Qui n'a pas rêvé, un jour, de s'attabler sur le coin du bar avec la première moitié des Beatles qui est censée picoler le plus (
John Lennon,
Ringo Starr) ou de discuter de l'avenir des Who avec le bientôt défunt Keith Moon, et ceci, sous les commandements du vampirique
Alice Cooper ? Il va sans dire qu'à cette époque, Jack Sparrow était encore en couche-culotte au moment où notre maître de l'ombre entamait déjà sa carrière solo en signant « Welcome to My Nightmare » en 1975, après sept albums en compagnie du
Alice Cooper Band. C'est pour cette raison que l'idée naîtra, trente-cinq ans et des poussières plus tard, de basculer ce club de beuverie historique rassemblant quelques-unes des stars les plus influentes et incontournables de l'univers du rock en un supergroupe de hard-rock addictif. Par ailleurs, il faut souligner qu'un tel projet n'aurait jamais vu le jour sans le tournage du génial "Dark
Shadows" en 2012 (comédie-horrifique dirigée par Tim Burton) - lieu de rencontre entre le pote un peu cinglé de Marilyn Manson, Johnny Depp, guitariste occasionnel depuis le milieu des années '90 qui a notamment eu l'honneur de jouer de la slide avec les fâchés d'
Oasis en
1997 sur « Fade In-Out » et du Godfather of Shock Rock désireux de nous exploser les tympans en présentant un extrait de son tube « No More Mr. Nice Guy ». Quelle suite pour «
Hollywood Vampires » ?
Comme en musique, il n'est jamais bon de relier la formation d'un supergroupe à l'éventualité que certains des membres auraient eu envie de se remplir les poches, on évitera soigneusement de ressasser les conneries lues dans la presse. Pointé du doigt pour ses écarts musicaux et ses choix de guests parfois suspicieux lors de la publication de « Welcome 2 My Nightmare » en 2011 (Ke$ha ayant signé son effroyable retour sur les premiers shows du combo en septembre),
Alice Cooper a décidé de donner vie à un all-stars band flambant neuf, pensé et réfléchi depuis au moins trois ans avec son collègue. Notre première remarque se tournera sur la volonté de faire revivre une vieille partie du Cooper des 70's, déjà en nommant le groupe de la même manière que le souvenir du cercle très privé des
Hollywood Vampires niché au "Rainbow Bar and Grill" en Californie puis en faisant ré-apparaître des musiciens du temps d'
Alice Cooper Band tels que Dennis Dunaway et Neil Smith, ceux-là mêmes qui étaient revenus sur le devant de la scène il y a quatre ans. En plus du duo principal unissant Cooper/Depp s'ajoute le gratteux d'
Aerosmith, Joe Perry, dont on parvient à se souvenir qu'il avait invité ce dernier aux sessions d'enregistrement de son EP solo l'année dernière aux alentours de Noel nommé « Joe Perry's Merry Christmas ». Preuve qu'ici, tout n'est qu'affaire de connaissances, de relations privilégiées et de rencontres insoupçonnées. Aussi, afin de rendre hommage aux figures de la musique et plus particulièrement du rock pour la plupart décédées à la suite ou au courant des seventies, Cooper a rappelé le producteur Canadien Bob Ezrin aux manettes (de « 30 Seconds to Mars » à
Kiss, en passant par l'énigmatique opus de
Deep Purple «
Now What?! »), ce qui, avec le recul, est le plus judicieux pour couvrir une tracklist de quatorze titres dont la majorité sont des reprises à la sauce hard-rock.
Avec «
Hollywood Vampires », le trio émet le souhait de marquer son coup en proposant un album à la face conceptuelle bien dosée, propre et soignée, un peu à l'image de cet artwork représentant un vieux grimoire magique sorti tout droit d'un blockbuster fantastique. En toute logique, le fou-furieux de Depp qui a incarné les personnages les plus drôles et rocambolesques du cinéma s'associe au producteur sus-cité à la composition d'une introduction juteuse et très représentative de l'oeuvre : « The Last Vampire ». Un supergroupe de cette trempe ne pouvait, de toute façon, pas se faire sans la présence de Christopher Lee, narrant, avec justesse et précision, un petit passage de la nouvelle de Bram Stoker "Dracula". Sous couvert d'un arrière-plan à vous glacer le sang, la voix de Lee apparaît fantomatique, et nettement plus terrifiante lorsqu'on se remémore sa perte en juin dernier à l'âge de 93 ans. En suivant, « Raise the Dead » balance la sauce et donne le ton de l'album, gros hard-rock hymnesque à l'Américaine et un son lourd et rock'n'roll qui a su faire la fierté d'
Alice Cooper depuis deux ans, à tel point qu'il a choisi de donner le même nom à son énième album live en solo « Raise the Dead: Live from Wacken » (2014). Nos camarades s'attaquent aussi à deux travaux post-Beatles de la fin des années '60 dont un « Come and Get It » fougueux et bien interprété mais qui aurait pu être plus lisible sans l'acharnement vocal de Perry Farrell (
Jane's Addiction) en fond. Malgré cela, on retrouve l'énergie d'une improvisation rock, particulièrement développée sur les trente dernières secondes où Paul Mc Cartney, l'auteur originel de cette chanson livrée pour le groupe Badfinger se lâche comme il faut dans une ambiance amicale, bon enfant. Sur la reprise de l'excellent « Cold Turkey » de Lennon, le riff principal de Clapton a été conservé, et c'est bien là l'essentiel car il offre à lui tout seul cette ambiance blues et si électrique.
