Après la réussite du précédent opus, nos australiens, confortés dans leur démarche audacieuse, décident de ne pas s’arrêter en si bon chemin et d’aller encore plus loin. Le groupe poursuit donc pleinement la voie d’une complète ouverture musicale et en rajoute encore une couche en intégrant du didjeridoo, de l’accordéon. Qui plus est, les synthès prennent une place plus prépondérante en étant tantôt massifs et imposants, tantôt fantomatiques pour créer une atmosphère spectrale et étrange. Cette sensation est également renforcée par le travail sonore de certains chœurs et voix aux résonnances tout autant fantomatiques.
Je vous rassure quand même, le groupe n’a pas viré new wave ou encore cold wave, en témoignent des guitares toujours bien aiguisées ainsi qu’un binôme basse - batterie en grande forme et omniprésent, mais se complait, tout au long de l’album à aborder de nombreux styles et cela parfois au sein d’une même chanson. Ainsi, on navigue entre rock énergique, pop étrange, rock progressif, cold wave, rock un peu indus, folk et pratiquement musique de film.
De prime abord, on pourrait croire que ce cocktail détonnant est bien indigeste et que les musiciens ont sacrément travaillé de la cafetière mais leur ingéniosité et leur talent font que cela se tient parfaitement. Ils se mettent complètement au service de leur musique et évitent tout étalage technique pour nous donner des compositions d’une surprenante créativité. Ceux qui avaient déjà été déstabilisés par "10 to 1" risquent fort, cette fois, de ne pas s‘en remettre car le voyage proposé n’est pas de tout repos.
Au niveau des paroles, inutile de vous préciser que le groupe ne s’est pas assagi, la pochette d’un Sydney en ruine après une explosion nucléaire est parfaitement évocatrice de l’état d’esprit du groupe. Tout en les abordant sous un angle parfois différent, le groupe cultive toujours ses thèmes de prédilection à savoir le nucléaire notamment ses conséquences - d’où la pochette d’ailleurs - les peuples opprimés comme les aborigènes ainsi que les injustices sociales ou encore l’évolution de nos sociétés modernes.
Comme, je vous l’indiquais plus haut, de par sa diversité mais aussi de par la complexité de ses arrangements "
Red Sails in the Sunset" est un album qui ne s’appréhende pas facilement. Rendez vous compte, sur la première partie on attaque par « When the Generals Talk » presque indus, dénonciateur et martial, pour arriver sur l’un des monuments de l’album à savoir « Jimmy Sharman’s Boxers », une intense montée en puissance, une batterie implacable pour déboucher sur un final tout en rage et désespoir, notre Peter Garrett est plus poignant que jamais.
Décidemment, si certains groupes ne savent pas finir leurs chansons, en revanche, eux sont particulièrement doués pour conclure de manière éclatante et épique.
Certainement conscient que l’auditeur est quelque peu éprouvé par ce voyage tourmenté et afin de lui permettre de reprendre son souffle et ses esprits, le groupe insère un petit intermède instrumental original, « Bakerman », uniquement composé de cuivres, lui conférant un charme désuet.
La deuxième partie de l’album nous plonge dans une ambiance complètement « barrées » et extravagante avec notamment « Bells and Horns in the Back of Beyond » me laissant supposer que les musiciens ont voulu se faire un délire de musique de Western spaghetti qu’Ennio Morricone n’aurait peut être pas renié, notamment sur la deuxième partie de chanson où les voix sont caractéristiques de ce que l’on a pu entendre chez le compositeur italien. Enfin, le titre de clôture, « Shipyards Of New Zealand » , est assez hallucinant. Le groupe réussit le tour de force de condenser ici toutes les idées qu’il a eu sur l’album et fait feu de tout bois. Le résultat est assez indescriptible mais ô combien fascinant.
Bref, vous l’aurez compris, les australiens sont plus inspirés que jamais et se sont fixés aucune limite pour livrer des compos de haute volée. Ecoutez d’ailleurs « Sleep », certainement l’une des meilleures chansons du groupe, une mélodie et des harmonies superbes. Cette nouvelle œuvre est sans conteste d’une grande richesse mais c’est ce qui peux faire aussi sa faiblesse car il n’est pas toujours évident d’accrocher sur la totalité des morceaux tant les grands écarts y sont constants. Pour ma part, « Harrisburg » que je trouve mélodiquement pataude et « When the Generals Talk » ne m’ont pas enthousiasmé.
Mais cela ne remet rien en cause, car cet album, qui est certainement le plus ambitieux et le plus audacieux, est une nouvelle réussite. De plus, il ne laissera personne indifférent. Enfin et malgré le fait que "
Red Sails in the Sunset" ne soit pas facile d’accès, il a quand même rencontré un grand succès et imposera le groupe sur la scène internationale.
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