Un album acoustique.
De
Lynyrd Skynyrd.
On est donc en droit de se demander si le groupe :
- est en panne d’inspiration
- veut faire fructifier une base déjà conséquente de titres sans se fouler les neurones
- veut continuer à occuper un espace médiatique où le Grunge a pris une part tellement importante qu’il a tué tout le reste
- n’ayant plus grand chose à prouver, a eu envie de se faire plaisir en proposant quelque chose de différent
- n’avait plus accès à l’électricité.
Pour ce qui est des habituels changements de Line Up, Kurt Custer qui avait officié au poste de batteur sur l’album
1991 en compagnie de Pyle et seul sur
The Last Rebel, laisse la place à Owen Hale. Celui ci écume les studios et enchaine depuis la fin des années 70, des enregistrements avec des groupes ou artistes majoritairement issus de la scène Country dont un certain David Allan Coe. Mais aussi Roch Voisine...
Mike Estes remplace quant à lui Randall Hall. Musicien peu connu à l’époque,
Endangered Species sera son seul véritable opus avec
Lynyrd Skynyrd. Estes quittera le groupe en 1996 et formera Skinny Molly en 2004 en compagnie de Dave Hlubek (
Molly Hatchet). Il participera aussi à l’enregistrement de l’album Live from Planet Earth d’Artimus Pyle et finira récemment par rejoindre
Blackfoot. Comme quoi, le monde du Southern Rock est petit...
La fameuse Muscle Shoals Rhythm Section dont on a déjà évoqué la présence au sein de l’histoire du groupe, est une fois de plus présente. Cette fois ci, c’est par le biais de Barry Beckett, claviériste de renom mais aussi producteur de son état. Il est à l’origine de la création des Muscle Shoals Sound Studio en 1969. Il les quittera en 1985 pour partir à Nashville. Il est aussi connu pour avoir pris la route avec le groupe
Traffic, dont on peut retrouver quelques traces sur l’album On the Road sorti en 1973. Ce sera donc le producteur de cet opus. Il décédera le 10 juin 2010 à Hendersonville dans le Tennessee.
Pour cet album acoustique donc,
Lynyrd Skynyrd renoue avec le fameux One Two
Three introductif sur Down South Jukin’. Et d’entrée de jeu, on est plongé dans le vif du sujet. Exit la superposition de couches de mélodies de guitares, les effets superflus, la superproduction et les palettes de dollars investis. Le groupe a retrouvé sur cet opus l’essence même du Blues, de la Country et de toutes ses influences avouées. Il faut aussi noter que la grande majorité des titres provient des heures de gloire (avant 1977 donc) du groupe de Jacksonville.
Dans l’ensemble, la relecture d’une bonne partie des titres à succès de
Lynyrd Skynyrd s’avére intéressante. Il ne s’agit pas là simplement de les rejouer à l’identique mais de les adapter afin d’en capter la substantifique moelle et de démontrer qu’il n’y a pas besoin d’en coller partout, d’user de murs d’amplis ou d’inviter des guests à tire larigo pour pondre de bons morceaux. Bref, juste de la musique jouée par des musiciens appliqués et heureux de pouvoir enfin se lâcher et proposer quelque chose d’autre.
On peut surtout louer le groupe pour avoir choisi des titres variés de leur discographie et de ne pas être tombé dans la facilité. Effectivement, on aurait pu (dû?) se retrouver avec tous les morceaux typés ballades qui se prêtent généralement bien à cet exercice. Exit donc Freebird, Simple
Man, The Ballad of Curtis Loew, on en passe et des meilleures...
Lynyrd Skynyrd a aussi réussi à éviter l’écueil de proposer des titres à rallonge comme il en a habitude. La durée des morceaux flirte plus souvent avec le format radio qu’avec le Prog...
Le clavier est ici remplacé par un piano qui donne dans le...