Seulement, la formation bouscule les classiques et évite de loin la simple copie conforme en prenant des risques, ce qu'en l’occurrence, beaucoup d'auditeurs leur reprocheront dans l'interprétation. Par exemple, on ne reconnaît « Whole Lotta Love » qu'à partir des quarante premières secondes et l'enchaînement s'avère peu conventionnel voire carrément maladroit et surtout bordélique sur le plan musical. Pour cause, on a essayé d'insister sur le côté hard-rock mais c'est un ratage complet, on ne comprend rien. L'harmonica chantant sur un rythme bizarroïde et quasi-artificiel ne fonctionne pas, bien que curieusement, l'intervention de Brian Johnson sauve un peu les meubles. Autrement, c'est un carnage auditif qui ne plaira pas aux fans de
Led Zeppelin (et même aux autres). Par contre, on dénombre de nombreux solos tous mieux exécutés les uns que les autres venir nous frapper en pleine tronche sur la reprise d'Harry Nilsson « One / Jump into the Fire » et le final se fait en douceur sur une sorte de vieille complainte presque rappée qui sauterait encore mieux sous la poussière d'une platine. A la lecture des invités, on peut bien sûr critiquer le fait que les
Hollywood Vampires donnent dans le pur spectacle en associant un batteur célèbre sur chaque ré-interprétation et que ceci n'apporte concrètement pas grand-chose : Dave Grohl des
Foo Fighters sur le morceau dont nous parlions, Zak Starkey, le fils de
Ringo Starr qui nous joue un
Jimi Hendrix Experience, ceci dit, comme l'album est censé réunir des amis qui ne se prennent pas trop la tête, cela n'est pas réellement gênant. Encore plus curieux, on pourra déceler un air de teen pop/punk-rock à l'écoute d'« Itchycoo Park », empreint d'une fraîcheur bien curieuse s'agissant d'un titre enregistré en 1967 par la bande des
Small Faces... ! Pour l'anecdote, au fil des titres, on démarre du milieu des années '60, on effleure parfois la décennie suivante, mais en fin de compte, ça n'est véritablement que sur la pièce numéro treize (l'avant-dernière) que l'on plonge au cœur des '70 : de Cooper en 1972 jusqu'à l'ouvrage de
Pink Floyd daté de 1979. Loin de l'idée que l'on pouvait se faire d'une fusion trop poussée ou exagérée entre les deux classiques, la transition se produit d'une main de maître (on arrive à 03:31 pour aller voir
Pink Floyd puis on revient vers « School's Out » pour le refrain). C'était sans compter l'habileté dont fait preuve
Slash qui ne sait rester sur place avec ses guitares survitaminées, un Brian Johnson qui se donne bien plus que sur le dernier AC/DC que l'on me reprochera sûrement de citer pour des raisons évidentes (« Rock or Bust », c'est dit) et un
Alice Cooper plus vivant que jamais.
Finalement, cet album-hommage du nom d'«
Hollywood Vampires » s'ouvre par un enregistrement glacial et symbolique emmenant Christopher Lee, le dernier des vampires, vers l'au-delà, et se clôture par un clin d’œil alcoolique adressé au célèbre club de beuverie. Les vieux aimeront l'écouter sous un format vinyle, les jeunes parleront d'un grimoire remis au goût du jour et les filles qui en ont assez de la publicité Twilight s'activeront sur ce skeud de motards 100 % hard-rock. C'est sûr, le succès est bien là.
http://www.rodolphe-lamothe.fr/2015/10/28/hollywood-vampires-hollywood-vampires-2015/
Bonne lecture les alcooliques !
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