Formé il y a maintenant près de 20 ans,
Muse était promis à un grand avenir sur la scène rock anglaise et même mondiale. Consacrés à la sortie de
Showbiz (1999) alors qu'ils n’avaient qu'une vingtaine d'années, Matthew Bellamy, Dominic Howard et Christopher Wolstenholme ne se transformèrent en véritable espoir et porteur du renouveau du rock anglais que 3 ans plus tard à la sortie d'
Origin of Symmetry (en 2001) pièce maîtresse de leur discographie. Attendus au tournant, ils proposèrent en 2003
Absolution. Plus sombre et heavy, la musique de
Muse prenait véritablement forme et leur patte devint une marque de fabrique, reconnaissable entre mille au même titre que les U2,
Queen ou
Supertramp avant eux. Le chant de Matthew Bellamy, tutoyant les aigus, entre le lyrique et le classique, le piano apportant une touche de pudeur et de sensibilité (véritablement apparu dans
Origin of Symmetry) et les riffs tantôt lourds ou rapides portés par les coups de masse de Dominic (batteur de son état) en plus de la relative audibilité de la basse de Christopher.
A ce moment là, rien ne semblait pouvoir atteindre les natifs du Devon. Et pourtant...Le groupe est aujourd'hui au cœur des débats, entre les premiers fans et ceux ayant pris le train de
The Resistance. Car tel un Iron Maiden, lui aussi auteur d'un nouvel opus contrasté cette année (The Book of Souls), la direction prise par le groupe en 2006 avec la sortie du moyen
Black Holes and Revelations à suscité de vives réactions. Accusé de fait du syndrome de la sortie commerciale (un tantinet injustement),
Muse a depuis lors tenté de nouvels voies d'approches accueillies avec plus ou moins d'enthousiasme, de réussite et...de bonne foie (il faut bien le dire). Entre un
The Resistance se traduisant en un Rock Opéra à la
Queen, puissant (Guiding Light) et envoûtant avec une petite touche épique due au chœurs (
Uprising, Unnatural Selection) et un 2nd Law, un peu moins bon, se distinguant par ses (fortes) touches dubstep utiles (
The 2nd Law: Unsustainable) ou moins (Follow Me), tous deux peu appréciés voir méprisés par les fans de la première heure. Que ce soit pour leur pompage en règle sur les
Queen et autres U2 (ce qui n'est pas totalement faux, soyons honnêtes) ou encore le manque de punch (Undisclosed Desires pour
The Resistance et
Panic Station, Explorers ou (surtout)
Madness pour
The 2nd Law).
Oui
Muse, était attendus au tournant en cette année 2015, du moins pour ceux n'ayant pas sauté du train en cours de route. Beaucoup de questions étaient à même d'être posées: cette année va-t-elle être celle d'un retour aux sources réussis ? Quel chemin inédit
Muse va-t-il encore nous donner le droit d'explorer ?
The 2nd Law n'était-il qu'un petit coup de fatigue ou l'amorce d'une longue et douloureuse descente aux enfers ? Chaque sortie médiatique du groupe pouvant annoncer la couleur de ce septième album (déjà) était donc scrutée avec beaucoup d'intérêt. La divulgation de la pochette et de la tracklist mi-mars nous avaient au moins appris une chose:
Muse fait encore du
Muse, du moins dans le texte. L'artwork de l'album explicite (bonjour,
The 2nd Law) montre en effet du doigts la guerre, la manipulation, le contrôle, la perte de liberté et de vie privée. Les titres de ce nouvel album sont donc totalement en raccord avec la pochette (Psycho, Reapers, Revolt, The Globalist). De plus, cet album se présente dans sa globalité comme une histoire, un conte post-apocalyptique dévoilant les "aventures" d'un personnage du début de la fin jusqu'à la fin de la fin ou plutôt la destruction de notre monde (par l'homme bien entendu).
Toutefois, dans le même temps,
Muse dévoile une première piste de
Drones: Psycho. Passée une courte intro faisant état d'une sympathique relation entre un jeune soldat et son sergent, le riff principal enchaîne et...oui ! C'est rock, c'est lourd, c'est puissant. Non décidément ce riff n'a rien à voir avec ce que le groupe avait pu nous proposer lors des deux précédents opus. Le chant de Matthew est lui aussi différent, finis les montées à outrances dans les aigus (Supremacy), celui-ci se fait plus posé dans les couplets et rageur quand vient le refrain. Un titre violent et fort en témoigne le vocabulaire employé "Fucking Psycho", "Your ass belongs to me now" mais aussi les cris du soldat. On observe néanmoins une certaine redondance du fait de l'utilisation du riff durant près de 4min30 (avec quelques variations, quand même) jusqu'au solo de guitare, rapide et heavy. Non décidément
Muse semble revenir avec de meilleurs intentions: celles d'hurler à la face du monde ce qu'ils dénoncent depuis 20 ans, de l'hurler avec plus de force comme si leur message n'était pas assez entendus, et peut-être d'hurler qu'ils ne sont pas encore morts, la batterie rageuse de Dominic Howard nous l'imprimant à coup de caisse clair dans les neurones. On peut également noter, dans ce titre, la disparition des claviers (synthés ou pianos) laissant ainsi une place de choix à la basse et à la guitare pour s'exprimer.
Muse a-t-il donc décider de renier ces 10 dernières années au profit d'un retour à un rock pur comme on pouvait le trouver dans
Absolution ?