Piano Bar enfumé du plus bel effet (
Sweet Home Alabama, Poison Whiskey, Heartbreak Hotel). Bill Powell apporte vraiment une ambiance et contribue ainsi à donner l’illusion aux auditeurs qu’ils sont dans le fin fond d’un bouge crasseux, entourés de Rednecks aux cerveaux embrumés par l’alcool et de filles en tenues légères, sourire aux lèvres en train d’appâter le chaland.
Il y a très peu de choses à dire sur les guitares. C’est sobre, propre et ce n’est pour une fois pas l’instrument prépondérant. Pas de duels expansifs, pas d’échanges interminables, pas d’esbroufe alors que le groupe est quand même largement outillé pour...
La slide n’est pas oubliée et prend sur cet opus acoustique une autre couleur et démontre qu’elle est bien ici dans son élément (Devil in the Bottle, Good Luck, Bad Luck).
Le travail de Wilkeson est lui aussi une merveille. Sobre, concis, métronomique, il pose quasiment à lui seul la base rythmique des titres puisque la batterie est plus ou moins absente ou très peu influente sur cet album. Le son de la basse est exceptionnellement clair.
Les choeurs féminins habituels sont peu présents et surtout pas sur tous les morceaux. Par contre, s’ils sont discrets, ils restent indispensables comme sur
Sweet Home Alabama, Down South Jukin’, ou Good Luck, Bad Luck.
C’est la voix qui se taille la plus grosse part du gâteau. Elle passe par toutes les émotions possible, de la plus calme à la plus énervée. VanZant démontre une fois de plus toute l’étendue de son talent et se démarque encore une fois de l’image du frère qui reste dans l’ombre de son ainé.
Lynyrd Skynyrd a profité de cette relecture pour ajouter quelques petites intros bien trouvées, dont on se demande même parfois pourquoi le groupe ne les avait pas utilisées à l’époque (
Sweet Home Alabama,
The Last Rebel).
La reprise du Heartbreak Hotel d’
Elvis Presley, lente à souhait, où la basse domine le reste des instruments avec quand même quelques touches de piano, de petites mélodies et des soli admirablement construits, est un must à elle seule.
Mais Le bijou de cet opus reste la version exceptionnelle d’un des titres récents de la formation,
The Last Rebel. Ce morceau, qui avait déjà plus ou moins sauvé du naufrage l’album du même nom, est ici magnifié et transcendé par la voix de VanZant. Cette voix pleine d’émotion porte quasiment à elle seule ce titre vers le firmament des compositions de
Lynyrd Skynyrd. La formation post 1977 n’a enfin plus à rougir de sa glorieuse ainée, elle tient là son Freebird à elle.
Lynyrd Skynyrd ne s’est pas contenté d’un dépoussiérage de vieilleries mais propose aussi quelques nouveautés comme Devil in the Bottle, Good Luck, Bad Luck et Hillbilly Blues avec une mention spéciale pour le premier cité. Ces titres composés en compagnie de Mike Estes, ne dénotent pas du reste. Ils sont d’autant plus bien intégrés à cet album qu’ils ont dus être composés sur des instruments acoustiques. L’enchainement de soli sur Hillbilly Blues n’aurait pas fait tache dans un titre électrique d’ailleurs tellement il se rapproche des structures habituelles utilisées par le groupe.
Les musiciens ont aussi eu la bonne idée de ne pas mettre ces morceaux à part, en fin d’album ou comme bonus, comme cela se fait généralement mais de les mélanger aux autres, ce qui leur confère un statut de véritables compositions intégrées au répertoire d’un groupe.
Endangered Species, avec le recul des années, fait partie intégrante de l’histoire de
Lynyrd Skynyrd. Ce qui n’aurait pu être considéré que comme une récréation est devenu un album à part entière. Une partie des titres n’offre rien de plus qu’une version différente et retravaillée de l’originale alors qu’une poignée d’autres sont tout bonnement devenus des musts.
Il va maintenant falloir patienter 4 ans avant d’avoir quelque chose de neuf à se mettre dans les oreilles...
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