En 1967, les anglais de
The Moody Blues comptent à leur actif l'album
The Magnificent Moodies (Go
Now aux US), certes de qualité mais au succès de relativement courte durée. Leur label leur demande alors d'écrire une adaptation de la neuvième symphonie de Dvorak. Mais le groupe ne l'entend pas de cette oreille et décide d'établir leur propre album avec leur propre concept. Cet album fidèle à leur style pouvant être qualifié de Rock symphonique sera enregistré en collaboration avec le
London Festival Orchestra et le chef d'orchestre Peter Knight aux Decca Studios de Londres.
Justin Hayward et sa bande ne se doutaient certainement pas de l'impact historique qu'aurait ce
Days Of Future Passed dont nous allons parler aujourd'hui.
Tout d'abord cette pièce n'est pas un album comme les autres. C'est un concept-album dont le thème est la journée normale d'un homme. Dans l'immédiat, on pourrait penser que ce thème est simpliste au possible pour un opus de l'envergure d'un concept-album. Ce serait tomber dans un piège et oublier que cet album a presque 50 ans d'existence. Certes, aujourd'hui on compte des dizaines de production de ce type, mais en 1967 le principe de concept-album est encore tout frais et dans la musique rock les opus de ce genre se comptent alors sur les doigts d'une main : Blonde on Blonde de
Bob Dylan et Pet Sounds des Beach Boys sont sortis en 1966 et Sgt Pepper et Cie en juin 1967 des Beatles. Aussi cet album est loin d'être conformiste avec un propos basique, il est ambitieux et visionnaire comme on imagine même pas.
Parlons maintenant d'un point de vue musical. Ne soyons pas chiche en compliments, les instrumentations sont grandissimes. Sonnant beaucoup comme une pièce de musique classique habillée de nombreuses touches rock, cet album dévoile une richesse musicale incroyable. "The Day Begins" commence telle une pièce du courant romantique avec ses magnifiques violons laissant place aux bois qui lancent une première fois le thème devenu culte de "
Nights in White Satin". Mais la narration chaude et claire de Mike Pinder interrompt la musique... Nous sommes embarqués pour une journée ordinaire contée de manière extraordinaire, où la qualité musicale, qu'elle soit symphonique ou rock, ne descend jamais. Et, encore une fois, si des passages vous paraissent kitsch (l'intro de "Lunch Break" tout droit sortie d'un film avec Louis de Funès par exemple), rappelez-vous : 1967.
Quant au chant, les britanniques se sont partagés la tâche, chacun chantant sur la piste lui correspondant le mieux pour un résultat optimal. Cependant la prestation de Julian sur "Dawn is a Feeling" se détache clairement du lot, Mike Pinder ayant écrit cette chanson juste pour lui et force est de constater qu'il ne s'est pas trompé, car Julian approche le divin sur cette piste.
Enfin, parlons du mellotron de Mike Pinder, la grande (ou plutôt une des grandes) révolution(s) de cet album. Si son usage était largement répandu dans les années 60,
The Moody Blues l'a certainement rendu culte de par son utilisation pour leur titre phare, "
Nights in White Satin" bien entendu. Et je crois ne pas prendre de risque lorsque j'annonce que c'est grâce à cette piste que le mellotron sera un instrument si populaire chez les groupes de rock progressif des années 70.
Comme note finale, Mike Pinder déclame "Late Lament", poème du batteur Graeme Edge dont les vers décrivent les pensées quelque peu moroses pouvant traverser l'esprit de différents types de personnes à la tombée de la nuit (les vieux rêvant d'être jeunes, de l'énergie inutilement dépensée...). Cette magnifique outro prolonge ainsi la magie de quelques secondes. Un sourire se dessine sur votre visage et un sentiment de satisfaction vous envahit. Vous venez d'entendre un grand album, une sinon la première pierre de l'imposant et grandiose monument que sera le rock progressif...
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