A la fois contestataire et désabusé (
Nirvana), introspectif et nostalgique (
Pearl Jam) ou encore sarcastique et amer (
Soundgarden), voilà ce qu'était le grunge; le reflet d'une société américaine qui était en perte d'identité et de repères.
Mais en 1990,
Alice in Chains nous montrait une nouvelle facette du grunge: mélancolique, sombre, nihiliste et maladif. "
Facelift" est un album bien structuré, mais qui laisse aux fans du genre comme aux néophytes un profond goût d'amertume. Par son atmosphère ambigüe oscillant entre chaud et froid, sa rage désespérée, sa souffrance retenue mais étouffante et son humeur glauque et morbide, "
Facelift" dérange, enfonce l'épine dans la plaie, torture vos tympans avec des riffs puisés dans le heavy metal lourds, distordus à souhaits et gras.
Alice in Chains connaîtra un franc succès avec cet album suffisement explicite pour faire du groupe la face sombre et dépressive du grunge.
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We Die Young" est la première piste, chanson rageuse introduisant l'auditeur dans l'univers du groupe. Le thème évident de la mort à laquelle nous ne pouvons échapper est scandée par la voix granuleuse de Layne Staley ("And
We Die Young, faster we run") appuyée par la guitare inscisive de Jerry Cantrell aux ralents punk-metal; une bonne entrée en matière connaissant le groupe !
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Man in the Box" est LE single qui a dévoilé le groupe. Un beat régulier et entêtant, un son "
Grind" qui accroche à vos oreilles comme du papier-verre, Staley qui pose sa voix nasillarde emplit de "treble" et vous obtenez le son
Alice in Chains le plus distinctif.
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Sea of Sorrow" où comment faire une sublime complainte grunge. L'intro à la guitare et au piano révèle l'émotion retenue de la chanson, évoquant une douloureuse séparation (voir le clip), émotion qui part comme un coup de feu au travers de la voix de Staley. La batterie ralentit le tempo puis soudain lance la cavalerie, donnant son charme à ce singulier morceau.
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Bleed the freak" et ses bends tirant vers l'aigüe en crescendo accompagnés par une basse posée, on croirait presque entendre une variante d'une intro de la chanson "One" de Metallica. Le duo Staley/Cantrell fonctionne parfaitement dans l'harmonie vocale, mais cette chanson est plutôt pépère par rapport au reste. Un bref répit avant de replonger dans la noirceur...
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Love Hate
Love"; un si beau slow !(juré, écoutez le rythme et regardez le titre, c'est éloquent). Une mélodie qui vous hante, où guitare et basse s'alternent dans un tourbillon vénéneux, la voix de Staley (j'en parle souvent, mais quelle voix sublime...) si épurée et pourtant désespérée par ce cercle vicieux de l'amour-haine-amour, une prestation déchirante. A noter que c'est le morceau le plus long de l'album avec 6.26 min.
"It Ain't Like That", c'est un morceau qui déjà fait plutôt songer à du black ou bien du nu metal (guitares et basses accordées très bas donnant un son plombé et grésillant) jouant sur le clair-obscur, où Staley chante haut, fort et semble plus affirmé que dans les morceaux précédents. Néanmoins, un morceau pesant qui garde de la vigueur sans toutefois bouillonner d'originalité.
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Sunshine" est une chanson plus posée, où les guitares sont dépouillées d'effets (sauf dans le solo) et dans laquelle la batterie est plutôt anesthésiante. Le chant est là encore clair mais plus lancinant et plaintif. sympa mais sans plus.
"Put You Down"; on s'amuse à penser que le riff pourrait être une idée de
Guns N' Roses. Pas transcendant, cependant un morceau qui donne envie de se trémousser un tant soit peu avec les "Boogie down down" du chanteur.
Enfin, "Confusion" est un titre au tempo lent, constricteur et étouffant, qui se rapproche un peu du single "Blow Up the Outside World" de
Soundgarden. Staley ne force pas trop la voix, Cantrell accompagne au chant et à la guitare, Starr fait un minimum social à la basse et basta...
Pour "I know Somethin ('Bout You)" et "Real thing" je ne m'étendrai pas trop vu que ce sont des ovnis moins bons que le reste mais assez inattendus, le premier débute avec un groove funky et un beau "heeuuurk" de Staley, le second sonne comme "It Ain't Like That", lourd et gras, mais avec un riff à la
Shania Twain (pour les connaisseurs^^).
Que dire de "
Facelift" ? Il y a du contraste, entre le très réussi et l'expérimental superflu. Un peu fourre-tout, l'album pose néanmoins les bases de l'identité musicale de
Alice in Chains et annonce l'apogée du groupe avec le futur succès "
Dirt" (1992). En tout cas, la première partie est un pur carnaval de douleur et de plaisir maso (parce qu'on en redemande tellement c'est beau !), la deuxième est plus superficielle et moins marquante. Mais si vous aimez le grunge, "
Facelift" est un album que vous devez posséder, rangé entre "Bleach" de
Nirvana, "Ten" de
Pearl Jam et "Ultramega OK" de
Soundgarden.
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