Une deuxième fois, le réalisateur Barbet Schroeder (Celui de “More”) demande à
Pink Floyd d’écrire la musique de sa prochaine réalisation “La Vallée”, dans laquelle son épouse Bulle Ogier tient le rôle principal (Viviane).
Ce film conte les aventures d’une femme de diplomate français collectionneuse de plumes rares d’oiseaux exotiques. Lors d’un voyage en nouvelle Guinée, elle rencontre un groupe de semi-explorateurs à la recherche d’une fameuse vallée constamment recouverte par la brume. La jolie dame, bien sûr, va les accompagner dans cette quête, et bientôt tomber dans les bras de deux d’entre eux.
C’est évidemment une histoire de rupture de confort, de matérialisme et de certitudes. Histoires aussi de découverte de soi, d’introspection parfumée d’écologie, d’idéal hippie avec ses travers que sont l’usage des drogues et la sexualité débridée, et de retour à la nature que nous décrit le film.
La Bande originale du film est donc composée par
Pink Floyd au Château d’Hérouville, durant les derniers jours de février et de mars 1972. Il faut remarquer, qu’à ce moment, le Floyd est déjà au travail sur le colossal «
The Dark Side of the Moon », qu’il va donc délaisser pour quelques semaines.
Barbet Schroeder procède un peu différemment de “More” pour inspirer les Floyd ; il leur présente une ébauche quasi finalisée du film en leur demandant de faire coïncider la musique à certaines scènes du film. Pour ce faire, il chronomètre les parties filmées afin que la musique puisse y coller au mieux.
Mais malgré ces mesures, Barbet Schroeder utilisera la musique de
Pink Floyd un peu de la même manière que pour “More”, c’est-à-dire que des compositions seront tronquées, ou diffusées en son d’ambiance, certaines d’entre elles ne seront même pas retenues pour la B.O; du film.
Il sortira 10 compositions de ces sessions dont 4 instrumentales.
Le LP commence par “
Obscured by Clouds”, qui donnera son nom à ce 7 ème album de
Pink Floyd, en référence à cette omniprésente brume qui baigne la vallée perdue. Ce titre instrumental sera utilisé deux fois par Barbet Schroeder qui le placera en entrée et à la fin du film. C’est sur ce morceau que
Nick Mason utilisera, pour la première fois, une batterie semi-électronique, créée par Graeme Edge (Batteur des
The Moody Blues) et l’électronicien Brian Groves. C’est un morceau soutenu par les claviers planants de Rick Wright. Le deuxième titre “When You’re in” est directement enchaîné au premier, mais il est plus hard sous la guitare d’un Gilmour inspiré. Cette plage ne sera pas toutefois pas retenue pour le film.
La plage suivante “Burning Bridges” est une composition Gilmour – Waters chantée par Gilmour et Wright qui met en exergue, de nouveau, les ambiances éthérées jouées par Wright sur ses claviers .C’est ici que l’héroïne du film “Viviane” laisse tomber sa vie bien organisée pour se joindre aux baroudeurs de la vallée perdue. “The Gold it’s in ...”, le quatrième morceau, accompagne le groupe en quête de découverte intérieure, il est de nouveau assez rock pour marquer la transition entre la vie bien réglée et l’aventure qui prend forme. C’est titre est bien rythmé, presque pop-rock, grâce à l’efficacité du tandem Mason/Waters .Et puis, vient “Wot’s up the Deal”, probablement la meilleure chanson du LP. Ce morceau a été choisi pour illustrer la scène d’amour entre Viviane et l’un des membres du groupe. Il est remarquable par ses harmonies et soutenues magnifiquement par la douce voix de Gilmour qui, de plus, y délivre un percutant et reconnaissable solo. La Face A du vinyl se termine avec “Mudmen”, un instrumental qui raconte l’histoire d’une tribu indigène qui se perd la nuit dans des marais et réapparait le lendemain couverte de boue, faisant fuir ses ennemis.
La deuxième face s’ouvre avec ”Childhood’s End”, qui, comme son nom l’indique, souligne le délicat passage de l’enfance/adolescence à l’âge adulte. C’est une composition pure de Gilmour où on retrouve, pour la deuxième fois, le kit de batterie électronique de Mason. Gilmour y tient, à la fois la rythmique acoustique et la lead guitare électrique ; il est magistral sur plusieurs solis. C’est sur cette composition que le groupe d’explorateurs s’enfonce dans la forêt vierge, c’est ici qu’intervient la cassure entre le monde d’avant et l’aventure qui arrive.
“Free Four” qui suit, est , pour moi, une composition assez atypique du Floyd; elle est de la main de
Roger Waters et a, toujours à mon avis, un petit air de rock de stade (style “We Are the Champions” de QUEEN). Ce titre est essentiellement rythmique et on se surprend à taper du pied pour suivre la mesure ! A noter que la trame musicale basique de ce titre, servira d’inspiration pour le hit de SUZIE QUATRO “
Can the
Can”.
Le titre suivant est “Stay”, qui, lui aussi, n’a pas été retenu par Barbet Schroeder pour figurer sur la B.O. de “La vallée”; c’est un titre presque pop chanté par Rick Wright sur des mélodies assez sombres.
Le L.P. se clôture par “Absolutely Curtains”, composition instrumentale commune longue de presque 6’. C’est sur cette musique que Viviane, s’approchant d’un précipice, découvre la tant recherchée vallée embrumée. Ce titre repose sur les claviers de Wright soutenu par un
Nick Mason en pleine forme ; il se termine par des incantations d’une tribu indigène qui lui donne, évidemment, un petit air de world musique.
En résumé, un album plaisant de
Pink Floyd, un peu méconnu, car coincé entre les deux piliers que sont “
Meddle” et “Dark Side of the Moon”. Cet album fut tout de même, n°1 en France et n°6 en U.K.. par contre, il ne dépassera pas la 50 ème place au States.
Encore un petit mot sur la pochette qui est encore une oeuvre signée Hipgnosis; on peut y voir, au recto, une ombre humaine noyée dans un flot de gouttes d’eau , illustrant à merveille les brumes de cette fameuse vallée. La pochette ne porte pas de titre, les versions françaises de l’album présenteront l’indication “La vallée”, sur un sticker apposé en haut de la pochette. Le dos de celle-ci présente quelques images du film et la liste des titres avec la mention “
Obscured by Clouds”, marché anglophone oblige.
Souces :
Pink Floyd : La Totale (J-M Guesdon & P Margotin)
Collection Uncut - Rock & Folk n° 07 (2018)
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