… elles symbolisent probablement l’attitude anticonformiste du groupe envers ce que l’on nomme le bon goût.
Bandolier, la bandoulière dans la langue de Molière, c’est le truc où on fourre nos armes, notre fusil. Donc en toute logique il mérite de donner son nom à l’album en tant que symbole de… Napoléon. Bref, passons sur ces détails harassants et remercions une fois encore notre merveilleuse époque qui permet de pencher son oreille sur un disque sans avoir à supporter les œuvres d’art qui ont été choisies pour le représenter (même si maintenant j’ai acheté cet album à cause de ma conscience et que je dois supporter tous les jours la vue de cette immondice sur ma commode). Et si j’utilise tous les mots les plus horribles que je connais, il ne m’en restera plus pour parler de l’artwork de «
Impeckable » plus tard (qui, lui, ferait presque passer Born Again (Black Sabbath) pour de l’art contemporain).
Soyons soulagés : Piètres goûts culinaires n’est pas forcément synonyme de piètre cuisinier, tout comme piètre choix de pochette ne va pas inévitablement à l’encontre de superbe musique (par contre cela explique probablement qu’un groupe aussi génial que
Budgie soit resté si méconnu…). Rentrons donc plutôt dans le vif du sujet et parlons musique (et j’espère que vous me pardonnerez pour ce qui a précédé tout ceci mais j’en avais gros sur le cœur).
Soyons critiques : l’album est court, voir même trop court (environ 35 minutes). Toutefois je vois difficilement comment blâmer le groupe qui a aligné 5 albums et un best-of en 5 ans. Mais apparemment pressés par leur maison de disque, soucieux de suivre le rythme infernal imposé par
Led Zeppelin, «
Bandolier » – à l’instar de «
In for the Kill » d’ailleurs – est un peu bâclé. C’est vraiment dommage car le talent de
Budgie, lui, est intact ; on se dit donc qu’un peu plus de temps passé sur leurs deux derniers albums aurait probablement pu aboutir à des chefs-d’œuvre. En témoigne le premier morceau qui tient péniblement 7 minutes sur un riff trop basique pour un titre de cette longueur. Et
Budgie de nous narguer – un peu à la manière du « Le Seigneur des Anneaux : Le Retour du Roi » et ses « fade-out » interminables en fin de film – nous fait croire que le morceau se termine plusieurs fois et ne fait que renforcer cette impression de morceau rallongé pour augmenter la durée d’un disque enregistré de manière trop précipitée.
Certes, le talent de
Budgie pour les riffs répétitifs qui s’ancrent dans votre tête pour le restant de votre vie est bien là et « Breaking All the House Rules », malgré ses défauts, en témoigne tout de même. De même que « I
Can't See My Feelings » et « I Ain't No
Mountain », qui, eux par contre, ne souffrent pas d’une longueur excessive. Le premier sera l’objet d’un cover d’Iron Maiden, ce qui atteste probablement de ses qualités. Sur « I Ain't No
Mountain » un certain Andrew Fairweather
Low est crédité, le petit monsieur a travaillé avec des grands noms comme
Pink Floyd ou
Eric Clapton et cela se ressent dans un son un peu plus propre et rock’n’roll. Tous deux sont de très bons morceaux, originaux, bien construits et inoubliables.
Soyons admiratifs : Il y a un énorme travail vocal fait par Burke Shelley. Cela se ressent à l’écoute de « Who Do You Want for Your
Love? » et « Slipaway » notamment. Le premier est d’un grand plaisir : un riff très sympa, Burke déchaîné, l’harmonica qui vient discrètement ambiancer le morceau par petites touches subtiles, .. « Slipaway », par contre, a sa place sur une compilation « plage » aux côtés de « D'yer Mak'er» de
Led Zeppelin. Ici on se rend compte de l’influence de
Budgie chez certains groupes de heavy metal actuels qui ont un don pour les chœurs écœurants (je pense par exemple à un certain
Avenged Sevenfold). Selon l’esprit dans lequel vous êtes lorsque vous écoutez ce morceau vous pouvez l’apprécier ou...le haïr. Enfin, la pièce maîtresse de l’album est sans aucun doute « Napoleon Bona Part 1 & 2 » qui consiste en réalité en une seule et même chanson et où le « Part x » n’est là que pour le fabuleux jeu de mots déjà mentionné auparavant… Mais qui symbolise bien l’envol prochain de notre perruche vers les terres de l’imprononçable acronyme qu’est la NWOBHM. En effet, il s’agit d’une power-ballade qui fait bientôt place à des riffs destructeurs pour se finir en véritable apothéose de guitares et £%&&!! qu’est-ce que c’est heavy !
Soyons donc justes, heureux, soulagés, critiques tout de même mais admiratifs : «
Bandolier » est un très bon album, plus accessible que les précédents, peut-être moins trépidant mais tout de même très honorable. Et si j’ai décidé de vous écrire cette chronique sous une forme un peu humoristique, c’est bien parce que
Budgie m’inspire le sourire, le sourire du plaisir.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire