Ce n’est pas en surexploitant les cuivres que
Kat Onoma entre en matière, mais ces derniers prennent plus d’importance au fur et à mesure de la ballade énigmatique de «
The Animals », qui semble aborder avec humour le thème de la frustration. Avec le recul, il y a, non pas une facilité, mais un rythme de croisière qui s’impose rapidement chez eux, signe à la fois d’une maîtrise se confirmant et d’un terrain familier ménageant le potentiel du groupe.
Isoler certains passages instrumentaux, ici et là, comme lors de la dernière minute de « Private Eye », aide à prendre conscience de la place pourtant importante occupée par la trompette de Guy Bix Bickel, même si cette contribution se fait attendre. Même type de remarque, au fond, quand « Lady M » a l’air de s’endormir alors que, au final, on ne voit pas le morceau passer.
« Lifeguard’s Dirty » montre que le recours à un tempo plus rapide respecte avant tout le continuum sonore de l’album, où la dualité entre la guitare et le saxophone s’insinue progressivement.
De là à dire que
Kat Onoma aborde le rock tout comme le compositeur Erik Satie entendait composer de la musique d’ameublement, ce n’est pas l’ambiance, pétrie de blues et de lenteur malgré l’allure accidentée du rythme, ambiance commune à « A Wind That Hungers » et à « The Landscape », qui va fondamentalement contredire cette hypothèse.
Le titre même de « The Landscape » résume à lui seul l’état d’esprit décrit dans les lignes précédentes : on ne connaît pas exactement les limites du paysage, rien ne garantit au fond que la route sera sans encombre mais, en ces terres sauvages, il n’est question que de se fondre dans ce que les alentours comportent de plus paisible et de plus évident.
Ici un solo de guitare (« Four Color Game »), là des passages instrumentaux prolongés (« Ashbox »), nulle part une quelconque remise en cause d’une qualité tout à fait essentielle donnant raison à tous les titres : l’absence d’une dramatisation excessive dont on s’attendrait à ce qu’elle émane de chansons taillées pour le déballage de tripes, la pornographie émotionnelle.
Au contraire, la pudeur, la réserve, la foi dans la connivence qui pourrait s’instaurer avec les auditeurs à force de patience, d’attention, d’acclimatation, garantissent un voyage sonore fluide et agréable.
Le sursaut d’énergie de « Worst Friend » et de « Come On Everybody » (
Eddie Cochran), qui mobilise tous les participants, se pose avec nonchalance, servant sur un plateau solide les clichés de « Be Bop A Lula » (
Gene Vincent), toujours pertinents car ils énoncent l’éternelle vérité du rock and roll et de la vie en général.
Rendons, pour finir, à chacun ce que de droit : les autres textes sont de Thomas Lago, également connu en tant que Pierre Alféri (voir l’album «
Cupid »), sauf «
The Animals » (W. S. Merwin, poète américain du second vingtième siècle), « Ashbox » (Salvatore Puglia), « A Wind That Hungers » (L’Ecclésiaste). «
Cupid » a été remixé à Londres par Nick Patrick (Mory Kanté, Blake).
D. H. T.
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