S'attaquer à un tel monument sans une certaine appréhension s'avérerait révélateur de l'incompréhension totale de l'aspect historique d'une telle œuvre. S'obstiner à vouloir comprendre le Hard-Rock tel qu'on le faisait à l'époque, et d'une certaine manière, tel qu'on le fait encore, malheureusement, aujourd'hui en tentant d'ignorer l'impact qu'
AC-DC, et quelques autres, eut avec ce
Highway to Hell pourrait s'apparenter à une certaine forme de folie. Car négliger des pages d'histoire telles que celles qui ont été écrites par ces Australiens, par
Deep Purple, par
Led Zeppelin, par Black Sabbath et par tant d'autres, dans une sorte d'insouciance grave, condamnerait à une évidente culpabilité d'un négationnisme artistique dramatique. C'est donc avec des mots transpirant cette crainte de ne pas être à la hauteur de l'enjeu que je vais tenter de rendre un hommage tel qu'il se doit à cette œuvre intemporelle.
Si la renommée du groupe ne naît pas tout à fait ici,
AC-DC jouissant déjà d'une solide réputation auprès d'un microcosme partisan de ce genre de musique à la fois Rock, à la fois Blues et à la fois Boogie, et ce après la sortie de quelques albums contenant chacun un nombre impressionnant de morceaux essentiels (microcosme qui s'élargira d'ailleurs très nettement avec la sortie de l'excellent album
Live If You Want Blood, You've Got It), c'est véritablement avec ce disque que le groupe prend une ampleur plus fédératrice et plus universelle. Nombres de facteurs donnent cette saveur si particulière à cet opus. Comment ne pas évoquer la rencontre qui marquera à jamais le groupe, offrant définitivement le son
AC-DC aux frères Young ? Comment taire le travail de production d'orfèvres de Robert John " Mutt " Lange ? C'est véritablement lui qui donne au groupe, après la relative débâcle de l'album
Powerage, un nouveau souffle, une vision neuve. Bien entendu il me paraît difficile, aussi, de ne pas évoquer la disparation tragique de Ronald Belford Scott, alias
Bon Scott, dont la voix si particulière, si aigue, si cristalline convenait à merveille à la musique de Malcolm et d'Angus. Une disparation dont l'atroce tristesse, exprimé de manière criante sur toutes sortes de supports aux sons de quelques mots, mensonges dont chacun sait qu'il n'est que ça et que la triste réalité est bien là, fait fleurir partout ces quelques lignes "
Bon Scott n'est pas mort… " venant de fanatiques adeptes qui érigeront, ainsi, le chanteur au rang de mythe. De même sur le chemin ardu de la gloire avançant d'un pas sûr mais lent, le groupe se voit propulser soudainement au panthéon.
Bien évidement tous ces détails ne suffiraient pas à eux seuls à faire de ce disque un incontournable, si les morceaux de ce
Highway to Hell avaient été mièvres et ennuyeux. Un disque moyen mais historique n'ayant jamais conduit à autre chose qu'à une reconnaissance d'estime.
C'est une inquiétude sans fondement. Dès les premières notes on ressent d'abord le travail de Mutt Lange, le son est moins brute, plus rond, plus chaleureux, plus accessible diront certains, plus Hard rock et moins Rock que ne l'étaient les œuvres précédentes du groupe. Dès les premières mesures on est emporté par une évidente évidence, par un plaisir soudain. Le riff d'intro de
Highway to Hell, hymne éternel, est pourtant basique, il vient des racines de ce Rock qu'aime
AC-DC, de cette musique qui touche directement à l'émotion sans passer par la raison. Basique, peut-être, mais immuable, ancré dans une vérité jamais démentie. Au-delà des caractéristiques exceptionnelles et primaires de ce morceau nos Australiens ont le talent immense de savoir faire swinguer un titre comme personne. Si le son est à l'évidence moins " sale ", moins granuleux, moins Rock ; le propos du groupe n'en demeure, pourtant, pas moins subversifs. Dans des paroles toujours aussi immorales, d'abord, et dans des titres aux riffs toujours aussi forts. Le traitement infligé par Mutt Lange fait assurément perdre à
AC-DC sa facette la plus Blues et la plus Rock, au profit d'un visage plus mixte autant Hard-Rock que Rock.
On pourrait s'étendre dans de longues tirades dithyrambiques emplies de superlatif plus élogieux les uns que les autres, mais qui ne remplacerait certainement jamais le plaisir simple de l'écoute. Alors que dire sur ces morceaux plus indispensables les uns que les autres ? Si ce n'est que de l'incroyable
Touch to Much et de son caractère tendu et pernicieux dont les refrains montent dans un crescendo avant de laisser exploser nos sens, en passant par les plus Bluesy
Love Hungry
Man et
Night Prowler, ou la voix de Bon se marie à merveille avec le spleen dégagé par ces titres, ou par les très Rock Girls Got A Rythm, Shoot Down In Flames, plus accessible, certes, mais pas moins imparables pour autant; rien ne semble vouloir démentir une satisfaction intense et immense.
On ne peut donc faire autrement que de s'incliner respectueusement face à l'excellence d'une œuvre aussi historique, fondation d'un mouvement qui continue, aujourd'hui encore, à puiser dans cette source d'inspiration intarissable qu'est
Highway to Hell. Affirmant de manière forte qu'avec ces 10 morceaux tout avait, peut-être, été dit et que depuis, inlassablement, on ne cessait de répéter les mêmes mots. On pourra considérer, dans une vague de reproches qui constituent une habitude amusante pour certains, que la vérité sur le caractère mythique et intemporel de cet opus est très loin de ces mots enflammés et passionnés avec lesquels je viens de le décrire, je reste pourtant persuadé du contraire. Pour s'en convaincre il suffit d'écouter ce
Highway to Hell et de laisser opérer la magie de ces compositions d'une modernité redoutable. Pour en juger il suffit de se dire que cet album, plusieurs décennies après sa sortie, continue d'alimenter les débats, de susciter les vocations, d'être repris par toutes sortes de musiciens et d'être partout. N'est-ce pas là la définition même de ce qui est mythique et intemporel ?
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire