L’opus démarre fort avec «
Now You’re Full » où, sur un rythme lent, les voix, parlées et chantées, masculines et féminines, plongent dans la chaleur de la basse mélodieuse et du synthétiseur, jusqu’à l’apparition des guitares saturées au cœur de la troisième minute. Plus rapide, « A Miracle » participe lui aussi de ce retour à un son plus rock que dans «
Blue Alice Blue » et «
War Begins At Home », à cette différence près, par rapport à toute la discographie d’Opposition, que les effets sur le chant maintiennent ce dernier au même niveau que les autres instruments. Aurait-on parlé trop vite, quand viennent « Jelly Bean » et la démarcation plus nette alors opérée entre les parties vocales et les parties instrumentales ? En fait, cela dépend des moments. Vers la fin de la chanson, qui se rapproche du hard rock voire du grunge ou du shoegazing, tout se mélange de nouveau. « Out There » réintroduit la formule de la ballade aux sonorités mixtes, quelque part entre l’acoustique, l’électrique et l’électronique. Indéniablement, l’opus se distingue à la fois par sa puissance et sa subtilité, évolution liée à l’enrichissement de la composition du groupe, comprenant, à ce stade : Mark Long (voix, guitare), Marcus Bell (basse, claviers), Jean-Daniel Glorioso (batterie), Daniel Jea (guitares), plusieurs invités, dont Laury Marie (voix). Il faut dire qu’en 2003, les années ont filé. Plus que le dansant « Shut Me Out », les titres « Mr. Jones » et « That’s the Lie » confirment que, dans l’intervalle,
Radiohead et
Spiritualized sont passés par là, d’une part, ainsi que la French touch en général et Air en particulier, d’autre part. Le clin d’œil aux paroles du standard « My Funny Valentine » n’est pas dénué de nostalgie, eu égard à la conscience que toute production contemporaine appartient déjà au passé. Merci, donc, d’avoir pensé à ceux qui écriraient encore une chronique du disque près de quinze ans plus tard. C’est ainsi que « When I Dream of You » poursuit dans cette veine, à la fois élégante et décadente, faite de voix blafardes, de tristesse, de sons mystérieux, de guitares rock bien appuyées, et que « Little by Little » divague sans jamais trébucher. Le début de « Caroline » nous persuade que nul n’entre ici s’il n’aime les gros sons, la distorsion, les larsens. Sauf que le morceau n’est pas régulier. Car, dans la deuxième partie de la chanson, on peut autant aimer la guitare sèche. Doit-on s’en plaindre ? Pas vraiment, c’est même un socle de choix pour la prestation de Nina Morato, en français dans le texte. Mark Long aurait-il dû s’abstenir de prendre le relais ? Non plus : il annonce le retour des guitares du début, la conclusion décidément rock qui s’imposait, à quelques secondes des cigales et du vague-à-l’âme de « Last Summer ». Moins régulier que «
War Begins At Home », «
Blinder » gagne néanmoins l’excellence de justesse, pour avoir su gérer la tentation théâtrale ou narrative, jamais facile sur un album.
D. H. T.
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