Dans la vie certaines choses sont immuables. Et de toutes celles-ci, la mort en est le point d’orgue.
Lynyrd Skynyrd est étroitement liée avec elle, au point où l’on peut se demander si le diable n’a pas passé un pacte avec un musicien viré dans les premières années du groupe ou avec une formation concurrente, jalouse du succès grandissant de la formation de Jacksonville au milieu des années 70...
Hugh Edward Thomasson, Jr. est né le 13 Aout 1952. Avant de rejoindre le navire Skynyrd, il était bien sûr connu pour être l’un des membres fondateurs de
Outlaws. C’est d’ailleurs lui qui composa le morceau Green Grass and High Tides que l’on pourrait désigner comme le Freebird des
Outlaws (ce titre étant également placé en dernière plage du premier album du groupe).
Thomasson décida de quitter Lynyrd en 2005 pour reformer
Outlaws. Il continua néanmoins à collaborer avec ses anciens comparses en participant à l’écriture de certains morceaux présents sur God and Guns dont le titre d’ouverture,
Still Unbroken dédié à Leon Wilkeson, le bassiste décédé en 2001. Il s’éteindra d’une crise cardiaque dans son sommeil le 9 Septembre 2007 à 55 ans.
William Norris "Billy" Powell est né le 3 Juin 1952 a Corpus Christi au
Texas. Son père étant militaire, il le suivit au gré de ses mutations jusqu’en Italie. A la mort de celui-ci d’un cancer en 1960, Powell retourna avec sa famille aux Etats Unis où il s’installa, plus précisément à Jacksonville. Il y fera la rencontre de Wilkeson à l’école et c’est aussi dans cette ville que grandira son intérêt pour le piano. Après avoir continué ses études à Sandford, il revient à Jacksonville en 1970, enseignant brièvement la théorie musicale tout en décrochant un job comme roadie pour
Lynyrd Skynyrd. Après deux ans à se coltiner des amplis et des fûts de batterie, Powell s’installa derrière un piano qui traînait après avoir remballé le matériel lors du concert donné à la fin de l’année scolaire à la Bolles school. Ronnie
Van Zant fut absolument ébahi par ce qu’il entendit et qui deviendra la base du morceau Freebird. Le groupe cherchant un claviériste, Powell fut embauché illico, Ronnie lui reprochant quand même de ne pas avoir exposé ses talents plus tôt. Tout se passa alors merveilleusement bien jusqu’en 1977...
Après l’accident d’avion et malgré les blessures qu’il avait subit (multiples lacérations au visage et un nez aux abonnés absents), il fut le premier à ressortir de l'hôpital et le seul à pouvoir se rendre aux obsèques des musiciens décédés dans le crash.
Entre 1977 et 1987, Powell deviendra un «new born christian» et rejoindra à ce titre le groupe Vision en 1984. Il enregistrera 3 albums, tournera énormément et fera des speech pendant les concerts sur ses nouvelles croyances...
Le retour aux affaires de
Lynyrd Skynyrd en 1987 pour le Tribute tour verra le claviériste rejoindre sa formation d’origine, jusqu’à son décès, le 28 Janvier 2009. Se sentant oppressé, il appela les secours qui le trouvèrent inconscient, le combiné téléphonique encore à la main. Il fut déclaré mort peu de temps après d’une crise cardiaque, sans qu’aucune autopsie ne soit pratiquée. Pendant la cérémonie des obsèques, les seuls titres joués furent ceux issus de sa période avec Vision plus un morceaux hommage chanté par
Kid Rock avec lequel il avait enregistré un titre en 2007.
Le titre Gifted Hands lui est dédié.
Donald "Ean" Wayne Evans est né le 16 Septembre 1960. Il a rejoint LS en 2001 après le décès de Wilkeson et il y restera jusqu’au 6 Mai 2009, date de sa propre mort. Après avoir joué dans divers groupes, il rejoindra les
Outlaws de Thomasson puis
Lynyrd Skynyrd. En 2008, il fut diagnostiqué d’un cancer dont il succomba, l’année suivante. Pour plus de détails sur sa vie musicale, voir la chronique de
Vicious Cycle.
Retour maintenant sur les habituels changements de line up. Thomasson ayant quitté le groupe de son plein gré (chose rare), il est remplacé par Mark "Sparky" Matejka, surtout connu pour avoir joué dans des groupes de Country mais aussi avec le
Charlie Daniels Band. Malgré tout, ce n’est pas un inconnu des fans de Lynyrd puisqu’il participa à l’album
Christmas Time Again en 2000.
