En dépit ou à cause du gigantesque succès dont
Supertramp a fait plus que croiser le chemin avec Breakfast In
America, les tensions et autres habituelles divergences musicales qui jusque là ne faisaient qu’affleurer, se sont alors transformées en guerre larvée entre les différents membres du groupe et notamment entre ses deux principaux compositeurs, Rick Davies et
Roger Hodgson qui s’en disputent l’hégémonie.
Conséquences de cette crise, les Anglais mettent trois ans pour enfanter dans la douleur, en ne conservant au final que les chansons les plus aisées, un Famous Mast Words inégal bien que riche de très grands moments et surtout, Hodgson décide peu après de quitter le navire pour entamer une carrière solo. Il lui faut alors deux ans pour se reconstruire, réapprendre à composer seul. A l’arrivée, il livre en 1984
In the Eye of the Storm dont on retrouve notamment plusieurs titres qui auraient dû figurer au menu du dernier opus de
Supertramp auquel le musicien a contribué.
De tous les disques publiés sous son propre nom, ce premier galop d’essai reste celui qui ressemble d’ailleurs le plus à son ancien port d’attache. Mais comment pourrait-il en être autrement alors qu’il a été, peut-être davantage encore que Rick Davies, La voix – une voix si particulière au timbre emprunt d’une fébrilité touchante - de
Supertramp pendant douze ans ? Son écriture, dont il ne se départira jamais comme ce piano qui structure toutes les chansons participent aussi de cette filiation évidente avec le groupe qu’il fonda à la fin des années 60 avec son compère Davis.
Les mauvaises langues argueront que
In the Eye of the Storm est l’album que
Supertramp aurait dû offrir à la place de Brother Where You Bound, premier opus amputé de Hodgson, ce qui est injuste car cela reste une très belle pièce, mais ceci est une autre histoire. Sans donc abonder dans ce sens, reconnaissons que cette offrande en solitaire se révèle en tout point remarquable.
Comment résister au monumental «
Had a Dream » (Sleeping With
The Enemy) », proche de Famous Last Words ou bien entendu au superbe «
In Jeopardy », qui suinte cette mélancolie discrète coutumière de l’artiste ? Les cinq autres compositions, bien que moins marquantes au premier abord, sont tout à fait dignes de ces deux perles qui ouvrent l’écoute de la plus belle des manières : le diaphane « Lovers In The Wind », propice à vous tirer des larmes, le plaisant « Hooked On A Problem », aux forts relents du déjeuner américain, le long et émotionnel « Give Me
Love, Give Me Life », le puissant « I’m Not Afraid » et sa guitare mangeuse d’espace et enfin le terminal « Only Because Of You », longue pulsation caressée par les lignes d’une voix féminine éthérée.
Un grand disque donc, aussi bon que la plupart des galettes de
Supertramp et qui devrait ravir les inconditionnels de
Roger Hodgson et de son ancien groupe.
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