Le mythique
Diesel and Dust, l’album phare du groupe…
Pour évoquer cet album, il est primordial de se plonger dans le contexte et d’expliquer sa genèse. Au milieu de l’année 1986, les Oils sont partis, comme qui dirait à l’aventure, pour la tournée Blackfella/Whitefella avec le groupe aborigène Warumpi Band. Pendant sept mois, ils ont écumés l’Australie jusque dans ses endroits les plus reculés là où il ne se passe pas grand-chose, là où les distances sont démesurées, donnant des concerts dans des salles ou sur des scènes de fortune. Le bush, l’outback avec ses paysages semi arides, cette terre désespérément rouge, dure comme de la roche et sur laquelle rien ne pousse, ou si peu, a été leur quotidien pendant cette tournée.
De plus, les Oils ont été en contact permanent avec les aborigènes, habitants ancestraux de ces territoires hostiles, ce qui leur a ouvert les yeux sur ceux a qui on a tout pris et pas beaucoup donné en échange. Ces derniers sont donc au cœur de cet album qui est un virulent pamphlet en faveur de ces peuples premiers, afin qu’on les reconnaisse enfin et qu’on leur rende leurs terres.
Profondément marqué mais également galvanisé par cette expérience et encore pleinement imprégné par cette aventure peu commune, le groupe s’est tout de suite attelé à l’écriture de «
Diesel and Dust ».
Après cela, on comprend mieux pourquoi tout l’album est emprunt de cette atmosphère si particulière. L’ensemble des titres transpirent par tous les pores ce fameux outback, chaque note nous fait entrevoir ces paysages infinis si caractéristiques, on imagine ces routes poussiéreuses, on sent la chaleur prégnante. Musicalement, le groupe retranscrit parfaitement tout ce qu’il a ressenti dans les immensités désertiques. Cela est dû à un subtil mélange de guitares sèches et électriques appuyés par une basse surpuissante et une batterie métronomique, le tout légèrement saupoudré de quelques cuivres et claviers notamment. Et il ne faut pas oublier notre Peter Garrett, le géant vert, plus impérial et habité que jamais, omniprésent, qui module son chant, que l’on sent souvent plein de colère et de désarroi, imposant ou encore insinuant. Voila en gros la recette du « Desert Rock » façon
Midnight Oil, presque un style à lui tout seul, et certainement pionnier des « désert sessions ».
Le groupe gère parfaitement son affaire tout au long de l’album, sachant varier les ambiances souvent épiques, légèrement teintées de mélancolie mais aussi secrètes et mystérieuses, nous concoctant des titres forts et accrocheurs aux mélodies et aux refrains imparables.
Le groupe fait parler la poudre comme avec l’emblématique «
Beds Are Burning » que l’on ne présente plus, les énergiques «
Dreamworld » et « Sometimes », l’intransigeant « Warakurna » qui en impose avec ses tonalités sans équivoque ou encore « Bullroarer ». Pour ce dernier, j’ai toujours trouvé l’intro extraordinaire, j’imagine toujours comme un boomerang survolant le désert coupé net dans sa course par des guitares tranchant l’air et surgissant de nulle part. Les Oils savent aussi jouer la carte de l’apaisement, mais cela est toutefois relatif car la tension est permanente, plus ou moins sous-jacente comme sur « Woah », « Sell My Soul » avec son superbe solo de guitare sèche mais aussi sur le magnifique «
The Dead Heart », puis elle explose subitement sur «
Put Down That Weapon » et un passage bien énervé mais également sur « Gunbarell Higway » faussement décontracté. Finalement, la ballade « Arctic World » est le seul véritable moment de détente où la formation relâche vraiment la pression.
Nos cinq musiciens ont parfaitement su affiner leur recette musicale, peaufinant des compositions, certes, moins agressives que sur les premiers albums ou moins complexes que sur d’autres mais qui ont su garder cette énergie si caractéristique, cet impact peu commun et ce goût pour des arrangements originaux (notamment la présence de cuivres qui donne cette couleur singulière à leur rock). Pratiquement, tous les titres pourraient être des tubes potentiels tant ils sont d’une efficacité redoutable. Le seul petit reproche que je pourrais faire serait à l’encontre de « Arctic World » un peu monotone et qui ne m’a pas transcendé plus que cela. J’ai également regretté le jeu de batterie de Rob Hirst assez monolithique et peu varié. Il nous avait habitué à des prestations autrement plus intéressantes.
En tout état de cause, avec «
Diesel and Dust »,
Midnight Oil réussit un coup de maître et poursuit son ascension. Sans transiger sur les valeurs qui l’animent depuis ses débuts, le groupe parvient mieux que jamais à cumuler succès d’estime et succès commercial (600 000 albums vendus à l’époque en France et sans publicité), lui permettant de s’assoir définitivement à la table des grands du rock. Ce qui est un juste retour des choses pour cette formation hors norme et complètement à part. Les australiens sont enfin pleinement reconnus pour leur véritable talent après plus de 10 ans d’existence.
Superbe chronique ! Puis si je l'aurai écrite moi, cette chronique, elle aurait était bien incomplète comparé à la tienne ! Alala quel album :)
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