Billy Powell voit son tabouret occupé par Peter «Keys» Pisarczyk. Malgré le fait que celui-ci ait joué ou enregistré avec Jay Lane (
Primus), Marty Friedman (Megadeth) ou Marty Balin (
Jefferson Airplane/Starship), il est plus connu pour avoir fait la plus grande partie de sa carrière dans le milieu Funk.
Pour Ean Evans, c’est Robert Kearns qui va prendre la place laissée vacante. Il a fait partie de Cry Of love et The Bottle Rockets avec lesquels il fera quelques enregistrements.
Parmi les compositeurs extérieurs, le groupe fait appel à du sang neuf. Jeffrey Steele, bassiste et chanteur Coutry sera crédité sur Simple Life et Unwrite that Song. Les frères Warren (Country) seront crédités sur That Ain't My
America, Blair Daly (Country) sur Comin' Back For More et Tony Mullins (country) pour Unwrite that Song. Le titre éponyme fait figure d’exception puisque composé entièrement par des intervenants extérieurs au groupe, Mark Stephen Jones,
Travis Meadows et Bud Tower, eux aussi issus du milieu Country.
Mais quelques grands noms, plus proches du milieu Metal sont aussi appelés en renfort. Bob Marlette, connu pour son travail de producteur et de claviériste auprés de Neil Schon, Black Sabbath ou encore
Alice Cooper prendra part à la composition de Southern Ways, Skynyrd Nation, Storm et Gifted Hands. Le grand gagnant restant
John 5 qui participera aux morceaux Little Thing Called You, Skynyrd Nation, Floyd, Storm et Gifted Hands.
A noter aussi, un featuring de Rob Zombie au chant sur Floyd.
L’enregistrement de God and Guns va s’étaler sur un an et demi dans 3 studios différents basés en Floride et au Tennessee. Marlette sera aussi crédité en tant que producteur de l’album qui sortira sur Roadrunner dans une période où le label bouffe un peu à tous les râteliers...
L’artwork est d’une grande sobriété, dans les tons noirs et gris avec simplement le nom du groupe, le titre de l’album et le and remplacé par une croix rouge.
Musicalement, l’album s’ouvre avec l’hommage à Leon Wilkeson. D’entrée, le son de basse est énorme et c’est en ça que réside le véritable hommage au musicien disparu.
Still Unbroken synthétise ce qu’est devenu
Lynyrd Skynyrd avec le temps. Le son est chirurgical, très travaillé, les parties acoustiques et saturées s’enchaînent à merveille, la voix se module suivant les émotions à faire passer. On est beaucoup plus proche avec ce titre d’un Hard Rock poilu, limite Heavy, que de la musique Country comme aurait pu le laisser penser la tripotée de compositeurs issus de cette mouvance embauchés pour God and Guns.
Le son global de God and Guns est résolument moderne. Un peu trop peut être malheureusement.
Lynyrd Skynyrd a ainsi perdu une partie de son âme. Le son ne démarque plus le groupe de ses congénères et on peine parfois à se dire que ce groupe a pondu des titres d’anthologie. Little Thing Called You fait partie des morceaux dispensables et ce n’est pas cette espèce d’union de la modernité et du passé qui ravira les fans ultimes.
John 5 a prouvé au fils des ans qu’il est un excellent guitariste mais l’association avec
Lynyrd Skynyrd, n’est pas vraiment un succès...
Les parties de guitares sont toujours l’un des points forts de la musique du groupe. Chaque changement de guitariste dans la triplette gagnante du haut du panier du Rock Sudiste fait toujours un peu peur. Surtout quand un quasi inconnu rejoint le clan. Mais Matejka s’est fondu dans cette fraternité légendaire avec une maestria exceptionnelle. C’est d’ailleurs comme si il était présent depuis des années et des années. Les trois guitares sont utilisées toujours au mieux. Les couches se superposent sans donner dans le brouhaha, les petits gimmicks, les courts morceaux de slide, les soli joués à deux sont toujours de la partie.
Quelques sonorités et rythmes plus modernes sont utilisées comme sur l’intro de Simple Life. Ce même titre d’ailleurs ne comporte pas de véritable solo ce qui ne doit pas être loin d’être une première pour le groupe. On regrettera aussi l’absence d’envolées guitaristiques dignes de ce nom pour un tel groupe dans Unwrite that Song qui laisse un gout d’inachevé dans les oreilles. L’habituel banjo vient se rappeler à notre bon souvenir sur Floyd dans des tons très sombres et lancinants. Malheureusement, le son trop moderne donné à la fin du titre gâche le plaisir d’entendre enfin quelque chose qui tient vraiment la route.
