Le rock de «
Rubberband Girl », un titre au son entier, franc, continu, s’affirme tel quel et répond, aussi, à un manque que les auditeurs ont pu ressentir précédemment, manque découlant de l’envie d’entendre
Kate Bush vider son verre d’un trait, de gros sons de guitare en renfort. Mais pourquoi a-t-on déjà l’impression que l’album ne suivra pas cette voie ? Parce que l’homogénéité, chez
Kate Bush, à la base, c’était la voix cristalline et le piano, pas tellement la proximité passionnée entre le rythme et les mélodies de premier plan.
Néanmoins, la guitare électrique, d’
Eric Clapton cette fois-ci, dynamise la douceur d’ «
And So Is Love ». La saveur de la musique est toujours là, comme, d’ailleurs, avec les sonorités antillaises d’ «
Eat the Music » ouvrant les fenêtres pour laisser entrer le soleil et le bonheur, ce qui correspond à une autre manière, tout aussi convaincante que le rock, de revenir à l’importance du rythme.
Retour, ensuite, à la
Kate Bush première facture, plus proche des harmonies et des instruments classiques : «
Moments of Pleasure » fait honneur à son titre. Rien à dire sur la composition, l’orchestration, le développement, l’émotion : tout sonne juste. Le défaut n’est pas celui d’un supplément d’âme, que l’on ne peut que constater, mais d’une inspiration. Mettre du cœur dans ce que l’on fait marque un point, sans pour autant toujours satisfaire les exigences orientées vers la genèse du sentiment à l’œuvre.
La mièvrerie pseudo-érotique de « The Song of Solomon » montre, a fortiori, que la chanteuse est en train de s’essouffler, de se complaire dans l’image qu’elle a si brillamment élaborée au fil des années. Après une introduction verbale solennelle et inutile, heureusement brève, c’est une « Lily » bien rythmée, plutôt agréable, qui fait son entrée en scène, partagée entre deux mélodies vocales : l’une grave, l’autre aiguë. Le folklore instrumental de «
The Red Shoes » aurait mieux fait de garder les octaves de la première, flûte et percussions à l’appui. La gravité réussit aussi à
Kate Bush, dommage qu’elle ne l’ait pas davantage exploitée. Cela aurait donné plus de force et de profondeur à ce morceau aux allures traditionnelles, même si, à partir de la deuxième minute, la danse devient plus endiablée.
« Top of the
City » ne manque pas d’intensité non plus, mais fait un usage redondant des silences, des interruptions, à trop vouloir croire dans la dramatisation du propos, autre faille structurelle depuis toujours.
Le funk de « Constellation of the
Heart » tombe à point nommé, les contrastes respectant le plaisir de l’écoute en continu dans un projet qui, autrement, hésiterait trop entre les bons effets de surprise et les indécisions contre-productives. « Big Stripey Lie » a raison de maintenir la température au même niveau, car l’agressivité à bon escient se faisait attendre, d’autant plus que la manière dont la voix, le violon de Nigel Kennedy, la guitare, les larsens et les autres bruits se rejoignent dans les notes aiguës produit ici des effets intéressants à l’écoute.
Prince s’impose naturellement au détour de « Why Should I
Love You ? », et
Jeff Beck électrise un « You’re the One » qui en avait besoin.
Il ne s’agit pas d’évaluer un album sur une seule appréciation technique et affective, sinon tout serait excellent chez
Kate Bush. Et il faudrait manquer de discernement pour ne pas se rendre compte que les invités prestigieux ne sont pas, en ces lieux, au sommet de leur art, même si on se réjouit de leur participation. Ce n’est pas du dénigrement, mais de la pondération.
D. H. T.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire