« Mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf
Aucune raison que j’fasse la teuf
Dans dix minutes c’est l’an deux mille
Y’a pas qu’mon foie qui s’fait d’la bile »
Parabellum -
Dense Microsillon à Faisceau de Lumière Cohérente - 1989
Une décennie plus tard, force est de donner raison à ces mots, tant les motifs de satisfaction sont rares en cette fin de millénaire. Le moment est venu pour le groupe parisien, absent des radars depuis longtemps, de mettre en boîte un nouveau full-length. La dissolution du groupe en juin 1991 a laissé un trou béant dans la scène hexagonale, comme en atteste le fabuleux live
In Vivo Veritas, ultime legs de la première époque. La réunification a lieu en
1997, prétextée par un ultime show à Marmande. Évidemment, les vétérans mettent le feu aux planches et une tournée fabuleuse s’ensuit. La patience des mordus sera doublement récompensée avec la rapide parution de
Post Mortem Live.
Les anciens Porte-Mentaux Schultz et Sven Polhammer rempilent ainsi que le batteur Patrick Lemarchand. Après avoir également participé à la reformation, Roland « Chamallow » choisit de quitter le navire et cède la place, oui la basse, à « Olive » Meyrand. Rock’n’Roll, gouailleur servi par l’organe incroyable de Schultz, sorte de Puzio/Kilmister du Punk français, le groupe a la maturité nécessaire pour savourer son triomphe. L’éminence verte Fabrice Laperche mieux connu sous le pseudo de Géant Vert reste dans le giron de Parab’. Si les Franciliens composent de manière collégiale, l’influence de Géant Vert est prépondérante et à travers celle-ci, une tradition de chansonniers contestataires 1900, allant d’Aristide Bruant à Charles d’Avray.
Le film de Pierre Boué « Making of
Bordel Inside » illustre la totale spontanéité de nos lascars plongés dans le cambouis du processus créatif. Mention à Sven toujours prompt à proposer des arrangements géniaux aux uns et aux autres. Les textes sont remaniés au fur et à mesure des prises de son des parties vocales: on voit alors Géant Vert tenir compte des doléances de Schultz.
Côté compos, il n’y aura pas de temps mort mais des riffs de plomb comme sur « Les Ailes en Béton » et son univers de loose. C’est un titre au refrain jouissif avec un thème proche du superbe Rockabilly « Les Deux Boules de Cristal », sorte d’autobiographie au comptoir des paumés… « La Neige de l’Eté Dernier » est un nouveau manifeste anti came qui fait écho au classique « Amsterdam ». Servi par un tempo lent bien servi par une section rythmique parfaite, Schultz dénonce et déclame son dégoût pour ce mal qui ronge la majeure partie de la communauté alternative. A rapprocher évidemment de la plage la plus calme de l’album, «Les Fantômes du Pogo », amer constat de l’hécatombe qui vide les squats et le circuit des concerts.
« A Saint-Lazare », chef d’œuvre de Bruant sous forme de lettre à son mac d’une fille internée pour une MST. Une tranche de vie bien dure servie par un joyau de sobriété littéraire. A noter que cette pièce d’orfèvre figurait déjà sur le Live Post Mortem.
Du Rock bien gras encore et toujours sur « Week End d’Enfer » qui voit un petit homme vert de passage sur la planète bleue confronté à la bêtise d’une race inférieure: la maréchaussée. Loin des grandes déclarations à la Béru,
Parabellum balance, dézingue par le biais de l’humour noir, au travers de ses histoires de marginaux mais aussi en remettant les maîtres de ce monde à leur place dérisoire…
Comme le disait en 1966 l’illustre Blondin de Sergio Leone : « Tu vois, le monde se divise en deux catégories: ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuses. » En effet, nos Punks n’oublient jamais d’égratigner les responsables majeurs des travers de l’époque. Les sportifs dopés ne se font pas vraiment rater avec le basique « Les Cracks du Stade » : « Crever sur un terrain, Tu parles que c’est cool! Prépar’-toi à un choc, T’es dans les starting blocks: Attention, t’es prêt ? Pool !!! ».
Les poli-tocards en prennent pour leur grade, avec «Sept Ans de Malheur » qui évoquent clairement les septennats de Mitterrand et Chirac sur fond de guitares saturées à souhait. Du rapide qui arrache bien avec « Les P’tits Boulots », les relations troubles entre diplomatie et vente d’armes: c’est ça la realpolitik. Sur le même sujet, le speed « Love Factory » montre l’envers du décor de la production des mines anti-personnels: un boulot sympa et lucratif! Sven fait bien entendu des merveilles sur cet excellent morceau qui finit ce
Bordel Inside en beauté.
Au final, on tient ici, en bonne partie grâce à la production de Christophe Dubois, le premier rendu sonore bien cohérent de la carrière des
Parabellum. En effet, jusqu'alors, le combo avait sorti des compilations plus ou moins variées et, malgré des moyens enfin adaptés, l’album
Parabellum de 1990 demeurait un échec au niveau de la production! Très énergique,
Bordel Inside frappe fort et annonce un retour durable du groupe. Je conclurai ce papier par une dédicace aux fantômes du pogo. Des pensées pour les Parab' Philippe « Zed » Leffray, Roland « Chamallow » Chamarat et, last but not least, Roger « Papa Schultz » Fritsch qui avaient tant à nous offrir…
Pensées également pour Stéphane/Overkill77, nôtre encyclopédie du Punk français. A tous les fantômes du pogo, les anges et les ombres, les vôtres et les miens.
A la mémoire de Manu H, éternel prince keupon de La Ferté Sous Jouarre.
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