La touche Country tant attendue se manifeste avec le semi acoustique Southern Ways et sa slide bien reconnaissable. C’est aussi avec ce morceau que le piano fera sa véritable entrée en scène. Et pour une très courte intervention qui n’apporte pas vraiment grand chose au titre tout comme sur Comin' Back for More. Les quelques secondes de son futuriste à la fin de Skynyrd Nation sont du même acabit. Il retrouve un peu d’allant avec Unwrite that Song, typée LS old school et elle aussi dans une veine Country. On regrettera qu’il ne soit pas plus présent sur That Ain't My
America, auquel il aurait pu donner un faux air de retour aux sources et donc plus dans le registre que l’on attend de
Lynyrd Skynyrd.
Le must de l’opus étant God and Guns avec son entame Country, ses envolées à deux guitares, ses chorus, ses soli, sa slide et sa montée en puissance terminée par une outro acoustique. On retrouve enfin le Lynyrd qu’on connait et dont on n'espérait plus voir le vrai visage sur cet album. Comme quoi Dieu et les les flingues inspirent encore et toujours les Américains... On aurait d’ailleurs aimé un chouïa plus de soli mais c’est vraiment pour chipoter.
Les choeurs des Honkettes savent se faire discrets (Simple Life, Unwrite that Song), accompagnateurs (Southern Ways, Storm) ou sont carrément présent comme un instrument à part entière (That Ain't My
America). A noter que le coté Soul a disparu...
Skynyrd Nation a le droit à des choeurs un peu plus virils que d’habitude, le chant étant d’ailleurs partagé.
Van Zant est comme toujours très à l’aise dans les morceaux acoustiques ou mid tempo (Unwrite that Song, That Ain't My
America). Il fait aussi merveille sur Floyd dans un registre plus grave qui colle bien à la tonalité du titre avec quelques trucs piqués à Billy Gibbons. Le coup de main de Rob Zombie n’est pas négligeable non plus, l’association des deux chanteurs est ici fort bien utilisée.
L’album se termine comme il a commencé, c’est à dire par un hommage à l’un des musiciens disparus. Gift Hands raconte l’histoire de Bill Powell et on se serait attendu à une avalanche de clavier comme il en a composé pour Simple
Man ou Freebird. Et bien non. Ou presque. On ne sait où classer ce titre qui lorgne vers la ballade mièvre à souhait mais qui est sauvée par la tripotée de soli qui termine le titre comme au bon vieux temps. Un tel final sur God and Guns ou That Ain't My
America et on avait un pur joyau.
Quelques mots sur les bonus qui sont présents sur le deuxième cd de l’édition digipack. Bang Bang est tout à fait dans la lignée du reste de l’album, ni mauvais, ni bon. Les parties de guitares sont intéressantes et il est dommage de ne pas avoir donné plus de place au claviers qui semblait partir dans une belle envolée genre bar avec danseuses dévêtues. Raining in my Heartland est un peu plus consistant avec sa base Country mais n’arrive pas à décoller véritablement car sur un rythme trop linéaire. A noter enfin une partie de piano digne de ce nom. Hobo Kinda
Man comme Raining in my Heartland lorgne vers les bayous et est une bonne surprise avec sa rythmique répétitive et ses soli qui courent tout le long du titre. On se retrouve donc avec trois titres studios en bonus qui tiennent plus la route qu’une bonne partie de l’album...
Mais les véritables tueries sont les bonus live dont un
Red, White and Blue d’anthologie.
Cet opus, contrairement à ces prédécesseurs, ne contient pas véritablement d’hymne ou de morceau qui sort du lot. On peut à la limite citer Skynyrd Nation, Floyd, ou That Ain’t My
America comme de bons titres mais sans plus. God and Guns est peut être la seule véritable pépite de cet album comme vu plus haut. Le seul titre auquel aucun des musiciens du groupe n’a participé à l’écriture...
L’apport de
John 5 et de Bob Marlette qui, si il est du gout du groupe au vu des interviews données à l’époque, n’a pas eu l’effet escompté. God and Guns s’est éloigné des chemins boueux, des marécages humides, du soleil du désert et des bars mal famés.
Lynyrd Skynyrd ne fait plus partie des rebelles, il est rentré dans le rang...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire