Kasabian fait partie de ces groupes qui prouvent que le courant baggy, incarné entre autres par les Stone Roses, a eu des répercussions tardives. Bien sûr, le contexte est différent, il s’est passé du temps, et le rock est devenu plus violent. C’est l’impression que donne le puissant «
Club Foot », dont l’état d’esprit évoque, par certains aspects, « Smack My Bitch Up » de
The Prodigy, à travers cette manière, en permanence sur le qui-vive, de mener une chanson comme d’autres négocieraient un virage, à bord d’un bolide, sur un circuit de course.
Le côté gênant de «
Processed Beats », en comparaison, tient à un son plus dépouillé au profit de la voix de Tom Meighan qui, en soi, n’a rien d’exceptionnel (elle rappelle le timbre clair et intelligible du dénommé
Ian Brown, mais en plus punk), d’autant que les instruments, y compris le synthétiseur, avaient, à portée de main, des éléments exploitables qui auraient rendu le titre plus intéressant. «
Reason Is Treason » paraît en prendre acte, animé par une agressivité chargée qui mobilise tout le monde, et des variations, au détour de la troisième minute, relançant la dynamique d’ensemble.
Plus travaillé, « ID » (prolongé par l’interlude « Orange ») s’efforce d’explorer, en l’espace de cinq minutes, les potentialités du groupe dans toute leur richesse : approche narrative de l’écriture musicale, nappes de synthé, inconstance délibérée de la guitare, et chacun en prend pour son grade. Punk avec des sons d’orgue ? C’est possible, répond « Lost Souls Forever », qui du coup se souvient un peu de
Patti Smith, tout en intégrant à sa panoplie d’influences (
Can,
Tangerine Dream) les autres facettes, désormais classiques (comme le scratch), contribuant à la signature d’une époque.
« Running Battle » s’élève quelque part entre les sons de science-fiction et de vagues réminiscences orientales. Plus futuriste encore, « Test Transmission » (rasséréné par l’interlude « Pinch Roller ») accentue d’abord les artifices, y compris au niveau de la voix, puis prend une tournure festive, dansante, non dénuée d’accents sombres.
«
Cutt Off » évolue davantage vers un mélange de rap et de musique électronique, sans pour autant délaisser la nervosité du rock, esquissant un pas dans la direction d’Antipop Consortium. Sa base rythmique, sobre et conquérante, nous ramène en outre à «
Club Foot », dévoilant plus avant l’unité cachée de l’opus. « Butcher Blues » porte bien son nom, au point de se prêter autant à une version acoustique qu’à celle, électronique, de l’album.
L’instrumental « Ovary Stripe », bien que sur un fond sonore similaire, à la fois planant et déjanté, laisse d’emblée parler la guitare, bientôt rejointe par le clavier dans un dialogue au sommet. La voix reprend ses droits avec « U Boat », offrant une performance plus convaincante que dans «
Processed Beats », chœurs atmosphériques à l’appui, et les autres instruments y réservent encore quelques bonnes surprises (à ne pas stopper avant l’arrêt total du disque).
D. H. T.
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