On les avait cru out, terminés, noyés par l’alcool, usés par la drogue, sous les tables des buffets mondains d’Hollywood, à ne plus faire que les titres de tabloïds plutôt que celles de revues musicales. Un retour au sommet? Personne n’y croyait vraiment. Les paillettes, les frasques en tous genres de nos enfants de chœur californiens avaient fini par lasser les fans les plus endurcis. Ce n’était plus qu’un beau trip qui s’achevait dans une crise de nausée.
Mais attention, on estimait à tort la cause perdue. Car je vous l’annonce avec cet album sorti en 2008, «
Mötley Crüe » nous convie à sa résurrection et à son retour sur le parvis du temple Hard/Metal. Il est possible que cela soit sa dernière flambée, mais par tous les saints, quelle flambée.
8 années se sont donc écoulées après le précédent opus en date, «
New Tatoo », et pas moins de 19 ans après leur dernier grand succès, « Dr. Feelgood », voilà que l’on nous sort un nouvel album au nom qui prêterait même à sourire, mais qui en dit l’on long sur la volonté de ressaisissement de la formation, «
Saints of Los Angeles ». En fait, de la même teneur que la couverture au sens tout aussi contradictoire entre retour en grâce et persistance des vieux démons (le péché de chair est bien celui qui obtiendra le mieux le pardon des nombreux fidèles). Et c’est sur ces vieux démons que le groupe va s’appuyer. Une sorte de retour aux sources sur de meilleures bases et avec les idées claires, cette fois ci. Une remise en cause qui aurait portée ses fruits si on en reprend le fil des événements ayant précédé l’album; une reformation en 2004 avec le line up originel (Nikki Sixx, Mick Mars, Vince Neil et Tommy Lee); une tournée triomphale et la sortie d’un excellent live, «
Carnival of Sins », puis l’annonce enthousiaste d’un nouvel album. Un album qui aurait du d’ailleurs s’appeler « The Dirt », du nom de l’autobiographie du groupe sorti en 2001. Mais «
Mötley Crüe » aurait ici davantage l’intention d’aller de l’avant. Laissons donc de côté certains remous et affres du passé. Les démons ont bien l’intention de regagner leur auréole.
Le paradis en enfer, c’est un peu le thème revisité que l’on pourrait dégager des morceaux de cet album. C’est aussi ce qu’ont connu les quatre membres originels de ce prestigieux ordre monastique, qui ont tant œuvré contre l’abstinence. Et nous leur sommes encore reconnaissants.
Ils évoquent aussi très clairement le nom d'une ville, celle où siège leur couvent, Los Angeles. La ville de tous les péchés, l’enfer par excellence en Amérique. Situés au bon endroit dirons nous. Du chaos infernal qui résumera de cet endroit aux milles et unes convoitises, on en retiendra l’ambiance frissonnante et apocalyptique de l’introduction « L.A.M.F. ». Où l’on parvient à y ressortir ce qui est de plus malsain dans cet univers: quartiers désaffectés, carcasses de voitures, deals au coins des rues, fusillades, et population terrifiée, sans cesse en proie aux violences. Tout cela conclu par une phrase d’un ton des plus cyniques, « Welcome to Los Angeles ».
Après avoir été très fraichement accueilli, voilà à présent que «
Mötley Crüe » nous invite à partager leur vie de débauche et de décadence dans une grande fête haute en couleur. Le blanc de la façade n’était là que pour attirer ceux qui seraient en droit de perdre leur chasteté. Avant de franchir le portique de ce lieu non-consacré et interdit par le Vatican, nous sommes en proie à des hésitations, c’est à ce moment que l’on entend une voix juvénile s’écrier, celle du Père Vince, dans sa plus grande forme. C’est la première grosse bonne surprise. Il a repris du poil de la bête et tout le peps d’autrefois. Il est tout de suite suivi par les sermons de guitares, qui entament eux aussi une seconde jeunesse sur cet impressionnant « Face Down in the Dirt ». Un hard des plus assurés, au rythme tranchant et aux sonorités aiguisées. De quoi presque nous faire sauter au plafond. Ça y est, on les retrouve. « I'd rather be dead » hurle de sa voix puissante Vince Neil. Assurément non, morts, ils ne le sont pas, mais ils ont bien failli passer à trépas.
