De tous les endroits improbables de la planète où l'on puisse pratiquer du Space Rock, il faut bien reconnaître que Zagreb se pose là. Et pourtant, c'est donc dans cette lumineuse ville croate que depuis quelques années l'agence de voyages intergalactiques
Seven That Spells vous propose à des tarifs très abordables de visiter des endroits aussi fabuleux que la Cascade de Méduse, Rann ou la Contre-Terre.
Et comme tout bon groupe de Space Rock qui se respecte, il arrive un moment où il faut passer par la case de l'album-concept, si possible en plusieurs parties. Et là les croates nous gâtent avec...
*roulements de tambour*
"The Death And Resurrection Of Krautrock"
Rien que çà.
Et en trois parties.
Rien que çà.
Ah oui quand même.
Blague à part, j'avais noté deux points positifs avant même de commencer à écouter l'album. Primo, un groupe qui fait référence à cette cultissime scène allemande de la fin des années 60 jusqu'au milieu des années 70, c'est über-cool. Secundo, la pochette genre "The Dark Side Of The Moon" revisitée par Monster Magnet, c'est über-über-cool.
Reste quand même à écouter la bête, et donc d'abord à se refaire une tournée de la première partie ("AUM", sortie vers 2010) avant d'attaquer "IO" (parenthèse : tout album tirant son titre d'une lune de Jupiter gagne des points en plus). Pour ceux qui ne l'auraient pas écouter, "AUM" se voulait une expérimentation dans l'utilisation des codes du Noise Rock appliqués au psychédélisme. Grosso modo, imaginez les pires délires de
Sonic Youth rejoués pas
Hawkwind. C'était bourré de feedback, de réverbération à vous flinguer les plombages dentaires plus sûrement qu'un solo de Cliff Burton et, surtout, cela faisait appel à une utilisation poussée de structures musicales complexes. Sans aller jusqu'à parler d'album de musique pour musiceins, on n'en était quand même pas très loin et certains plans auraient pu coller des migraines même à un amateur de Dream Theater. "AUM" symbolisait la mort du Krautrock, une mort annoncée par la déferlante sonore des divers courants musicaux violents (du Punk au Heavy Metal au Noise Rock en passant par les musiques électroniques diverses) qui succédèrent au genre dès la seconde moitié des années 70.
"IO" se veut donc à la fois un contrepoint et une suite logique à "AUM". Contrepoint dans le sens où l'on sait par avance, vu le titre de la saga, qu'il s'agit maintenant d'attaquer la partie résurrection et que, forcément, celle-ci fera appel à des sons beaucoup moins agressifs. Le but étant de symboliser la renaissance du Krautrock, dans des formes améliorés ou au travers de nouveaux groupes influencés par le genre, via une musique qui prendrait sa source directement dans le meilleur d'Amon Düül II ou
Tangerine Dream. Le tout toujours basé strictement sur un pyschédélisme en forme libre.
Ce choix de pratiquer la musique en forme libre sur l'album (c'est à dire en quasi-improvisation) se traduti par une (sur)abondance de riffs. Paradoxalement, ceux-ci comptent parmi les plus trippants composés par le groupe et dès le démarrage de "In II" on est littéralement transporté au sein d'un univers plein de galaxies et d'étoiles qui brillent dans la stratosphère. Jamais en reste d'une expérimentation, le groupe se permet donc ce coup-ci d'abuser des mid-tempos (ceux-ci représentant le calme entourant le foetus, ici musical, dans le ventre de sa mère) et de rajouter du chant. Ceci est une semi-nouveauté, le groupe ayant déja incorporé des vocaux sur de précédents opus (notamment sur "
Cosmoerotic Dialogue with Lucifer" en 2008), mais ils sont intégrés ici non pas en piste principale (comme dans des chansons classiques) mais en tant que support de la musique (un peu de la manière dont des groupes comme OM ou
Master Musicians Of Bukkake utilisent le chant de gorge comme un instrument supplémentaire). Quoique casse-gueule sur le papier, ce choix se révèle au final très judicieux une fois que l'on entame l'écoute, s'accordant bien avec le concept inhérent à l'album de mettre la mélodie au centre du propos (à ce niveau-là, la chanson "Burning Blood" fait véritablement figure de maître-étalon pour qui souhaiterait tenter de reproduire le même effet par la suite). Enfin, le rajout de synthétiseurs directement inspirés du Dark Prog italien des années 70 (la filiation avec Goblin est évidente à l'oreille de l'amateur) permet de rappeler que la Mort, fût elle simplement musicale, fait partie intégrante de la vie.
Très différent du joyeux bordel sonique qui caractérise habituellement les productions de
Seven That Spells, cette deuxième partie de "The Death And Rebirth Of Krautrock" est à la fois très facile d'accès pour le novice mais aussi d'une profondeur propre à satisfaire l'amateur blasé. Il s'agit surtout de l'une des meilleures sorties en pur Rock psychédélique des 5 dernières années (si ce n'est plus), et il ne fait aucun doute que l'album porte en lui les germes d'un classique du genre.
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