Ritchie Blackmore est un incompris : c’est rarement pour des raisons humaines, à l’exception notable du cas
Ian Gillan – les deux hommes se détestent -, que le guitariste décide de virer un musicien, mais plutôt parce que ce dernier ne le satisfait tout simplement plus sur un plan strictement musical. Ainsi c’est parce qu’il souhaite donner une autre couleur à son Arc-en-ciel qu’il choisit de se séparer du pourtant talentueux Ronnie
James Dio et non pas parce qu’ils ne s’entendent plus. Le nain chantant n’est d’ailleurs alors pas le seul à être victime du grand nettoyage de printemps, et David Stone et Bob Daisley sont aussi invités à prendre la porte.
Malgré un succès immense en Europe, grâce à la triplette "Ritchie Blackmore’s
Rainbow" / "
Rising" / "Long Live Rock ‘n’ Roll", à laquelle il ne faut pas oublier d’ajouter le légendaire live, "
On Stage", presque aussi mythique que le "Made In
Japan" de Purple, il manque une couleur à l’arc-en-ciel : les Etats-Unis. C’est pourquoi Ritchie veut désormais draper sa musique de teintes encore plus mélodiques. Pour ce faire, il s’entoure, hormis le fidèle Cozy Powell à la batterie, d’une nouvelle équipe qui a de quoi en surprendre plus d’un.
Déjà, afin de remplacer Dio, il décide de faire appel à un chanteur en tout point différent tant sur le plan vocal que physique, le méconnu Graham Bonnet. Encore plus surprenant, le maître rappelle son ancien compère
Roger Glover pour tenir la basse, composer et produire l’album, qu’il avait pourtant forcé à quitter
Deep Purple en 1973 dans des conditions peu claires. Et encore, la légende veut que
Ian Gillan ait été approché pour tenir le micro ! Enfin, Don Airey, remarquable claviériste, complète un line-up encore plus monstrueux que ses aînés.
Fruit de cette association inédite, "
Down to Earth" s’éloigne franchement du style puissant, épique et grandiose de ses prédécesseurs pour offrir un hard rock plus nettement calibré, plus commercial mais toujours aussi exceptionnel. Bien que réussis, des titres tels que l’imparable "
All Night Long" et "
Since You Been Gone", composé par Russ Ballard, n’auraient jamais pu figurer au menu de
Rising par exemple.
Mais, propulsé par la guitare d’une noire flamboyance du grand Ritchie, par la batterie de mammouth de Cozy Powell et par l’organe de feu de Bonnet, ce quatrième opus atteint des sommets, à commencer par le gigantesque "Eyes Of The World", longue pièce épique qui, placée en seconde position, met tout le monde d’accord. Dans la lignée de "Tarot Woman" ou de "Stargazer" notamment, le titre débute par des nappes de claviers sombres avant de démarrer avec l’arrivée du chant et des roulements de batterie. Lent et (relativement) pesant, il permet à Blackmore de délivrer un solo stratosphérique et orientalisant tout bonnement démentiel.
L’accrocheur "Danger Zone" est d’ailleurs aussi zébré d’influences arabisante dont la six-cordes se fait le véhicule. Moins notables, "No Time To Lose" et "Makin’
Love" n’en reste pas moins des chansons parfaitement ciselées par la paire Blackmore / Glover. Plus remarquables demeurent le désespéré "
Love’s No Friend" et le puissant "
Lost In Hollywood", qui achève l’écoute sur une note particulièrement efficace.
Avec "
Down to Earth", l’un des nombreux joyaux de sa discographie,
Rainbow ouvre une nouvelle page à son histoire, qui n’est sans doute pas la préférée des fans, mais celle qui voit le groupe exploser sur le plan commercial. De fait, cet opus ouvre la voie à l’ère
Joe Lynn Turner, qui va suivre peu après, Graham Bonnet décidant après la tournée de suivre Cozy Powell dans le MSG de Mickael Schenker, le temps d’un unique album, "
Assault Attack".
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