Festival Elixir, juillet 1984, St Pabu, 30 kilomètres au nord de Brest. Un temps épouvantable, pour mon premier (et unique) festival en solo. Après un samedi cataclysmique (
Kim Wilde, OMD, un fan de
Marillion qui profite du fait que je sois complètement ça-y-est pour me coller la trouille de ma vie, et j'en passe...), et enfin, le dimanche, un peu (un tout petit peu) de soleil pour nous réchauffer, la marmite qui se réchauffe aussi, arrive le soir,
Nina Hagen, pour moi, une découverte sur scène, et, enfin, le grand moment; les
Stray Cats! Ils déboulent avec pas moins de 2 heures de retard et un deuxième guitariste, un certain Tommy Byrnes, et nous délivrent le plus pitoyable concert de toute leur histoire, les guitares se chevauchant et formant une espèce de bouillie sonore complètement indigeste. Mais bon, il faut voir ce que ça donnera en studio.
Quatre mois plus tard, un communiqué de presse annonce la séparation des
Stray Cats, pour des raisons de "divergences musicales". En fait, et on ne va pas tarder à le savoir, ils ne se supportent plus. Cela fait quatre ans qu'ils vivent ensemble (départ des USA, succès en Europe, retour triomphal aux States en 1ère partie des Stones, premières places au Billboard partagées avec Michael Jackson, échec commercial du 3ème album), et les coutures commencent à craquer de tous les cotés. Mme Debbie Drucker, la femme de
Lee Rocker, ne supporte pas la copine de Setzer. Slim Jim Phantom, maqué avec Britt Ekland, fréquente la
Jet-Set, tout sépare nos greffiers.
Setzer propose alors un deal; il va partir jouer pour d'autres musiciens (
Robert Plant,
Bob Dylan, Warren Zeavon,...), pendant ce temps-là, les autres vont bosser leurs instruments, étant entendu que Brian est la pièce Rockabilly maîtresse du groupe, Lee et Slim Jim étant plus versé dans le Blues. Mais la section rythmique ne va tarder à comprendre que le plan de Brian est tout autre, Celui-ci emmène avec lui le fameux Tommy Byrnes, recrute Chuck Leavell aux claviers, un vieux de la vieille, croisé notamment chez les Stones, plus divers musiciens qui ont officié chez
Tom Petty, John "Cougar" Mellencamp ou Warren Zeavon. Car c'est ça, l'idée de Setzer : lacher le Rockab' pour se lancer dans du Rock-Country-FM-Springsteenien-Pettyesque. Comprenne qui peut... A partir de là, les deux autres ne vont pas supporter la trahison du blondinet, et s'ensuivra une guerre des mots assez pitoyable, Jim passant son temps, lors d'une interview donnée à Rock&Folk à traiter Brian de couard et de lunatique.
Setzer, pendant ce temps, avance, commence à composer, répète, parvient à tout régir comme il en a envie, arrive le moment de l'enregistrement. Et là, Setzer va commettre la pire des forfaitures. N'arrivant pas à retrouver un bon son de guitare, il abandonne sa Gretsch pour se compromettre avec des Guild, Yamaha 12 cordes et autres Stratocaster. Inimaginable! Alors là, pour le coup, oui, c'est une trahison. Bien sûr, il la ressortira sur scène, au moment où il lui sera exigé de rejouer "Stray Cat Strut", "Rock this Town" ou "Rumble in Brighton", mais, en studio, à aucun moment, il ne l'utilisera. Et personne ne s'en plaindra, car les chansons de Brian ne nécessitait absolument pas ce fameux son de Gretsch. D'ailleurs, Brian ne jouera pas énormément de solo de guitare sur cet album, Byrnes, beaucoup plus habitué que Setzer à ce types de chansons se chargeant d'assurer les leads.
Cette particularité est audible dés le premier morceau de l'album, l'éponyme "
The Knife Feels Like Justice", Setzer arpégeant pendant que Byrnes chope le solo. Setzer réglera ses comptes avec ses ex-compères quand il expliquera que, pour lui, le couteau est un symbole très fort car il tranche... Sur beaucoup de plages de cet opus, Brian ne cherchera pas à mettre la guitare en avant, mais plutôt la voix et "l'ambiance" du morceau. Il veut un album où l'on s'imprègne des textes, parle de thèmes qu'il n'aurait pas pu aborder sur un album de Rockabilly ("Maria", sur une clandestine mexicaine, ou "Aztec", lorsqu'il tomba sur une pointe de flèches dans sa propriété). Non, décidément, la Gretsch n'avait pas sa place sur cet album!
Brian n'oublie quand même pas d'où il vient, "Radiation Ranch", hymne Boogie-Psycho, en est la preuve, et, bizarrement, l'album se termine sur "Barbwire Fence", une chanson qu'il avait répété avec les
Stray Cats et même jouer en live... au Festival Elixir! Comme quoi... Les concerts de cette tournée post-album furent tous saluer par la critique. L'album lui-même, malgré qu'il puisse sembler inégal, fût également encenser par la critique. Malgré tout, "
The Knife Feels Like Justice " fut un four phénoménal. Setzer, mortifié par ce flop, se tourna alors vers le cinéma et joua le rôle d'
Eddie Cochran dans " La Bamba " puis enregistra un album catastrophique avec Dave Steward (
Eurythmics) avant de reformer... les
Stray Cats!
Personnellement, j'ai un petit faible pour cet album, car, à l'époque, j'avais le nez dans le guidon Rockabilly, je n'écoutais que ça, et je découvris, grâce à cet album, des gens comme
Bruce Springsteen (rien que ça, déjà...), Petty, Mellencamp... Ca m'a permis de m'éduquer un peu et de découvrir d'autres univers que le Rock'n'Roll originel... Et ça me donne d'autant plus de plaisir quand je m'y replonge!
HotRodFrancky
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