On ne se doutait pas, avec «
Murmur », que
REM intègrerait le ska dans ses chansons, mais finalement cela n’a rien d’étonnant, dans la mesure où il existe une proximité historique et culturelle entre les genres musicaux jamaïcains et les groUpes punk ou influencés par le punk, d’autant plus que « Harborcoat » réussit cette synthèse, axée à la fois sur le rythme et sur la possibilité, pour ceux qui avaient apprécié le premier album du groUpe, d’identifier un matériau mélodique déjà habituel dans le bon sens du terme. La consonance optimiste fait un pas en avant. « 7 Chinese Bros », bien que d’une façon déjà moins flagrante, contribue lui aussi à ce signe distinctif. Des sons de guitare aigus, en boucle, y influencent aussi bien le rythme que la mélodie, un peu comme dans « Gimme Shelter » des Rolling Stones. Quant à « Central Rain », il contient déjà des éléments mélodiques qui referont surface quelques années plus tard dans «
Losing My Religion », et la convergence régulière entre la hauteur, la durée et l’intensité vocales représentent en outre une progression vers une approche plus incantatoire de la chanson. « Pretty Persuasion », de son côté, s’appuie sur un rythme très rock, de la distorsion et une voix plus grave.
REM a donc trouvé un moyen plus ingénieux de varier les plaisirs, que celui qui consiste simplement à faire suivre les morceaux rapides de titres plus lents, et ainsi de suite. D’autres paramètres sont invoqués au service d’une belle complexité qui, elle-même, rend les chansons d’autant plus accrocheuses. Car il y a le plaisir de l’évidence, mais aussi celui de découvrir des nouveautés à chaque réécoute. Si « Time after Time » tend vers une forme de transe répétitive, « Second Guessing » nous gratifie d’un rock and roll efficace. « Letter Never Sent » tente alors la douceur vocale sur un rythme appuyé, et la formule fonctionne là aussi, car d’autres dimensions de la mélodie ressortent grâce à cette perspective, notamment au niveau de la guitare et des chœurs. Seule baisse de régime, «
Camera » part pour s’endormir et pour endormir l’audience. Pourtant, progressivement, l’intensité fait passer la pesanteur. « (Don’t Go Back To) Rockville » fait danser le piano, puis « Little
America » achève au pas de course cet opus tout aussi bon et, en même temps, plus ensoleillé que le précédent.
D. H. T.
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