Le premier album de
Morphine donne un exemple de la force de l’humilité. On a eu plus d’une occasion de le dire, leur approche du rock remplaçant les sonorités électriques par des sonorités cuivrées représente une audace remarquable.
Certes, une telle approche risquait de se heurter à plus d’un écueil, dont une trop grande ressemblance, du coup, avec le jazz vocal. Heureusement, le respect du rythme rock, entre autres points d’appui de leur talent, les a toujours préservés de ce risque, si bien que l’autre risque pris, au niveau instrumental, s’est avéré payant dans tous les cas de figure.
Les influences jazz ne sont pas totalement écartées non plus, elles s’intègrent harmonieusement ou avec une folie maîtrisée à la passion du groupe pour le rock.
Défaut potentiel de leur qualité, leur parti pris de simplicité aurait pu les entraîner sur la pente de morceaux trop ressemblants. Là non plus, il n’en est rien, du moins l’excès d’homogénéité a été évité, c’est l’essentiel. Car le projet se tient d’un bout à l’autre, constance qui fait toujours plaisir quand on aime se projeter dans une ambiance et, en même temps, le déroulement des titres tient compte d’une certaine intelligence narrative appliquée au niveau musical.
Outre la simplicité mentionnée, logée au sein du triangle que forment Mark Sandman (chant, basse), Dana Colley (saxophone) et Jerome Deupree (batterie), d’une sobriété au service de l’identité du groupe,
Morphine, alors au début de sa carrière studio, choisit des formats brefs pour ses chansons, entre trois et quatre minutes. Rien de monumental, donc, aucun développement faramineux qui les pousserait à rivaliser avec certaines formations des années 1970. On sent que, entretemps, le punk est passé par là, sans toutefois laisser de trace trop évidente non plus : l’agressivité, sans être totalement absente, n’est pas ce qui caractérise au premier plan le style de
Morphine à ce stade.
Un album comme «
Good » s’écoute d’abord quand on recherche auprès de la musique un moment de calme, d’apaisement, une oasis de quiétude où l’on peut se ressourcer. Peu importe si, de ce fait, le relief peine à se traduire par des titres dont la qualité première serait de nous couper le souffle, laissant les amateurs de hits sur leur faim : le relief existe quand même, d’une manière feutrée qui ne vise ni la perfection globale, ni même l’excellence.
Cela n’empêche pas «
Good » d’être plus que bon, autre point confirmant son humilité, chaque titre parlant de lui-même tout en contribuant à la réussite de tous les autres, en passant par une série d’alternances : alternance, par exemple, entre la force symbolique de «
Good » et la mélancolie de « The Saddest Song », ou encore entre la rapidité de « You Speak My Language » et la lenteur de « You Look Like Rain », où le saxophone s’exprimer merveilleusement.
L’influence jazz ressort particulièrement bien au détour de «
The Other Side », de « Claire » ou de l’interlude « Lisa », celle des
Shadows quand viennent « Have a Lucky Day » ou « The Only One », le blues dans la deuxième partie d’ « I Know You » et l’énergie du rock avec « Do Not Go Quietly unto Your Grave » ainsi que « Test-Tube Baby », le tout œuvrant à une complexité discrète, agréable car équilibrée, qui donne envie d’y revenir.
D. H. T.
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