Un sens du verbe d'une efficacité redoutable, une énergie hors du commun et un esprit contestataire incroyable a permis à Rage Against The Machine de mélanger deux cultures qui à priori était en tout point opposé. Le Rap/Hip-Hop au même niveau que le Metal. C'était-il y a déjà 20 ans... Hier quoi. Et aujourd'hui, le style est devenu un genre musical à part entières, que nombres de groupes s'évertuent à relancer.
La fusion est bien plus réputée dans les terres du Metal. Clawfinger se drape d'un rap agressif sur une musique basique et extrêmement lourde. Mass Hysteria est sans doute notre RATM national, succès sans équivoque et art du verbe qui ne faiblit pas depuis les années 90. Faith No More est son esprit funky en a fait rêver plus d'un, Mike Patton sous forme d'idéal. Body Count et son art de la sauvagerie et de la provocation contrôlée.
La fusion dans le Rock suit des traces différentes et les
Red Hot Chili Peppers restent probablement les plus grands représentants. Des albums aujourd'hui mythiques comme « Blood Sugar Sex Magik » n'ont pas à rougir devant leurs homologues Metal. Mais le Rock Fusion recèle bien d'autres groupes bien particuliers, mais aussi terriblement efficaces comme les déjantés
Shaka Ponk, les contestataires
Zebda, ou les regrettés
Kiemsa. La fusion reste un genre très difficile à décrire, car chaque groupe opère une philosophie très différente, lui conférant une identité bien propre.
C'est ainsi que se présente
RedLight, dans un genre que l'on peut réduire à cette mouvance Rock Fusion. Mais développons un peu le principe. Ici, il est évident qu'une base entre électro et hip-hop domine l'ensemble, que ça soit au niveau du travail vocal de Laurent ou bien du rythme imposé par les musiciens. Mais le Rock se ressent, l'esprit Rock est là, les guitares, souvent présentes, sont efficaces, distillant riffs multiples et toujours de bons goûts. La batterie est présente également, bien qu'assez synthétique pour coller à l'ambiance global de chaque morceau, parfois massive, d'autres fois « scratchy » mais toujours dans la justesse. Quant à la basse, elle demeure bien l'instrument principal de cet ensemble, véritable mur rythmique présent sur chacun des morceaux.
La force principale de
RedLight est de proposer onze titres totalement différents, avec de la douceur, de la poigne, de l'agressivité, du rythme. Onze titres dont certains auraient peut-être pu bénéficier de quelques raccourcissements. Mais ne chipotons pas pour si peu. L'essentiel est là dès le début avec « (Rock Is Dead) ». L'ensemble se veut énergique, la basse en prédominance, lourde, vite accompagnée par une ouverture avec l'entrée de la guitare, qui se fait directe, rythmée et énergique. On apprécie notamment le timbre de voix de Laurent, tout en groove. L'électro claque. Grosse efficacité dès l'entame. Pour continuer sur les titres bien Rock, le captivant « Clash » vaut son pesant d'or, plus progressif dans son déroulement, la guitare se dévoile peu à peu, toujours bercé par une basse très dominante, la voix de Laurent « Londres » ne souffre d'aucun véritable accent et s'accorde extrêmement bien avec la musique globale. « Midnight Song » joue d'une sorte de duel entre accords massifs de guitare à laquelle répond instantanément des passages totalement grondants et dansants de basse. Cette basse est véritablement un régal auditif. La batterie claquante et la voix tout en émotion ne font qu'apporter à ce titre une force émotionnelle toute particulière.
RedLight propose aussi des flows hip-hop vraiment ravageurs. « Go-Stop » en est le parfait exemple. Massivement lourde et puissante, limite oppressante, la voix n'est pas loin d'un Fred Durst, les délires aigus en moins (et on ne s'en plaint pas). La batterie imprime le rythme, la voix est rapide, la guitare massive sur les refrains ravageurs. Un grand moment. « Where Will We Be ? » impose un rythme plus lent, plus planant, mais paradoxalement en gardant la lourdeur ambiante. Le chant y est rassurant, reposant, un vrai bonheur. Sans compter les accords ambiants de guitare sur les refrains entêtants. « Bring It Down ! » s'impose comme une grosse surprise, entre rythmes légèrement bluesy, chants calme et vigoureux (paradoxalement), on sent réellement une grande maîtrise dans son timbre bien que parfois, un accent un peu trop français sorte (mais puisque les étrangères trouvent cela sexy, pourquoi pas). Les choeurs présents bien souvent ne font que renforcer cette sensation blues opérée par la présence de ce synthé/piano.
Le groupe s'autorise quelques petites expérimentations comme en atteste « Ema Loves the Planets » et son mélange électro-folk (si si, cela existe). Et pour tout dire, le résultat est plutôt concluant, le chant de Londres est dansant, les choeurs agréables, la musique dans sa globalité tient la route (même si les sonorités ressemblant vaguement à des trompettes à la fin se révèlent peut-être un peu « too much »...). « Melancoly » mélange un peu de tout, sonorités et chant hip-hop, piano et guitare acoustique pour un ensemble toujours dominé par la basse. Le refrain est comme toujours très entêtant et facilement reconnaissable. Sans compter ce petit solo américanisé. Reste juste à savoir à quoi se résume ce break ambiant uniquement rythmé par des tapes sur un tambourin et des incantations un peu mystiques...
Mais là où
RedLight frappe extrêmement fort c'est sur les ballades. Démonstration de douceur et de sincérité, «
Crash System Control » est la chanson pour laquelle posséder l'album se justifie. Un piano simple, mais envoûtant, un refrain chaleureux, guitare douce et voix rassurante, batterie entraînante et surtout une fin d'une délicate puissance tout à fait épatante. Le coup de coeur de ce disque. « My Name Is » est différent, plus concentré sur son aspect hip-hop à la guitare acoustique, le chant de Laurent y est d'une douceur palpable, entraînant à lui tout seul l'ambiance triste et mélancolique de ce titre. La fin y est tout aussi bouleversante... « Guest Star » est un chef-d'oeuvre pour bien finir l'album. Difficilement descriptible dans son avancée progressive. Une première moitié tendre, acoustique, claviers ambiants et une suite plus brute, riff de guitare s'étirant, batterie plus lourde, basse massive et surtout un chant montant de plus en plus dans des hauteurs émotionnelles d'une sincérité touchante.
Aucune imperfection ne viendra gâcher cet album, on peut reprocher des tas de choses, des expérimentations pas toujours de bon goût, une musicalité étrange, parfois un peu bancal, un accent quelquefois trop français. Mais n'est-ce pas le charme d'un premier album ? N'est-ce pas cela que l'on attend d'un premier jet ? Des imperfections qui rendent le tout plus sincère, plus touchant. Un album à posséder, évidemment. Avant que ça soit lui qui vous possède.
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