Empreint de mélancolie, de douceurs, d’émotions, mais aussi de force, de riff empruntant au grunge,
Silversun Pickups se place en digne successeur des Smashing Pumpkins, pour ne citer que ce groupe parmi leurs multiples influences. Un chanteur/guitariste à la voix presque androgyne, le charme et le groove de Nikki Monninger à la basse, le talent d’un batteur à la frappe vive et précise (et d’origine asiatique) n’ont pas manqué de pousser encore plus loin la comparaison avec le groupe de
Chicago. Tout ça sans oublier des apports originaux et atmosphériques aux claviers.
« Neck of the Wood » est le troisième album du groupe de Los Angeles. Le cap du troisième album est franchi et les changements sont là. Cet album conserve toujours ce côté mélodique très efficace, tout en cherchant davantage à peaufiner les ambiances et les sonorités, bien plus variées. Et ces ambiances d’avantages poussées auront un impact immédiat sur le format des différentes pistes, dont peu au final se situeront en dessous de la barre des cinq minutes. Des titres plus longs, plus lents sur le déroulement, en quelque sorte. Plus progressif sur la mise en place de leurs atmosphères, « Neck of the Wood » est un disque bien moins immédiat que l’avaient été les opus précédents. Il en résulte un album plus sombre, plus triste que ses deux prédécesseurs. « Un peu comme un film d’horreur » dixit Brian Aubert.
Par conséquent, les titres prennent plus de temps à se lancer. En témoigne le titre introducteur, « Skin Graph », tout en résonance est en écho. La saturation électronique arrive soudainement, relayée par une multitude de frappes rapides. Le rythme se met en place, la voix se lance, mélodieuse et envoutante. On sent déjà ce que sera l’échange entre couplet délicat et refrain puissant. L’ambiance est feutrée, presque intimiste. Le côté psychédélique des couplets laisse sa place à une massivité bienvenue sur le refrain, quand la voix se fait presque féroce.
Certains titres puisent leurs inspirations de façon évidentes sur d’autres de ces groupes qui ont fait vibrer les années 80. Le rock électro de « The Pit » et ses beat électros accompagnés d’accords en réverbération peuvent sans choquer être comparés à ce qu’a pu faire
Depeche Mode. Un ensemble pop et lumineux de belle facture. Inspiration New-Wave présente sur les tonalités bien graves et lentes de « Guy-Shy Sunshine ». Le refrain est à apprécier ! Ce groove, ce rythme, extraordinaire.
On trouve sur cet album de belles perles d’inspiration et de talent, comme en témoigne « Dots and Dashes (Enought Already) ». L’ensemble est léger, introspectif. Répétitif sans l’être, Brian impose un timbre de voix exceptionnel, un faux calme oppressant, des hauteurs envoutantes, sur une mélodie de guitare oscillant entre pop mélancolique (cette basse y contribue énormément) et inspirations presque Post-Rock. D’inspirations, « Busy Bees » n’en manque pas non plus ! Les rythmes sont presque tribaux, la voix de Brian est encore une fois intime avant de la laisser une nouvelle fois monter en puissance avant de laisser place à une guitare plus saturée et une batterie d’une technicité infaillible.
D’autres titres, à l’inverse, pêchent un peu par un certain manque d’originalité. Sans être un mauvais titre, « Make
Believe » ressemble un peu trop à la ballade pop classique, d’abord douce puis vite Rock. Si tous les passages instrumentaux sont fabuleusement interprétés et la progression bien mise en place, également dans la tonalité montante de la voix de Brian, il en résulte un morceau un peu trop commun pour transcender l’auditeur. Même remarque pour un « Bloody Mary (Never Endings) » ressemblant à s’y méprendre à un titre des Smashing Pumpkins. Si le talent des musiciens arrive tout de même à accrocher l’oreille, on soufflera un peu devant un titre manquant cruellement d’originalité.
Silversun Pickups ne manque pas de maîtrise quand il s’agit de construire des ballades. Naturellement mélancolique, le groupe pousse l’auditeur dans un cocon chaleureux par l’intermédiaire de « Here We Are (Chancer) ». Une batterie synthétique, un piano, une guitare extrêmement discrète délivrant petit riff par petit riff et basse grondante apportant une rondeur non négligeable à l’ambiance. Une voix belle à pleurer et un piano bien en place, un grand moment d’émotion.
Les américains savent envoyer le bois à la perfection quand il le faut. « Mean Spirits » est d’une puissance exceptionnelle ! Démarrant dès le début par un riff saturé, le rythme est entièrement dominé par une basse en saturation et une guitare en finesse et mélodie. Cette puissante et hypnotisante voix accouplée à une guitare aux sonorités Rock maîtrisé, c’est tout simplement jouissif à écouter. Immédiatement après, « Simmer » se place. Le titre phare de « Neck of the Wood » délivre une progression exceptionnelle. Une guitare résonnante pour l’introduire, une basse ronflante pour la remplacer, un ensemble atmosphérique somptueux en guise de refrain. Lorsque la basse lourde prend tout l’espace, c’est pour mieux introduire un final ébouriffant de puissance, entre solos de grande classe et refrain exceptionnel de force et d’émotion.
En guise de final, « Out of Breath » condense ce qui fait la réussite de cet album en cinq minutes. Un premier tiers délicat autant qu’oppressant, telle une pression se renfermant peu à peu sur nous avant d’exploser par une suite de frappes extrêmement rapide de la batterie. Le groove du second couplet donne rapidement sa place à un refrain d’une beauté ébouriffante. Un solo presque dansant et un final grandiloquent d’émotion et de beauté. Une dernière accélération et l’heure d’écoute de « Neck of the Wood » prend fin.
Avec ce troisième album,
Silversun Pickups semble enfin s’affranchir de leur comparaison avec les Smashing Pumpkins. Unique et pénétrant, les américains signent un disque plus compliqué, plus sombre, plus oppressant, moins direct, où s’accrocher se révélera plus compliqué qu’avec ses prédécesseurs. Si plusieurs écoutes seront nécessaires pour comprendre enfin tout le sens, « Neck of the Wood » est l’un de ces albums indispensables dans cette sphère si particulière du rock mélancolique, entre douceur et puissance, entre mélancolie et tristesse, entre lenteur et rapidité, du grand art.
Cependant cette comparaison avec les Smashing Pumpkins que j'ai pu lire au travers de plusieurs articles me gêne un peu. Il n'y a aucune comparaison possible avec la voix de canard de B. Corgan et celle plus feutrée et mélancolique de Brian Aubert qui fait passer plus d'émotions. A mon avis la comparaison doit plus au line-up quasi similaire, une fille, un asiatique, un chanteur à la voix d'adolescent pré-pubère. Mais ça s’arrête là, les univers proposés sont différents.
Concernant l'album, tu le soulignes habilement dans ta conclusion, il est moins immédiat, la prod plus synthétique lui ôte un peu ce côté touchant, chaleureux et émotionnel, presque intimiste que l'on retrouve sur Carnavas et surtout sur Swoon (qui reste pour l'instant mon préféré).
Un groupe malheureusement trop peu connu en Europe, aux zicos épatants (mention au batteur et à la bassiste) et qui mériterait une mise en lumière à la place des surestimés Coldplay et autres Muse qui eux pataugent dans la guimauve calibrée pour la diffusion de masse.
Merci pour ton texte.
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