Entre douces rêveries et funambulisme sur les horizons les plus lointains, For Heaven’s Sake invite au voyage, un voyage qui se veut à la fois une découverte de soi et une ouverture sur le monde. Guillaume Nicolas, maître d’œuvre de ce projet, est un explorateur toujours en quête de nouvelles sonorités, de nouvelles sensations. C’est ainsi que, six années après la sortie d’un premier album éponyme, une nouvelle œuvre voit le jour sous le titre mystérieux de Paha Sapa/Mako Sika. Un intitulé en amérindien qui signifie « Terre maudite/Terre promise ».
Un nom en anglais, des titres aux consonances orientales et tribales, un chant en français, une musique qui puise à la fois aux sources de l’Inde et de l’Amérique… tout un métissage qui confère à l’univers de For Heaven’s Sake une portée universelle et une tension qui capture l’auditeur pour ne plus le lâcher. Dans la musique de Guillaume Nicolas il y a un peu du folk christique de
Wovenhand, un peu de cette lumière qui perce des mantras de
James Blackshaw, de l’introspection d’un
Six Organs Of Admittance ou encore le doom méditatif de Om et le drone rêveur de Asva. De multiples influences qui donnent naissance, dans le creuset de Paha Sapa/Mako Sika, à une personnalité unique et aventureuse, loin des sentiers battus.
Enveloppantes, les compositions s’élèvent, tourbillonnent, serpentent en méandres chamaniques puis retombent en douceur. Parfois les rythmiques se font insistantes, obsédantes comme sur "Ya Hayyou, Ya Quayyoum". Parfois le discours devient minimaliste et pudique, par exemple le titre "Dolente C" qui est simplement accompagné d’un banjo égrenant une complainte en forme d’adieu. Ailleurs les cordes tremblent, dessinent les délicates visions d’un psychédélisme tribal ("Poison Ivy" et son slide magnétique) tandis qu’une lointaine guitare électrique irradie de phrases mélancoliques le très beau "Zôt U Râspi Ashem…", lequel suscite des émotions semblables à celles qu’éveille le "Set the Controls for the Heart of the Sun" de
Pink Floyd. Même si For Heaven’s Sake atteint une certaine grâce avec des compositions aux structures mouvantes qui ne le cèdent à aucun moment au schéma du traditionnel couplet/refrain, il sait aussi se montrer plus rock en offrant des morceaux qui partagent quelques similitudes avec le travail de David Eugène Edwards (
16 Horsepower,
Wovenhand). Ainsi le fiévreux "DC-9" vrombit, roule et, colérique, déploie une certaine lourdeur proche du doom tandis que le léger et mélodieux "Bint Elshalabia" semble s’envoler vers des cieux cristallins.
Si For Heaven’s Sake baigne dans une atmosphère recueillie et nostalgique, imprégnée d’un sentiment religieux très fort, les climats ne sont jamais pesants ou oppressants. Les compositions sont traversées de lumière et d’espoir grâce à l’omniprésence d’un sitar et d’un banjo, mais c’est surtout le chant qui tire l’ensemble vers le haut. Un léger effet appliqué sur la voix, un mixage en retrait ainsi que la conviction et l’intensité de l’exécution démultiplie la force des paroles. L’écriture suggestive de Guillaume Nicolas enflamme les compositions au travers d’images surréelles et d’une poésie mystérieuse, ésotérique. Chacun est libre d’y chercher sa propre interprétation et c’est en cela qu’on peut dire que cet album se révèle à la fois magique et généreux. L’artiste s’efface. Il ne reste que l’œuvre offerte au monde…
A n’en pas douter Paha Sapa/Mako Sika est une vraie réussite et, malgré des vocaux qui semblent par moment un peu noyés, le dépaysement est total. Avec For Heaven’s Sake, on traverse le feu des déserts, on apprend le silence de la nuit, on collecte des parfums précieux et on goûte les épices les plus rares. Un disque qui habitera longtemps toutes celles et ceux qui auront la sagesse de s’y attarder.
Bloodorn
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