Ce qui en ressortira le plus de l’ensemble des morceaux, c’est l’aspect convivial, une joie de vivre que nos moines défroqués veulent nous faire partager sur des rythmes des plus nonchalants qui rappelleront même à certains « Dr. Feelgood », que cela soit avec « What’s It Gonna Take », « This Ain’t a Love Song » ou encore la ménagerie de «
White Trash Circus », dont l’attitude volontairement gauche des instruments et de la voix, débonnaire pourrait on dire, offre également une sacrée dose de plaisir.
Un plaisir qui se ressent sur des titres
Sex et alcool, que cela soit sur le facile « Chicks = Trouble », à la limite du hard/boogie, en ce qui va concerner les parties guitare; ou encore le très élancé et fouillé « Down at the Whisky », assez neutre, mais dégageant bien l’envie de croquer la vie à pleines dents, ou plutôt de siffler les bouteilles à pleins goulots sans se faire le moindre soucis.
Du tonus, de la fougue, un brin de folie ou juste un peu de nitro dans le moteur avec le simple et court « Welcome to the Machine », que l’on pourrait comparer à une crise d’adolescence (sans les boutons). Une machine folle mise en branle. Sur ce côté apport en jus, « Goin’ Out Swingin’ » est bien loti. On peut même dire que ça déboite. On assiste à de vraies courses entre le chant et les instruments, bien minutées par la batterie. Il faudra remarquer un Tommy Lee irréprochable derrière ses tonneaux. Le membre le plus pointilleux avec Vince sur l’album. Avec ces deux là, on a de quoi être aux anges.
A ceux qui auraient remarqué un léger manque au niveau des guitares, parfois répétitives et en perte face à l‘excellence de la voix, malgré leur énergie et leurs vibrations, celles-ci se rattraperont sur l’énormité qu’est « Just Another Psycho », cassant un peu la bonne ambiance avec la dureté de ses mélodies et de son chant. Une douleur jouissive, même pour un ange.
Une dureté qui fait impression également sur « Motherfucker of the Year ». Le jeu de guitare est d’autant plus confus. Le vrombissement qui en ressort reflète une parfaite illustration sonore du chaos.
Toujours dans la même veine de ces sonorités dures, mais dans une cadence plus lente, et avec plus de sinistrose, la ballade, si on peut en appeler ça une, « The Animal in Me » nous offre un environnement teinté d’orages et de pluie, la condition idéalement imagée pour qu’un être dévoile désespérément sa flamme.
On a parlé de flamme. Nos pyromanes en la matière vont véritablement nous enflammer avec leur gros titre «
Saints of Los Angeles ». C’est un plongeon dans la nuit froide et les quartiers illuminés au néon. Des riffs agressifs et ressortant toute leur électricité. Une voix limite scandée, quasi prophétique. Le refrain, un hymne rien d‘autre, des chœurs à la gloire de ce qui a été les anges déchus de Los Angeles. Une intensité, une force qui résument la tournure positive de l’album en son entier.
C’est un miracle, oui, un miracle. On les avait cru au fond du trou, il n’en est rien. C’est à croire qu’ils ont tous bu leur bourbon dans le sacré calice. Ils ne se sont pas transformés en saints pour autant. Les paroles bibliques de nos quatre non-évangélistes en disent long et nous rassurent.
Voilà en fait des confessions qui effraieraient plus d’un homme de foi, de quoi même en mouiller son caleçon. Aucune personne saine et à la vie tranquille ne serait capable d’écouter les nombreux péchés des maîtres toutes catégories, les «
Mötley Crüe », qui d‘autres. Ce qui est loin d’être notre cas, en ce qui nous concerne. Vous n’êtes pas de mon avis?
16/20
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