Jeune trio francilien, auteur d’une musique alliant autant d'éléments atmosphériques et Post-Rock que d'autres frisant avec talent l’énergie sombre d’un Metal noir et froid, Përl arrive avec discrétion dans le paysage musical français. Trois ans après un premier petit EP «
Monochrome », Thibault, Bastien et Aline lâche un «
R(a)ve » dans cette grisaille ambiante qui n’arrangera surement pas la couleur du ciel.
«
R(a)ve » est ainsi un disque extrêmement sombre et torturé, profondément poétique et remplis de tristesse, mené par la voix singulière et étonnante d’Aline, capable de basculer de la plus belle douceur à de graves hurlements déchirants de chagrins et de haines. Musicalement, nous avons affaire à un enchainement traditionnel de la musique Post-Rock : des passages très ambiants où se succèdent des plans davantage en saturation, la batterie oscillant elle aussi entre petites percussions et passages de doubles plutôt écrasantes.
C’est avec « Tidjan » que cet album commence. Titre parfait pour l’auditeur, qui sera d'ores et déjà capable de dire s’il supportera ou non la voix d’Aline, plutôt dans un ensemble grave, cassé et, personnellement, pas dénué de charme. Pour celui bloquant à ce niveau-là, le reste de l’écoute sera difficile. Pour les autres, on peut se pencher doucement sur la musique, enchainant moment de calme à la guitare folk avec des ensembles guitare-basse bien plus lourd et étouffant. Quelques accélérations plus ou moins poussives et un passage de mur guitaristique classique de la musique atmosphérique continueront d’établir un beau profil des capacités de Përl.
Mais si « TIdjan » offre un panel assez complet de sonorité, les autres titres du groupe garde chacun une âme unique. La douce et pénétrante « Insomnie », dominée par la basse, lourde et ronde, et des sonorités étranges et hypnotisantes. L’ensemble très délicat est cependant un peu plombé par une voix semblant un peu fausse sur ces diverses envolées, mais pas suffisamment pour ne pas apprécier en continu la montée en puissance musicale et vocale qui arrivera par la suite. Toujours dans une optique plus reposante, « Rêve… » se place, bien emmené par des notes répétitives de guitare, des percussions légères et la voix d'Aline, en écho. On appréciera à la convenance de chacun la fin en queue de poisson de ce bel intermède.
« Rêve » introduit un « …Rave » plus progressif sur son déroulement, plus long morceau de cet album. La voix d’Aline semble cette fois-ci bien plus maîtrisée afin d’enchaîner avec une belle fluidité tous les changements de rythmes présents. Passage mélodique qui s’enchaîne avec passage plus brut à la double, des refrains plus épiques et magnifiés par la belle voix de la jolie brune. « …Rave » pousse chaque inspiration de Përl à son paroxysme pour en ressortir le meilleur dont sont capables les trois musiciens.
Dans un déluge d’émotions, « Fils de Rien » impose des textes extrêmement mélancoliques pénétrant l’âme de ceux se reconnaissant un minimum dans la prose d’Aline. Une voix délicate sur des passages ambiants, une plainte aérienne sur fond de batterie écrasante et de basse étouffante et des hurlements sur une voix brisée et une guitare en saturation complète. D’une manière extrêmement différente, « Parenthèse 56 » entoure l’auditeur d’une délicate enveloppe noir et sombre. La voix d’Aline, très proche du parlé, déverse des vers de haine et de peine. La colère entre les dents, la musique se limitant à des claviers et une batterie lente et oppressante. Aline est volontairement placé au centre de ce morceau, sa voix montant progressivement de la peine à la colère, de la colère à la haine, achevant ce lourd morceau dans des hurlements d’une violence enivrante. C’est aussi sur la fin que le morceau se révèle musicalement, bâti sur des riffs lourds en réverbération totale (la puissance de la basse est épatante) et d’une batterie intense dans sa vitesse et sa force.
Malgré tout, un morceau comme « Fusce Deliria » fait bien d’être placé au début, tant celui-ci n’apporte que peu d’émotion… Bâti sur un rythme presque pop et une voix poussive, les quelques élans de puissance (trop mal agencée) ne suffisent pas à développer avec réussite un morceau dont la présence de samples radiophoniques (est-ce Jean-Michel Apathie qui s’exprime ?) reste une tentative de remplissage bien maigre et d’une utilité douteuse, même si l’idée pouvait être bonne, si la transition était effectuée de façon plus limpide.
Pour un morceau davantage orienté puissance, on se tournera davantage vers la conclusion « Je Songe », introduit par la voix grave et reposante de Thibault avant de se poursuivre sur un rythme ambiant, brutalement interrompu par les hurlements sauvages d’Aline et un ensemble de riffs purement Metal, pouvant d’ailleurs briser quelque peu la cohérence de l’album. Mais judicieusement placé dans le dernier titre de ce disque, cette puissance méconnue chez Përl pourra être interprétée comme un signe de réveil, après ce très long sommeil rempli de sombres cauchemars… Toujours est-il que ce titre trouve une beauté saisissante dans cette débauche de saturations et de hurlements.
Un disque personnel et émouvant, voilà comment décrire en deux mots ce premier album de Përl, un groupe qui porte définitivement bien son nom. Difficile à accrocher dès les premières écoutes, «
R(a)ve » se révèle être un voyage majestueux et magnifique au plus profond des souffrances qui nous animent. Un trio à suivre de très près, qui joue de ses imperfections pour en faire des blessures émotives nourrissant avec talent leur musique.
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