« Til Victory », malgré ses variations, ses reliefs, ses ralentissements, ses accélérations, définit un contexte rock plus classique, plus attendu, plus habituel que le point où le précédent «
Radio Ethiopia » nous avais laissés, même si l’intention protopunk est toujours présente. Tout aussi rock mais plus lent, « Space Monkey » se prête à des remarques similaires. Plus intéressant, en revanche : les dix dernières secondes, par leurs cris et leur bruit, vont jusqu’à préfigurer le hardcore. Ceci dit, on comprend bien que l’extrême ne sera pas l’atout majeur de cet opus. L’atemporel «
Because the Night » (merci
Bruce Springsteen), plus romantique, excelle par sa manière tantôt douce, tantôt hard, de rendre hommage à la mélodie. Mais cela pose un problème. Car l’orientation assagie, peut-être trop assagie, désigne de facto «
Because the Night » comme un temps fort typique du projet résultant, ici, de ce choix à la fois artistique et stratégique. Or, si «
Because the Night » doit apparaître comme un temps fort, et ce déjà en troisième position, autant dire qu’il faut s’attendre à de l’ennui par la suite, à une série de titres qui vont se traîner péniblement jusqu’à la fin de l’album. «
Ghost Dance » finit par interpeller : on n’est pas forcément convaincu, au commencement, par cette ambiance de joint qui tourne parmi les percussions et les flûtes, autour d’un feu de camp, mais la sauce prend car on entre dans une ronde entre vie et mort qui rappelle l’étrangeté des rêves.
Pour en revenir à la préoccupation précédente, heureusement que le heavy metal du très hendrixien « Rock N Roll Nigger » nous donne tort. Mais cela va-t-il durer ? La mélancolie de «
Privilege (Set Me
Free) », qui s’électrise par intermittence, à grand renfort de hurlements et de gros sons de basse, fait partie des influences du rock gothique à venir et mérite, de ce fait, d’être salué ainsi que, dans un autre registre, la beauté soul de « We
Three » et de son piano aussi rythmé que chargé d’émotion.
Patti Smith y démontre encore son habileté à se fondre dans les différentes traditions musicales qu’elle rencontre, tout en restant reconnaissable par sa maîtrise de l’importance accordée aux intonations, son aptitude à briller dans l’excès. « 25th Floor » et « High on Rebellion », hard et soul à la fois, repoussent l’ennui aussi loin que possible, au point où si l’on pouvait toucher ces morceaux, on se brûlerait la main. Paroles et guitares y relèvent de la furie à l’état pur, on en redemande. «
Easter » semble d’abord se ramasser à la suite d’un réveil difficile mais, à mesure que les cloches se mettent à résonner, on a envie de planer, de survoler la foule en liesse parmi les nuages, non loin de
Pink Floyd en fait, ce qui surprend finalement dans le bon sens. Mais cela ne surprend qu’à moitié :
Patti Smith occupe une position centrale au sein du rock de la fin des années 1970, si bien que, chez elle, les contraires s’attirent. Quant à « Godspeed », il s’imprègne de gospel à la façon de
Patti Smith, quelque part entre l’admiration et l’irrévérence créatrice, ce qui correspond à l’essence de la musique soul. Moins iconoclaste que les deux albums précédents, «
Easter » réussit quand même le pari de marcher dans les clous sans perdre son allure.
D. H. T.
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