Il était une fois et il y a de cela bien longtemps, sur les côtes glacées du Nord, des hommes qui eurent un rêve : posséder leur propre terre et partir à l’aventure. Pour se faire il leur fallait rassembler provisions et courage, consulter les dieux et foncer aveuglément vers le destin dans une excursion risquée et probablement sans retour. Posséder une terre, la richesse primordiale d’un peuple. Et c’est dans cette excursion que nous partons vers les vierges terres de ce qu’on appellera le Vinland. Les Bâtards du Nord naviguent à travers Mannaheim et c’est dans ce voyage que nous sommes. Hissez la voile carrée, le vent est favorable. Thor, étends ton Marteau devant nous et tiens étouffé le Grand Serpent pour notre passage. Les runes sont favorables, c’est maintenant ou jamais!
Vous connaissez les Bâtards. Ces fiers guerriers artisans ont été présentés dans le précédent opus et c’est avec eux que toute la traversée se passera. Courage l’ami, la terre approche, mais elle est encore loin.
C’est donc le vent dans les voiles, les poumons gonflés à bloc de l’air salé du large que l’album débute. Il commence tranquillement, on prend le temps de s’installer, de se réchauffer les mains. Dès les premières strophes la présence des Neuf Mondes est présente. L’exploration des terres appelle les plus valeureux guerriers et artisans à une expédition. L’introduction est tranquille, sans plus à ajouter. Le prélude terminé, les Bâtards entrent et l’aventure commence. La chanson éponyme est très fidèle au style du groupe. Nous sommes déjà plongés au milieu de ce monde oublié, mais bien vivant. L’aventure est autour de nous. Les mouettes et le bruit des vagues nous entoure et le son des percussions bat dans nos veines.
Jusqu’ici, rien qui ne nous fasse réellement décoller. Certes la musique est très bonne, mais il faut savoir aller la chercher pour la savourer. Bien agréable, mais rien qui ne nous fasse monter sur la table, corne à la main, à réciter les vieilles sagas. La musique est bien composée, originale. Les textes sont bien rédigés, mais il manque cette poussière magique qui nous fera nous envoler.
Une fois les guerriers accostés, la seconde partie de l’album s’entame. Il est temps de remercier les dieux pour nous avoir conduits sur cette nouvelle terre. Il est temps de bâtir. Nous sommes des artisans, sortons notre savoir-faire et bâtissons. La paresse est notre ennemie. Le morceau « Othala » se charge de cette partie. Rimes intelligents, musique davantage accrocheuse et plus facile à saisir. Encore une fois, ces chants à l’accent fièrement québécois nous fait vaciller la tête.
On remarque que le violon s’est mis de la partie dans cet album. Un peu au détriment de la flûte traversière et des percussions, mais cela démontre qu’ils ont la capacité de créer et de s’affirmer en tant qu’identité de groupe mature et intelligent.
Les instruments, venons-en au fait. Pour ceux qui font actuellement connaissance avec les Bâtards du Nord pour la première fois ici, il est important de savoir que ce groupe ne joue ni du Rock ni du Metal. Musique unique avec aucun instrument dit traditionnel de la musique actuelle. C’est une musique acoustique jouée par de fiers guerriers tout de peaux vêtus. Mélangeant flûte traversière, grelots, violon, guimbarde, gros tambour, cistre, bâton de noix, tin whistle et basse. C’est une musique unique et bien personnelle. C’est une musique dont nous ne sommes pas habitués à entendre, mais qui vaut le détour, si l’on s’ouvre l’esprit un tant soit peu.
Fin de la petite parenthèse de bienvenue aux nouveaux, l’album enchaine avec un morceau qui est dans la même veine que « Vendu Pour Bouère » du précédent album. « Assoiffé » raconte les efforts de divers personnages qui décident de faire une pause dans leur labeur et d’aller s’hydrater le gosier à l’auberge. Certes moins humoristique que « Vendu Pour Bouère », mais très intéressante et ayant des idées bien trouvées au niveau des rimes. Un morceau très intéressant dans cet album.
Tout de suite après, un petit interlude pour festoyer un peu, « Le Reel de l’Hydromel » nous abreuve durant deux minutes avec un tin whistle. Certes sans rivaliser avec un reel québécois ou irlandais, mais quand même bien sympathique.
Avant d’aller plus loin sur le côté musical de l’album, je me penche sur le côté esthétique du CD. Fidèles au précédent album, l’album est très bien fait. La pochette sobre, mais très bien distinctive nous pousse impatiemment à explorer son contenu sans aucune réserve. Le livret est encore une fois illustré à chaque morceau. Chaque titre est accompagné d’un dessin représentant la chanson. Toujours sous des teintes de bois, oubliez les couleurs vives. Chaque page reflète merveilleusement ce que le groupe a voulu exprimer dans les chansons. Le dessinateur s’est appliqué et c’est agréable de voir des dessins (bien faits) sur un album et non faits à l’ordinateur. Encore une fois les Bâtards sont constants et ne se contredisent pas entre leurs chansons et leurs agir. Ça a dû coûter cher de faire un album de cette qualité, autant audio que visuel. Surtout qu’ils ne sont pas sous le joug d’une maison d’édition. Ce qui leur laisse moins de moyens, mais également plus de liberté.
La troisième partie de l’album fait son entrée avec une fable écologique, engagée et enragée. Trois morceaux guerriers qui se suivent. « Le Raid », « Les Arbres Tombent » et « Rituel ». Après que les guerriers aient débarqué et qu’ils se soient installés sur leur nouvelle terre, le fléau de l’industrie les rattrape. Dressant un portrait ô combien triste et ô combien réaliste de la situation forestière actuelle au Québec et un peu partout dans le monde, elle dénonce également la disparition de ce qui nous est véritablement cher et que nous troquons contre l’argent, cette vanité éphémère dont nous sommes prêts à tout pour ce mensonge. « L’industrie propose un salaire contre notre âme. Son banquet est notre forêt. Elle nous réduit à une fonction. L’autonomie s’effondre ». Ainsi écrit dans l’album, c’est le combat qui est livré dans l’album sous un masque imaginaire. Vient ensuite la résistance contre ce poison. On se bat pour ce qui nous est vrai. Pour les valeurs traditionnelles. Les morceaux sont engagés. La musique est belle, on se sent immédiatement prendre part à cette guerre. On cherche notre épée, prêt à trancher la première gorge qui s’offre à nous. Bien que les morceaux mis ensemble soient longs, on rentre tellement facilement dans la musique qu’on se dit « déjà!? » quand les morceaux se terminent. Seul hic; j’aurais échangés les elfes contre quelque chose d’un peu moins kitsch, mais bon…
L’album se termine avec un petit poème encore une fois bien écrit qui espère nous avoir donné un album qui nous a fait voyager dans l’histoire et fait réfléchir. Pour résumer, un album envoûtant, très bien fait. Beaucoup d'application a été faite, une musique unique, intelligente et très agréable à couter. Prêts pour la prochaine galette!
Mais comment en parler sans faire de nous le petit con qui essait de vendre son produit en s'incrustant comme un rat dans toutes les discussions?
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