La simplicité, l’émotion, la batterie du cœur, la saturation sonore poussée au maximum en toile de fond, la fille de dernière minute qui vient se joindre aux « Just Like Honey » du refrain / titre, voilà qui sonne comme un manifeste, une chanson écrite pour traverser les années avec nonchalance, inspirant d’autres projets, d’autres groupes. Puis «
The Living End » et «
Taste The Floor » détruisent ce décor à peine posé à coups de tronçonneuse, et c’est un vrai bonheur. L’ouverture de l’album ressemblait déjà à une couronne de laurier sur laquelle se reposer, au risque d’endormir l’auditoire. Mais les Jesus and Mary Chain ne sont pas seulement iconoclastes, ils sont iconoclastes contre eux-mêmes. Les sons de basse sont mieux mis en valeur sur « The Hardest Walk », montrant une autre de leurs facettes, puis le miel revient avec « Cut Dead », et en l’espace de cinq titres on tient déjà un projet à la fois autodestructeur et parfaitement logique. Si « Cut Dead » était encore plus tendre que « Just Like Honey », on pouvait prévoir que « In A
Hole » serait, logiquement, plus violent que jamais. Et c’est effectivement le cas, on se croirait sur un chantier de démolition. Même constat, à peu près, avec «
Taste Of Cindy », avant un « Some Candy Talking » qui donne le meilleur aperçu, toujours par contraste, des qualités sonores du groupe dans les moments d’accalmie. Le très rock and roll « Never Understand » finit par exploiter admirablement des hurlements dignes d’une scène de torture comme si, après avoir saccagé le gros-œuvre, la machine s’attaquait aux ouvriers eux-mêmes. « Inside Me » présente une voix plus en retrait, survolant avec légèreté un vacarme toujours bienvenu. « Sowing Seeds » revient à « Just Like Honey » comme pour lui offrir d’autres prolongements mélodiques et rythmiques, plus intenses, histoire de tout avoir et de tout donner. Car ici l’avidité n’a d’égale que la générosité. « My Little Underground » confirme une orientation à la fois fidèle aux traditions du rock et toujours déjantée : le sous-sol ressemble autant à un espace de bricolage qu’à un retour aux sources. « You Trip Me Up », typique lui aussi, tient l’équilibre entre larsens et goût de la mélodie. « Something’s Wrong » parvient à se renouveler pendant quatre minutes. Et « It’s So Hard », plus austère, termine en mettant l’accent sur le rythme, offrant la rupture brutale qu’il fallait, car le miel c’était au début. Depuis « Sowing Seeds », on se rend bien compte qu’il s’agit en fait de variations sur le même thème. Et alors ? Les plus grands eux aussi pratiquaient cet art. L’idolâtrie et la mystification des rockers en prennent un sacré coup, et c’est tant mieux.
D. H. T.
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