Le deuxième titre mis en ligne par
Muse, Dead Inside, également titre d'ouverture de
Drones, se veut plus proche de ce qui a été réalisé dans
The 2nd Law à savoir l'utilisation de synthés et d'une ambiance assez cybernétique. On notera la présence d'une batterie là encore plus puissante et mise en avant que sur (deux) les précédents opus, le rythme proposé ressemblant en effet beaucoup à celui d'Undisclosed Desires à ceci près que sur cette dernière le son était beaucoup plus chirurgical enlevant ainsi une certaine profondeur et lourdeur à la musique. Malgré cela, Dead Inside reste relativement calme et sans relief dans la lignée d'Animals (
The 2nd Law). Et pourtant, la fin de la piste recèle une montée imposante et épique.
Ce septième opus des anglais va ainsi principalement se scinder en deux styles: un Heavy Rock (Psycho,Reapers, The Handler) et un Pop Rock (Dead Inside, Mercy, Defector). Les premiers se construisant en des compos plus sombres et violentes, à l'aspect prog. On y observe en effet de nombreux changements de rythmes (Reapers) et cassures (The Handler). Elles possèdent également un côté épique non négligeable du fait de la présence de chœurs et de solos bien inspirés (et plutôt longs), Matthew Bellamy nous démontrant tout son potentiel à la gratte (Reapers, Defector, The Globalist). Parlons de guitare justement. Celles-ci sont indéniablement un des gros points forts de l'album occupant pratiquement tout l'espace durant la majeur partie de celui-ci se retrouvant au moindre espace libre ([JFK]). Lourdes et graves, elles pourraient sans problèmes s'inviter dans un album de metal (Reapers, The Handler). Enfin, la batterie y est également plus rapide et déchaînée, à la différence de
The Resistance où elle a pu parfois devenir soporifique (Guiding Light).
Mercy constitue au côté de Dead Inside et Revolt la partie Pop-rock de l'album. Le rythme occasionné y est en effet ici plus simpliste, les guitares se retrouvant plus en retrait, voire inexistantes pendant une (bonne) partie de la chanson (Dead Inside, Mercy). Mercy et en particulier Revolt, font office de point faible de l'album, possédant en effet des aires de déjà vus voir de pompage en règle (Revolt et son
Queen apparent). Faîtes pour la radio, et empreintes d'une certaine "commercialité", elles se veulent surtout beaucoup plus accessibles et proche d'un
Black Holes and Revelations (utilisation du piano, de chœurs, riffs de guitares peu recherchés). Histoire de ne pas rebuter les partisans de
The Resistance pas toujours habitué à un rock aussi dur, sûrement. Defector, fait quant à elle office de passerelle entre ces deux "mondes". On y retrouve un mixte de tout les ingrédients cités plus haut, entre fortes présences de guitares distillant des riffs puissant mais aussi plus légers et jovials (lors du refrain), avec un clin d’œil à
Queen et un solo bien pensé, elle contentera tous les admirateurs de
Muse.
Mais vient maintenant la fin de l'album. Souvent une surprise, cette fin d'album entre la Symphony en trois parties de
The Resistance (Exogenesis) et
The 2nd Law (de l'album éponyme) divisée en une première partie déferlante de guitare-dubstep puissante et épique et une seconde bien plus subtile et émouvante au piano (et accessoirement thème principal de World War Z, avec
Brad Pitt s'il vous plaît). Et donc cette fin de
Drones ? Inédite. Entre Aftermath, faisant office de balade de l'album avec son intro composée de violons et d'une mélodie à la guitare douce à souhait, de son chant doux et rauque avant de s'envoler en une fin épique à la manière d'un
Madness ou d'un Dead Inside en bien plus poétique, mais aussi The Globalist (pièce maîtresse de dix minutes) et sa (très) longue intro aux aires de Western avec un joli sifflement sur fond de mélodie mélancolique aux violons et aux émouvants slides de guitares supportés par une ambiance relativement inquiétante (soufflement de vent et bruit d'orage). Là encore le chant de Matthew Bellamy se veut plus doux comme s'il souhaitait nous rassurer (si l'on se réfère à l'histoire, il s'agit en effet du moment où le héros se retrouve seul dans un monde désolé et détruit). Puis la douce mélodie s'évapore et fait place à un riff heavy, là encore très proche du metal, surplombé de chœurs tribaux. Et soudaine, une nouvelle cassure, abrupte, s'opère, avec l'arrivée d'un piano dans le même style qu'I Belong To You (
The Resistance) si ce n'est un dynamisme plus important. Cette composition prog, épique et grandiloquente (en témoigne la forte présence des chœurs), se rapprochant d'ambiance que l'on pouvait retrouvé dans Origin of Symetry, aurait pu clore de manière merveilleuse cette nouvelle offrande de
Muse qu'est
Drones.
Mais...
...Nos anglais avaient une autre idée en tête nous proposant en toute dernière piste une superbe A Capella. Sous forme de prière en canon, elle nous plonge en une réflexion sur les thèmes abordés durant cet opus à savoir les
Drones (quelle surprise), symboles de la guerre et du système qui nous contrôle ([JFK] sous forme d'extrait d'un discours de Kennedy).
Drones, clôt ainsi de manière subtile un album reflétant de nouvelles intentions à
Muse: à savoir un retour à un rock plus pur et dur tel qu'on pouvait le trouver à ses débuts nous démontrant ainsi tout le savoir faire d'un groupe s'illustrant avec brio dans un style puissant à la limite du heavy et de la pop. Malgré quelques petits défauts, comme une certaine redondance (Dead Inside, The Handler ou Psycho) et un ou deux titres dispensables ou du moins pas très utiles (Revolt, Mercy), les Anglais font preuves d'une grande maturité en délivrant un album très bien maîtrisé qui fera à coup sûr taire les nombreux détracteurs du groupes. Comme quoi, il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.
Amen.
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