Alors que "
Voodoo Lounge" les a remis sur de bons rails, et après une tournée triomphale, les Stones cèdent à la mode des Unplugged. Mais lorsque l’on s’appelle les Rolling Stones et que l’on est le plus grand groupe de rock du monde, on ne fait pas les choses comme les autres. Tout d’abord, on ne fait pas un Unplugged chez MTV, mais un album à sa sauce, mélangeant des prestations live dans des salles de petites contenances, telles que l’Olympia à Paris ou le Paradiso à Amsterdam, et des enregistrements épurés en studio. Et puis surtout, on donne un titre qui se réfère à la mode, mais en jouant avec les mots. C’est comme ça qu’est né "
Stripped", album sur lequel les Stones se mettent 'à nu'.
Pour commencer, ils laissent de côté les surenchères sonores et reviennent aux racines du rock et du blues pour des versions épurées et transpirant l’authenticité. Les claviers et sections cuivres sont présents mais pas de façon systématique et leurs interventions restent relativement discrètes, se contentant du strict nécessaire. La priorité est donnée aux Stones eux-mêmes, question de rappeler que Jagger est un sacré chanteur, capable de transmettre une belle palette d'émotions ("
Shine a Light", "
Wild Horses"), mais également un excellent joueur d'harmonica, comme le prouvent son solo sur la reprise imparable du "
Like a Rolling Stone" de
Bob Dylan, ou ses interventions gorgées de feeling sur le blues négligé qu'est "The Spider And The Fly". Côté guitares, en dehors du fait que ses compositions prennent toute leur dimension dans ces versions simplifiées,
Keith Richards nous balance quelques beaux soli comme il ne nous en servait plus beaucoup ("
Shine a Light", "Dead
Flowers", "Little Baby"), alors que
Ron Wood fait taire les sceptiques concernant son jeu de slide ("
Let It Bleed", "
Love In Vain"). Enfin,
Charlie Watts est toujours aussi discret qu'indispensable, fondation vitale pour chaque titre, alliant finesse et efficacité.
Côté setlist, les Stones ne tombent pas dans le prévisible et rabâché depuis des années. Pas de "
Start Me Up" à l'horizon et "
Street Fighting Man" est servi d'entrée, question de mettre les points sur les 'i'. Seul "
Angie" continu d'occuper la place devant un public aux anges. La majorité des titres sont tirés des albums de la période 1965-1971 et seul "Sleeping Away", extrait de "
Steel Wheels" (1989), représente les albums les plus récents, permettant au passage à
Keith Richards de charmer le public de sa voix érodée par les fumées et alcools en tous genres. Au plaisir de voir des "The Spider And The Fly", "Dead
Flowers" ou "Sweet Virginia" ressortis des cartons, les Stones ajoutent une belle dose d'enthousiasme communicatif, comme avec "
Shine a Light" sur lequel Jagger surprend avec quelques descentes inhabituelles dans les graves, et cache difficilement un rire pendant le premier refrain, ou avec le départ manqué et interrompu de "
Love In Vain" qui redémarre après une rapide discussion. Enfin, la version de "
Wild Horses" est d'une délicatesse rare, belle démonstration d'une émotion à fleur de peau parfaitement maitrisée.
Etoffé par quelques reprises, "
Stripped" se révèle être un moment privilégié en compagnie d'un groupe unique. Avec cet album, les Stones nous prouvent que, même sans fard ni paillette, leur musique garde sa puissance émotionnelle car elle prend ses racines directement dans les origines du blues et du rock, avec l'honnêteté et la force sans lesquelles une formation ne peut pas espérer faire une telle carrière.
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