*Texte extrait de la chronique "Jusqu'au bout du rêve" regroupant les trois albums "
Pandemonium", "
Ophelia #38", "
Jerusalem". Pour lire la version complète rendez-vous sur la page de l'album "
Pandemonium".
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L’appel d’air d'"
Ophelia #38" s’est transformé en rai de lumière. Métamorphoses sous des soleils nouveaux. Revenue du cœur des ténèbres dispensatrices de jeunesse, la musique de For Heaven’s Sake peut redéployer ses ailes…
«
Jerusalem »… Nom aux mille images, reflet inversé des cités de l’
Eden, et le poids sanglant de l’Histoire… « Jérusalem est un rêve – une langue » affirme le poète Adonis* et c’est dans ce rêve que For Heaven’s Sake va évoquer son album le plus expérimental à ce jour.
Cet album est une étrange alchimie. Retenant le meilleur de l’acid folk (Six Organs of Admittance, O.W.L., The Dry Spells…) sans pour autant verser dans les fumigations de colles ou de pissenlits, et du stoner doom mais sans s’épuiser dans des acouphènes extatiques, les titres forment une sorte de procession méditative qui peut parfois rappeler un
Master Musicians Of Bukkake débarassé de ses visions bariolées.
Point équinoxial, ombres de la croix, fluidité d’une vibration, gospel matutinal des rosées lunaires. Simple mais pourtant difficile à saisir, ce dernier chapitre, toujours fidèle à un langage codé, dépasse le rêve dans un élan dévotionnel, écho d’une vision. Les Madones de Raphaël et le rouge de l’Epine. Mais il n’est point question de s’éplorer sur des spectres démembrés et blafards. Il faut au contraire, au risque de l’aveuglement, se frayer un passage dans ce rai de lumière. La Nuit comme une promesse lumineuse…
Une guitare slide perle sur un harmonium et un stoner doom qui se mue en drone ouaté ("Pokrovskoeïe") tandis que, plus loin, il se fera mordant et abrasif ("Ywy Marae Ey"). Les titres sont longs, jusqu’à vingt-cinq minutes, et avec beaucoup d’habileté ils parviennent à varier les arrangements sans renier leur nature contemplative, donc répétitive, forcément ; solennelle même à travers l’utilisation régulière de carillons et de cloches. Parfois une nappe électrique fantômatique relève une orchestration délicate et nocturne où perce l’orientalisme discret d’un sitar ("Mato Tipi").
Déserts abolis, fleurs sucrées dans les replis de l’éveil, "Bajhan", l’exception par sa courte durée mais l’interstice à la métrique appuyée où s’affole le psychédélisme…
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*Adonis, "Jérusalem", Mercure de France, 2016
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